Dakarmidi – La panne de l’unique appareil de radiographie disponible sur l’ensemble du territoire sénégalais entraînant l’urgente nécessité d’évacuer les personnes atteintes d’un cancer vers d’autres pays, n’a pas été un type de feuilleton politique sans épisodes. Au contraire, elle a eu des suites explosives. Plusieurs citoyens sénégalais ont été complètement submergés par un torrent impétueux d’émotions. Des réactions ont fusé partout pour montrer le degré d’importance de cette machine, la seule. Un désordre indescriptible s’est installé: au niveau du Pouvoir en place, un président de la République en clamant la part du budget national allouée à la santé, a fini par perdre ostensiblement son flegme; au niveau du Peuple, des citoyens ont vu spontanément s’enclencher leurs élans philanthropiques.
Le Cancer, rangé dans la rubrique des maladies chroniques à soins coûteux avec l’insuffisance rénale et le diabète, est une maladie qui possède incontestablement une dimension sociale. Il est de plus en plus fortement fréquent dans toutes les couches de la population notamment dans celles qui vivent dans des environnements d’extrême paupérisation et d’exclusion sociale. Au contact avec cette triste réalité, on ne peut agir autrement que d’interpeller et/ou de rencontrer notre propre Humanité. Ne pas accueillir la mort les mains liées reste un message d’espoir profitable à véhiculer, par tous les moyens, auprès de toutes celles et de tous ceux qui ont des proches souffrants ou déjà emportés par cette si tenace et répandue maladie. Car, ceux qui souffrent de la même maladie compatissent entre eux, ceux qui ont les mêmes soucis s’entraident! D’abord et avant tout, afin que nul ne l’ignore, au cœur de l’action communautaire grâce à notre occupation professionnelle, nous croyions profondément à la mise en synergie concertée et réfléchie de nos efforts pour qu’ils aient des impacts significatifs auprès de leurs cibles. Par conséquent, nous mesurons et savons combien une action de solidarité ou un geste d’empathie ou un bref sourire peut faire la différence auprès des gens dans le désarroi et le besoin.
Par ailleurs, nos ardeurs de compassion et de solidarité pour mieux vivre au quotidien dans ce Sénégal où ses citoyens, de l’Intérieur comme de l’Extérieur, sont hyper sollicités de toutes parts et pour toutes sortes de choses, ne doivent en aucune manière nous empêcher de nous arracher de ce manquement grave d’un État qui se dit souverain pour y porter un regard critique et constructif. D’ailleurs, n’est-il pas vrai que plus on s’emploie à repousser la réalité, plus l’affrontement qu’elle nous réserve risque d’être difficile? Donc nul n’a le droit de se satisfaire de la prolifération des œuvres de bienfaisance pour les ériger en règle d’or au détriment d’une politique de santé efficace, cohérente, efficiente et durable attendue avec raison de nos Gouvernants, les détenteurs privilégiés de la confiance du peuple sénégalais en guise de dépôt.
En effet, entendons-le d’une bonne oreille, ce marketing de la générosité multiple et divers qui a suivi la forte et salutaire médiatisation de l’appareil de radiographie défectueux du service de cancérologie de l’hôpital Aristide Le Dantec est assimilable à un sursaut d’égos pétulants exprimé par des citoyens recroquevillés dans l’indignation et de l’activisme politico-social. Bien qu’il soit légitime d’accorder à leurs défis chiffrés la présomption de sincérité requise, il est dommage et grognant de constater, encore dans cas-ci, que nos super héros du challenge aient été très rapidement confondus dans les remous et les matoiseries incroyables de proches collaborateurs du président Macky Sall. Nous trouvons qu’il est insensé de voir certains acteurs politiques parmi ceux qui doivent rendre des comptes aux malades et leurs familles, à la population en général, s’empresser de leur raviver partout la vedette. Si la naïveté de l’enfant montre son innocence, celle de l’adulte révèle son inexpérience! Les agissements hors-cadre largement immortalisés dans les médias et les réseaux sociaux d’individus investis de mandat politique ne sont-ils pas dans le fond une preuve inconsciente d’une culpabilité avérée ou d’un péché qu’ils cherchent, vaille que vaille, à absoudre? L’un des exemples le plus patent est la hurleuse professionnelle de l’APR, Thérèse Faye Diouf qui a atteint, en un clin d’œil, l’échelon supérieur de la démagogie politique avec ses irritantes, ridicules et hypocrites simagrées. Disons-le, le jour où ce qui était impensable pour nous ne l’est plus, un grand pas vers la lucidité est franchi! Les malades qui souffrent du cancer au Sénégal comme ceux d’ailleurs, pour autant que nous sachions, ne demandent pas de la charité. Ils veulent tout simplement recouvrer leur précieuse santé dans la dignité et le respect. Et c’est à cela qu’on reconnait la grandeur d’un État présent et responsable qui place la justice sociale au cœur de ses priorités. Or, le bruit assourdissant, la mauvaise communication du Gouvernement sur ses erreurs, la quête de ressources financières initiée bénévolement par des citoyens, nous prouvent, de toute évidence, que l’État du Sénégal a perdu toute la plénitude de ses compétences.
Seulement, il faut le reconnaître avec le Médecin économiste, Sir Edwin que: « dans les pays en voie de développement, les gens tombent malades parce qu’ils sont pauvres, ils s’appauvrissent davantage parce qu’ils sont malades ; et voient leur état de mal empirer du fait de la misère accrue ». En effet, malgré qu’il soit doté d’une politique de santé qui tire son fondement dans sa Constitution (Article 7) avec une vision ainsi libellée: « un Sénégal où tous les individus, tous les ménages et toutes les collectivités bénéficient d’un accès universel à des services de santé promotionnels, préventifs et curatifs de qualité sans aucune forme d’exclusion», notre cher Sénégal ne dispose pas encore les moyens de sa volonté politique et de ses ambitions en matière de santé. Les fonctions du système de santé ( Gouvernance, création de ressources, financement), la performance (équité, accès, qualité, efficience, pérennité) ainsi les impacts sur les populations qui constituent des éléments essentiels d’un système de santé, demeurent très problématiques dans notre pays. À la suite de l’anthropologue Bernard Hours, nous constatons avec amertume que prévenir, soigner, instituer et organiser, payer et supporter les coûts, toutes ces fonctions liées à la gestion collective de la santé ne sont pas indépendantes, mais bien constitutives de la profonde crise de l’État sénégalais. En rencontrant de grandes difficultés sans des solutions idoines, le Sénégal se voit dépossédé d’une partie de ses tâches par ses citoyens souvent exaspérés ou par des organisations non gouvernementales si envahissantes. À cela, il faut ajouter le diagnostic alarmant fait par Dr Boubacar Sarr pour qui « la volonté politique renouvelée de mettre la prévention au début et à la fin de l’action sanitaire tarde à être concrétisée à travers des programmes opérationnels. Il en résulte la persistance de comportements défavorables à la santé de la part des populations».
Last but not least, posent également de sérieux problèmes les indicateurs au niveau des ressources humaines qui, malgré les efforts déployés par les différents Gouvernements, restent en deçà des normes établies. L’insuffisance des effectifs au sein des structures de formation, la non maîtrise du processus de recrutement par la fonction publique étatique désuète, l’insuffisance des mesures incitatives pour fidéliser le personnel et réussir une meilleure répartition géographique, le déficit criard surtout dans les zones éloignées de la capitale, la faible motivation du personnel, le cadre de vie peu adéquat pour un épanouissement professionnel du personnel, l’absence d’un plan de relève sont, entre autres, des maux qui gangrènent le système de santé sénégalais. Pourtant, l’une des rares lumières qui reste allumée dans ce système de santé sénégalais malade, est d’avoir des femmes et des hommes extraordinaires, braves et talentueux qui, debout pour le combat du matin au soir dans l’adversité, battent des records miraculeux. Qu’ils reçoivent, ici et maintenant, l’expression de notre gratitude et l’assurance que leurs prestigieux sacrifices font d’eux de véritables soldats de la VIE!
En définitive, comme solution inspirée par Danièle Geoffrion, le Sénégal a besoin de soins paramédicaux. La prescription délivrée par l’ensemble des médecins sénégalais lui recommande d’inscrire rapidement sur le fronton de la porte de son Ministère de la Santé et de l’Action sociale: Soigner une maladie et non le malade, c’est tout miser sur une bataille et oublier la guerre!
L’appareil de radiographie qui a décidé de lâcher définitivement ses malades, a le mérite, au-delà des honneurs que nous devons lui rendre pour ses bons et loyaux services, de nous rappeler à l’essentiel. Par conséquent, nous ne devons pas nous laisser envahir par l’émotion ou manquer de courage pour examiner sans détour les différentes étapes de notre vie commune pour bien situer les niveaux de responsabilité. Invisible et inaudible, la machine à l’arrêt nous relie avec le passé, le présent et le futur. À la croisée, se dresse inévitablement un homme qui doit comprendre que le comble de l’audace dans le dépassement est de dire tout haut et en toute bonne foi que s’il est bien PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE du Sénégal, il a obligation de faire les choses autrement avant de recevoir en dehors du Palais présidentiel une forte délégation conduite par Son Excellence REMORD.
Pathé Guèye
Correspondant ACT-CANADA