Il est de la responsabilité l’Etat de garantir aux citoyens l’exercice sans entrave de leur droit de suffrage. Cette mission traduit un pilier fondamental de la démocratie par le biais de l’expression de la volonté des peuples. Dès lors, la mise en place de mécanismes devant permettre la tenue d’élections libres, régulières et inclusives demeure au centre des préoccupations de toute nation démocratique.
Notre pays, résolument orienté vers la satisfaction de ces exigences, ne cesse de réformer son système électoral depuis l’adoption du code électoral consensuel de 1992 dans un contexte marqué par des crises politiques qui accouchèrent de pénibles transitions démocratiques dans nombre d’Etats en Afrique. Il convient de magnifier la maturité démocratique du peuple sénégalais qui a acquis des aptitudes et capacités, confirmées, à réaliser des alternances politiques au sommet de l’Etat.
Sans nul doute, les multiples réformes initiées répondent au besoin constant de modernisation du processus électoral même si, dans leur mise en œuvre, elles peuvent connaître certaines limites ou se heurter à des réticences et suspicions de certains acteurs du jeu politique.
Sous ce rapport, la refonte partielle du fichier électoral conduite dans une période relativement courte alors qu’elle réclamait la présentation des anciens comme des nouveaux électeurs devant la commission administrative d’enrôlement, n’a pas encore permis la disponibilité de toutes les cartes d’électeur issues de ces opérations.
A ce jour, près de 40% des 4,5 millions de cartes produites sont en souffrance dans les commissions. Il s’y ajoute le gap de deux (2) millions de cartes à éditer d’ici la date des élections. Avec la capacité de production actuelle (60.000 à 70.000 cartes par jour), on va forcément poursuivre la production des cartes jusqu’à la dernière semaine d’avant scrutin sans être assuré que celles-ci seront remises aux électeurs malgré le dispositif déployé par les services centraux (DGE et DAF) et les autorités administratives.
Or la mission de l’Etat s’étend au-delà de la facilitation des opérations électorales, elle concerne principalement la capacité du système à assurer l’enrôlement des électeurs mais aussi la production et la distribution des cartes d’électeur. C’est le lieu de saluer les initiatives des acteurs de la société civile et d’encourager la CENA dans la recherche de solutions consensuelles en vue de faciliter le vote.
Au regard de tout ce qui précède, il nous apparaît indispensable, pour préserver le droit de vote des citoyens sénégalais garanti par la Charte fondamentale, de formuler les propositions suivantes :
Engager des concertations avec les acteurs du processus électoral et les représentants des listes de candidats pour un réaménagement du calendrier électoral;
Décaler la date des élections au dimanche 24 septembre 2017 ;
Poursuivre la production des cartes d’électeur jusqu’au 31 août 2017 ;
Simplifier la distribution des cartes et démultiplier les commissions itinérantes ;
Ouvrir une phase contentieuse de cinq (5) jours (du 16 au 21 août 2017) ;
Rééditer les cartes comportant des erreurs matérielles ou des photographies confuses (du 21 au 31 août 2017) ;
Mener un audit du fichier électoral à partir de la mi-août 2017 ;
Mettre en place un cadre de concertation permanent sur le processus électoral.
Afin de renouer le fil du dialogue rompu depuis la mise en place du comité de suivi de la refonte du fichier, de lever les suspicions et de rassurer les acteurs politiques, il serait judicieux de créer un Ministère chargé des Elections et de la Modernisation du système partisan. Choisi parmi les personnalités non partisanes ayant des compétences et une expérience dans le domaine, le chef de ce département ministériel, aura les attributions suivantes :
Organiser les concertations autour de la révision du code électoral et de la loi relative aux partis politiques.
Préparer et organiser l’ensemble des opérations électorales et référendaires : l’élection présidentielle, les élections législatives, les élections des membres du HCCT, les élections municipales et départementales ainsi que les élections de représentativité des centrales syndicales et des secteurs de branche ;
Contrôler et réguler le financement public des partis politiques ;
Veiller au respect de la réglementation relative aux partis politiques (dépôt et déclaration obligatoires) ;
Conduire les réformes visant la modernisation et la simplification des processus électoraux ;
S’agissant de la rationalisation du système partisan eu égard à la prolifération des partis politiques, nous détenons la solution de « la Preuve de la Représentativité » dont les principaux axes avaient été déclinés depuis deux ans.
En définitive, un léger décalage de la date des élections permettrait aux électeurs de disposer de leur carte, nous éloignerait de la saison des pluies et n’empêcherait pas le fonctionnement de l’Assemblée nationale dont leurs pouvoirs, en vertu de l’art. L.151 du code électoral, expirent le jour de l’installation de l’Assemblée nationale nouvellement élue. De plus, cette dernière pourra bel et bien examiner et adopter la loi des finances 2018.
Sénégal, le 29 juin 2017
Ont signé :
Bakar Ndiaye, Expert des systèmes de vote
Ndiaga Sylla, Expert électoral