Dakarmidi – L’écrivain et économiste Felwine Sarr indique à Macky Sall le chemin à prendre pour disposer des outils pouvant lui permettre de comprendre que le franc CFA est une monnaie obsolète. Il dit : «Quand mon Président dit qu’il n’a pas d’arguments, je lui réponds que les arguments existent, et que s’il convoque les économistes, il aura des arguments scientifiques.»
Lui pourrait faire partie de ces économistes. Sa spécialité : la macro-économie monétaire. «Et il se trouve aussi que moi-même, mes étudiants, mes doctorants et énormément de gens, avons travaillé longuement sur cette question-là», renchérit-il avant d’indiquer : «La question que nous, on pose d’abord, c’est de savoir quels sont les avantages et les inconvénients.»
Les avantages du CFA
Au chapitre des avantages du franc CFA, Felwine Sarr brandit sa liste : «Il faut le reconnaître, le franc est stable, on n’a pas de crise de change, l’inflation est faible, c’est un fait. On est à 2% d’inflation, on a des pays qui sont à 18% et qui subissent régulièrement des crises de change et qui rendent le projet économique incertain. Ça, nous l’avons réglé.»
Et ce n’est pas tout. Le professeur d’économie à l’Ugb ajoute : «C’est aussi un facteur d’intégration sous-régionale. On a huit pays qui ont la même monnaie. Vous n’avez pas de problème de change lorsque vous exportez avec le Mali, le Burkina, et ça facilite les échanges, le commerce intrazone, ainsi de suite…»
Ces bons points suffisent-ils à convaincre ceux qui souhaitent un enterrement du CFA de reconsidérer leur position ? Felwine Sarr ne le pense pas. Qui égrène une longue liste des inconvénients de cette monnaie.
Une kyrielle d’inconvénients
D’abord, souligne-t-il, le franc CFA est «une monnaie qui a un taux de change fixe, aligné à une monnaie forte, qui ne reflète pas les fondamentaux de nos économies».
L’écrivain et économiste explique : «Si vous êtes un Sénégalais et que vous exportez aux États-Unis, si l’euro se renchérit par rapport au dollar, le CFA automatiquement se renchérit. Donc vos produits deviennent automatiquement plus chers, alors que ce n’est lié ni à la qualité, ni à votre compétitivité, ni à votre économie.»
Felwine Sarr rappelle que «le deal, ça a été de dire que la France et l’euro garantissent la convertibilité internationale de la monnaie et que, en contrepartie, une proportion importante de nos réserves en devises sont logées dans un compte auprès du Trésor français, que la France gère». Ce n’est pas jouable de l’avis de l’auteur d’Afrotopia.
Il argumente : «D’abord ces 20-30 dernières années, ce compte-là a toujours été excédentaire, donc ça veut dire que cet argent est immobilisé là-bas, c’est des sommes importantes, ça se chiffre en milliers de milliards de francs CFA, alors que nous avons besoin de ressources pour investir dans nos infrastructures, pour financer nos économies, mais ça veut aussi dire que nous ne sommes pas autonomes dans la gestion de la politique monétaire.»
Pour «un régime de change flottant»
Felwine Sarr suggère, à l’instar d’autres économistes, «un régime de change flottant, encadré, adossé à un panier de monnaies- ce qu’on appelle un currency board- au prorata du volume du yuan, du yen, d’autres monnaies et avec une marge de fluctuation qui fait que lorsque nous avons des chocs, nous pouvons ajuster, nous pouvons faire comme les Chinois qui dévaluent le yuan, nous pouvons relancer nos économies».
En soulignant que les pays de l’Uemoa ont les moyens de changer de cap monétaire, le professeur d’économie à l’Ugb «passe sur les arguments symboliques, institutionnels», qui militent en faveur de l’enterrement du franc CFA. Et il conclut : «Qu’on ne vienne pas nous dire que c’est un discours idéologique. Ce travail existe, s’ils se donnent la peine de dialoguer et d’aller voir.»
Sud Quotidien