Le Bureau de Prospective Economique (BPE) a réalisé un rapport de bilan et de perspectives de la Covid au Sénégal, cent jours après son apparition au Sénégal, en se fondant notamment sur les statistiques publiées par le Ministère de la Santé et de l’Action sociale. L’équipe du rapport comprenait Moubarack Lô, Amaye Sy et Sambane Yade.
L’analyse des évolutions globales dans le pays permet de tirer plusieurs enseignements :
(1) les cas de Covid-19 ont augmenté continuellement, au Sénégal, au cours des deux derniers mois, avec des rythmes variables ; (2) le nombre de tests réalisés a fortement augmenté entre avril et mai, sans pour autant générer une augmentation sensible du taux de positivité qui s’établit en moyenne à un peu plus de 7% ; (3) les Régions de Dakar, de Diourbel et de Thiès, les plus peuplées du pays, concentrent plus de 90% des cas confirmés de Covid-19 au Sénégal ; (4) les cas communautaires augmentent inexorablement en nombre, d’une semaine à l’autre, atteignant 15 cas en moyenne par jour en début juin, contre 5 cas par jour un mois et demi auparavant ; (5) depuis le mois d’avril, le taux de guérison a connu successivement une baisse suivie d’une période de stabilité puis, récemment, d’une forte hausse. Aujourd’hui, deux tiers des cas infectés sont guéris ; (6) les taux de décès sont très bas (autour de 1%) sur toute la période d’avril à mai ; (7) le degré de sévérité de la Covid-19 a évolué, au Sénégal, en dents de scie entre avril et mai 2020. Le score du Sénégal dans l’indice de sévérité conçu par le Bureau de Prospective Economique (BPE) est ainsi passé de 0,93 le 14 avril à 0,62 le 10 mai avant de remonter à 0,91 le 14 juin, soit un niveau de sévérité très faible.
En termes de perspectives, les dynamiques de changement en cours ne permettent pas de définir avec certitude les lignes d’horizon de la maladie Covid-19 au Sénégal. Ainsi, trois types de pics potentiels doivent être considérés pour la Covid-19. Un premier pic relatif est déjà apparu, au milieu du mois de mai, et découle de la politique de « confinement partiel » décidée par les Autorités du Sénégal en fin mars. Un deuxième Pic est à scruter et correspondrait à la poursuite de la politique actuelle de tests, dans un environnement de levée substantielle des restrictions. Un troisième Pic devrait être considéré si la stratégie de tests évolue sensiblement.
Devant cette situation plus qu’incertaine, un travail prospectif d’expertise a été mené par le BPE pour comprendre les transformations en cours et anticiper les futurs possibles, sous forme de scénarii argumentés et chiffrés, sur un horizon de six mois. Il aboutit à la construction de trois scénarii obtenus par la combinaison d’hypothèses prospectives cohérentes entre elles, à partir des dynamiques de changements déclinées en tendances lourdes, en incertitudes majeures et en signaux faibles. Un chiffrage de chaque scenario est proposé grâce à une approche du BPE qui consiste à estimer d’une part le nombre de cas contacts prévus pour chaque semaine et d’autre part le nombre de cas communautaires prévus pour la même semaine.
Dans le scenario 1 (scénario vert), la Covid-19 est rapidement vaincue au Sénégal. Pendant une période prolongée, le pays ne compte plus de nouveaux cas, exceptés les cas importés qui sont détectés dès leur arrivée ou pendant leur période de confinement obligatoire et pris en charge. Avec ce scénario, le pays n’aurait ni de nouveaux cas communautaires ni de nouveaux cas contacts à la fin du mois d’août 2020. Le nombre total de cas confirmés serait au maximum de 14.150 en fin novembre 2020.
Dans le scénario 2 (scénario jaune), la Covid-19 se maintient avec un degré modéré de sévérité. Le rythme des infections journalières sur tous les segments (cas communautaires, cas contacts, cas importés) est stable pendant une période prolongée. Avec ce scénario, de nouveaux cas communautaires et de cas contacts continueraient d’apparaître. Le cumul de cas atteindrait 35.816 à la fin du mois de novembre 2020, soit plus de 21.000 cas confirmés de plus que dans le scénario vert.
Dans le scénario 3 (scénario rouge), la Covid-19 s’installe gravement et durablement sans vaccin. Le rythme des infections journalières sur tous les segments (cas communautaires, cas contacts, cas importés) ne cesse d’augmenter et le cumul de cas confirmés atteindrait 56.103 en fin novembre, soit près de 42.000 infections de plus que dans le scénario vert.
Le passage au scénario vert suppose la mise en œuvre des conditions préalables ci-après :
Les populations adhèrent et appliquent strictement les mesures barrières.
Le port du masque, la distanciation physique, et l’autodiscipline sont pratiqués par une grande majorité de la population. Les activités à haut risque de contamination ne sont pas déroulées.
Les communautés locales se mobilisent fortement pour le signalement des cas suspects. La communication institutionnelle est renforcée.
Les structures sanitaires 0 tous les niveaux ont une forte capacité à détecter les cas. Les lieux d’isolement des contacts et de traitement des malades ne sont pas débordés.
Toute personne en provenance de l’extérieur est identifiée, testée rapidement, et mise immédiatement et obligatoirement en quarantaine, puis traité le cas échéant. Toutes les personnes ayant voyagé avec les cas positifs sont obligatoirement confinées. Grâce à cette politique, l’apparition des cas importés est sans conséquence sur la propagation de la maladie au sein du pays.
Des tests de dépistage massifs sont effectués quotidiennement dans le cadre d’un nouveau dispositif de tests. Ce cadre intègre des tests de détection rapide et des tests communautaires dans les zones clusters.
Moubarack LO, Directeur général du Bureau de Prospective Economique (BPE)