Dakarmidi – Votre lettre combien citoyenne, adressée à Monsieur le président de l’Assemblée nationale et aux honorables députés «pour alimenter la conversation nationale autour d’une question cruciale : la peine de mort», m’interpelle à plus d’un titre.
Permettez-moi quelques observations sur l’intérêt de votre interpellation pour ensuite indiquer une voie de solution à la conversation nationale, la vraie, la plus actuelle (le contexte évènementiel émotionnel et douloureux oblige) : le rétablissement de la peine de mort.
Le titre provocateur de votre lettre, «Dire aux députés que leur silence est violent», ne m’agrée pas.
A l’aube de la 12ème Législature, avec l’euphorie des ruptures annoncées, des députés se sont signalés par le dépôt de plusieurs propositions de loi dont deux ont retenu particulièrement mon attention.
1/La proposition de l’honorable Oumar Sarr portant à 5 ans la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale ;
2/ La proposition de l’honorable député Seydina Fall Bougazelli sur le rétablissement de la peine de mort.
La première proposition a subi le veto du président Moustapha Niasse.
La seconde, à cause d’un laxisme, est en instance depuis 2013 et son auteur n’a pas manqué de la soutenir à travers la conversation nationale pour conclure par une sentence : «Ceux qui sont contre la réactivation de la peine de mort sont des assassins.»
Alors, attendons-nous à la guillotine expéditive dès l’adoption et promulgation de sa proposition.
Cheikh, vous dites d’entrée de jeu que «vous êtes opposé au rétablissement intégral et à l’application implacable de la peine capitale. Mais vous optez pour une position intermédiaire qui consiste à introduire un principe d’exceptionnalité à cette abolition, ce qui entraînera une peine de mort automatique dans des cas bien précis».
En définitive, vous n’êtes pas un abolitionniste et vous finirez, au bout du compte, par être un militant de la peine de mort.
Votre proposition rejoint ici l’avis du grand éditorialiste, votre confrère Mamoudou Ibra Kane : «Je ne suis pas pour la peine de mort, cependant je suis favorable à son application à certains crimes.»
Votre lettre, revêtue de plusieurs habits (politique, juridique et communicationnel), interpelle l’ancien député, président du groupe de la majorité de la dixième Législature.
Pour ma part, le débat législatif pour l’abolition de la peine de mort est clos, le Peuple souverain en a décidé par ses représentants.
L’Assemblée nationale, en sa séance du vendredi 14 décembre 2004, a adopté et le président de la République a promulgué la loi 2004-38 du 28 décembre 2004.
A ce que je sache, en 2004, acteur de la vie nationale, vous n’aviez pas jugé nécessaire de vous adresser à Monsieur Papa Diop, président de l’Assemblée nationale ni aux députés de la majorité et aux députés de l’Afp.
Vous rappelez la «position courageuse et l’opposition héroïque» de Moustapha Niasse à l’abolition de la peine de mort.
Alors Cheikh, je pense que c’est le contexte sanguinolent, criminel et macabre qui fouette votre intelligence et votre sens de l’humain pour proposer un retour à la peine de mort.
Et l’on vous rappelle si bien les dispositions de l’article 7 de la Constitution du 22 janvier 2001 : «La personne humaine est sacrée […] Tout individu a droit à la vie» (peut-être même ceux qui ont arraché la vie d’un autre).
Pour la République laïque, «vox populi vox dei» «la voix du Peuple (par ses députés) est la voix de Dieu».
Il s’agit pour vous de défaire la loi d’abolition et pour cela, des conditions parlementaires optimales sont réunies :
1 / L’honorable Moustapha Niasse opposant héroïque de l’abolition est redevenu mandataire du Peuple souverain. Il est le président de l’Assemblée nationale
2 / L’honorable Seydina Fall, porteur de la proposition, serait soutenu par des collègues
3 / Ces députés ci-dessus sont membres de la majorité Benno Bokk yaakaar
4 / Le député Cheikhou Oumar Sy qui s’est bien distingué durant cette législature a révélé que 80% des députes sont favorables à la réactivation de la peine de mort.
5 / Le deuxième vice-président de l’Assemblée, par ailleurs président du parlement de la Cedeao, s’est exprimé pour la réactivation.
Cheikh, la simple proposition de loi appelée est déposée dans le «coffre» du président de l’Assemblée nationale depuis 2013. S’il est vrai que la loi peut défaire tout ce qu’elle a fait, tout est réuni pour adopter le texte de l’honorable Seydina Fall et le faire promulguer par Monsieur le président de la République avant le 10 décembre 2016.
Acceptons une réalité sur cette question d’abrogation de la loi 2004-38 du 28 décembre 2004 : C’est possible et maintenant.
Il ne s’agit pas, à mon humble avis, ni de foi ni de conviction, mais plutôt de courage et comme dit Guy Carcassonne : «Ce qui manque à l’Assemblée nationale, ce n’est pas des pouvoirs, mais des parlementaires pour les exercer.»
Doudou WADE – Ancien Député