Dakarmidi – Je peux me prévaloir de plus de quarante ans de service dont plus de trente ans à l’université, mais il ne m’a pas été donné une seule fois de déceler chez les étudiants des symptômes d’une radicalisation les prédisposant à un engagement et à des actes terroristes. Vous-même, Abdou Ndukur Kacc Essiluwa, affirmez que les services de renseignement du Sénégal ont du métier et des relais dans tous les milieux sociaux. Les franchises dont jouissent les universités les situeraient-elles hors du champ de la surveillance du territoire ? Non
Certes y a-t-il dans les résidences universitaires une intensification des formes de religiosité à travers des signes comme l’édification de lieux de culte, l’habillement et l’organisation par des associations de cérémonies d’hommage (tiant) dédiées à de grandes figures des confréries sénégalaises, des causeries religieuses, des collectes de fonds destinées à l’entraide. Mais ces activités s’inscrivent dans le programme des « dahiras » créées par les étudiants mourides, tidianes, layènes, khadirs…et même « ibadou rahmane » dans le prolongement de celles existant partout ailleurs sur la scène sénégalaise. La remarquable étude du sociologue Momar Coumba Diop consacrée au phénomène de dahira en milieu urbain me dispense d’y revenir. Ces groupements parrainés du reste par les hiérarchies maraboutiques sont des lieux exclusivement prévus pour lutter contre l’isolement des fidèles qui y tiennent périodiquement des réunions pour revigorer leur foi et cultiver la solidarité entre coreligionnaires. Leur encadrement n’est pas laissé au hasard. Les dirigeants de ces associations ou « diawrigne » sont choisis en référence à leur probité, à leur connaissance de la voie correspondant à la confrérie et à la confiance dont ils jouissent auprès de leurs égaux du même cercle et du marabout auquel ils sont affiliés.
Il me semble aussi que la préoccupation majeure des étudiants est d’abréger le temps de leur transit dans les cycles de formation, et, de rentrer le plus tôt possible dans la vie active, avec ou sans l’aide des pouvoirs publics au lieu de miser sur le recrutement d’obscures officines prônant la destruction et le désordre.
Il est vrai que la violence peut sévir dans les campus avec des « effets collatéraux » sur leurs abords lorsque les étudiants revendiquent pour le paiement de leurs bourses, les élections de représentativité, des motifs d’ordre pédagogique en bloquant à l’occasion le fonctionnement des cours, de la circulation sur l’avenue Cheikh Anta Diop ou sur la RN3, en caillassant des autobus ou en en arraisonnant un ou deux qui à leurs yeux font partie des symboles de l’État. Mais on peut observer également que les bâtiments pédagogiques, le mobilier des salles de cours, en somme le patrimoine des universités sont de moins en moins visés comme des exutoires de la colère des étudiants. De ce point de vue, il faut plutôt les encourager à persévérer dans cette prise de conscience civique d’autant qu’ils contribuent – même faiblement – au financement de ces infrastructures.
Toutefois lors de la commission de ces voies de fait, on n’a jamais entendu le cri de ralliement des jihadistes « Allahou akbar ! ».