Dans cette tribune, Ibrahima Wade, secrétaire général du mouvement Un Autre Avenir, ausculte la gestion nébuleuse et opaque des caisses noires au Sénégal, à la fois « moralement intolérables » et une gangrène pour la bonne gouvernance.
Voici sa tribune
Au Sénégal, il y a une floraison de caisses noires, « légales » certes, mais moralement intolérables surtout dans cette période où une grande partie des populations vit dans la précarité. Le plus incompréhensible, c’est que sa gestion échappe à tout contrôle. Ni l’Assemblée Nationale, ni la Justice encore moins le citoyen n’a aucune connaissance de comment est dépensé cet argent qui appartient pourtant au peuple sénégalais.
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Une caisse noire serve, le plus souvent à financer des actions illicites comme le versement de pots-de-vin, l’achat de conscience, l’entretien d’une clientèle politique ou des intérêts personnels. Une caisse dite noire n’est assujettie à aucun contrôle de la part des pouvoirs législatif et judiciaire. Le tributaire s’en sert comme il lui plait, comme bon lui semble sans rendre compte à personne, et nos lois le permettent.
Il faut savoir que l’on est ici face à des structures publiques (présidence de la république, Hcct, Assemblée Nationale, CESE), et leur comptabilité échappe complètement au contrôle du citoyen à travers ses représentants à l’Assemblée et la justice qui nous garantit une bonne utilisation des deniers publics.
La gestion de ces différentes caisses noires, obéit à une comptabilité parallèle, ce qui les place en dehors de la légalité
La gestion de ces différentes caisses noires, obéit à une comptabilité parallèle, ce qui les place en dehors de la légalité. Au Sénégal, nous avons hérité de l’ancienne puissance coloniale, cette pratique, mais lorsque la France utilise sa caisse noire pour prendre en charge sa sécurité, nous, nos caisses noires deviennent des fonds politiques.
Partout où il y a des caisses noires, les scandales existent car une comptabilité qui n’obéit à aucune règle, facilite tous les abus et autres détournements. Même en France, où les fonds secrets répartis entre l’Elysée et Matignon qui y puisent sans cesse, sans aucun contrôle, il y a souvent des scandales. Normalement ces fonds devraient servir à financer les actions secrètes de l’Etat, services de contre-espionnage, DGSE, et certains frais en cash des ministères de la Défense et de l’Intérieur. Mais de temps en temps, ces fonds secrets servent à gratifier des fonctionnaires, à payer des cadeaux, des voyages en avion ou même au financement politique occulte.
L’existence des caisses noires dans notre République n’est plus acceptée par les populations ; mais leur suppression doit se faire en amont de toute élection présidentielle, car une fois élu, la tentation pour garder ces caisses est grande chez le nouveau président de la république
En 2007, deux journalistes d’investigation ont révélé que «plusieurs centaines de milliers d’euros en espèce» ont circulé au sein de l’ambassade d’Allemagne à Paris où un système de fausses facturations aurait été mis en place.
L’existence des caisses noires dans notre République n’est plus acceptée par les populations ; mais leur suppression doit se faire en amont de toute élection présidentielle, car une fois élu, la tentation pour garder ces caisses est grande chez le nouveau président de la république.
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Dans notre projet de gouvernement, nous proposons la suppression de toutes les caisses noires de la République et si nécessaire, mettre en place un fonds d’urgence domicilié au trésor public, qui peut être certes géré par le président de la République, mais soumis au contrôle de l’Assemblée Nationale et à la Cours de Comptes.
Le plus scandaleux dans tout ça, ce sont les caisses noires du président de l’Assemblée Nationale, du président du HCCT et de la présidente du CESE que l’on estime cumulées à 1,5 milliard de FCFA par an, ce qui équivaut à 10,5 milliards les sept ans de gouvernance du président Macky Sall ; rajoutez-y les 50 milliards qui seraient octroyés à ce dernier durant son mandat de sept ans. Combien d’écoles, de dispensaires ou de forages pourrait-on faire avec tout cet argent ?
Ibrahima Wade
Secrétaire Général Un Autre Avenir