Dakarmidi – Il règne une atmosphère particulière sur le Sénégal. Quelle interprétation en faire ? Seraient-ce les temps héroïques que nous avons vécus en 2012 qui s’annoncent par ce silence qui semble comme une armistice signée entre tous les belligérants pour honorer l’esprit de l’illustre Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum, trop tôt arraché à notre affection, avant leur face à face aux conséquences redoutées ?
Ou bien seraient-ce les temps de notre jeunesse, au moment où la paix des braves était signée par Me Wade et Abdou Diouf pour sauver le Sénégal d’un contentieux électoral qui en menaçait la stabilité et risquait en conséquence d’en saper les fondements ?
Tout porte à croire que nous en sommes à un tournant historique dont le premier acte a été lancé par le nouveau Khalif général des Tidianes, notre grand père adoré, qui vient de confirmer par sa voix austère la triste prémonition de son prédécesseur, qui a prédit, comme un avertissement solennel, des lendemains de troubles pour notre pays, si l’on n’y prend garde.
En effet, Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine a dit clairement à l’endroit de toute la classe politique réunie qu’il y a des risques sérieux d’un basculement du Sénégal vers la guerre civile par la faute d’une classe politique pressée de régler ses comptes sur l’autel de la paix et de la quiétude de leurs concitoyens qui les observent et n’en finissent plus de ruminer leur déception devant un tel étalage de méchancetés débitées de part et d’autres.
Nous saluons la sagesse retrouvée par nos autorités spirituelles. Nous marquons avec satisfaction l’évolution du champ lexical de leurs discours, et prenons acte de leur appel au calme, et à la lucidité retrouvée.
En effet, qu’est ce que la politique sinon de manière prosaïque « l’art de gérer la cité » ?
Il n’y a pas de vérité qui ne soit véridique que quand l’on est dans le camp de l’opposition, et qui se transforme en mensonge dès lors qu’elle est dite par le camp du pouvoir.
Quand l’on est un lanceur d’alerte engagé dans la défense de la cause du peuple au Sénégal, l’on est tout de suite taxé d’opposant, comme si cette position ne pouvait être légitimée que par une appartenance au camp qui lutte pour la conquête du pouvoir.
Ce n’est pas le cas. Pour ma part, je ne me suis jamais réclamé d’un quelconque camp de l’opposition. Et nul ne peut prétendre que j’ai intégré une alliance électorale pour m’engager dans la conquête du pouvoir. Ma position a toujours été constante : dénoncer les travers propres à nos gouvernants. Etaler les conséquences funestes de leurs actes sur nos populations et alerter sur les dangers que cela induisait pour l’avenir de notre Nation. Je n’ai eu de cesse de démontrer à longueur de chronique pourquoi les choses ne marchaient pas, et quels étaient les comportements découlant de nos attitudes qui menaçaient la paix et la stabilité sociales.
Tout autant, je me suis évertué à tracer les voies qui me semblaient les plus pertinentes pour engager le Sénégal vers le chemin de la croissance. Car, après tout, qu’est ce qui est plus important ? Conquérir le pouvoir ou porter citoyennement le débat du développement du pays sur la place publique, pour démontrer aux gouvernants que s’ils ne disposaient ni des compétences ni de la solution, des sénégalais patriotes y réfléchissaient, et les mettaient gracieusement à leur disposition, pour l’intérêt supérieur de la Nation, étant entendu que tout échec découlant de leur non application sera sanctionné par les électeurs, en temps opportun ?
Nul n’a le monopole du savoir cependant, ni de la probité morale et intellectuelle. Et le meilleur des engagements à mon sens est l’engagement patriotique au service des populations, pour ne servir que la vérité. L’unique vérité qui vaille que nous nous engagions, et que seul détient le peuple qui élit souverainement les dirigeants qui lui semblent les plus capables de satisfaire ses attentes.
Les débats de l’heure, nous les avons posés, avec tact. Les mêmes convictions nous animent tous. Il s’agit de servir et de défendre les intérêts du pays.
Notre pays souffre, il est vrai. Il souffre de nos institutions, qui sont à l’image de notre capitale : macrocéphaliques.
Un régime présidentiel fort. Un Président de la République qui nomme à tous les emplois civils et militaires. Qui préside le Conseil supérieur de la Magistrature. Chef de parti qui détermine la composition du bureau de l’Assemblée nationale.
Que voulez-vous ?
La totalité de la concentration gigantesque de tout ce pouvoir aurait tenté tout président à en abuser. La preuve ? Le débat sur la réforme de nos institutions a été porté par tous les candidats à l’élection présidentielle. Personne parmi ses plus ardents défenseurs n’a tenté une fois au pouvoir de la lancer.
Opposition ne signifie pas explosion de haine et de mépris, autant de signes d’une animosité et d’une détestation profonde qui transparaissent à chaque prise de parole de part et d’autre.
Prenons garde. Partout dans le monde, quand le débat politique vire à la dispute, et bascule vers la stichomythie, la suite logique a été la violence physique. Allez demander les conséquences de cet état de fait à Don Gormas.
Posons les vrais débats. Sereinement.
Obama avait bien raison, quand il disait que « l’Afrique avait besoin d’institutions fortes, mais pas d’hommes forts ». Il ne croyait pas si bien dire. Parlant d’institutions, l’exception en l’espèce était assurément la station présidentialiste.
Nos guides spirituels ont décidé comme par magie de retourner à leur rôle d’alerte, et de médiateurs sociaux.
Que nous reste –il à faire, nous autres classe politique sénégalaise ?
Ne jamais rompre le cordon ombilical qui nous lie à notre peuple, et avoir la modestie de ne pas nous croire dépositaires d’une science infuse qui fasse de nous des citoyens de première zone.
Cela nous amènera peut être à avoir plus de considération de part et d’autres, et à nous parler dans « le langage clair de la savane » avec franchise, sans basculer vers l’outrage verbal pour montrer ridiculement notre engagement, ou notre patriotisme, comme si nous en détenions le monopole, parce qu’étiquetés de l’opposition.
Le guide religieux au Sénégal est pour nous celui qui « lit dans les astres le chemin que nous trace le doigt du Seigneur ».
Prenons acte de l’avertissement posthume réitéré par Abdoul Aziz Al Amine : ne prenons pas la responsabilité de brûler notre pays.
Une classe politique avertie en vaut deux…
Cissé Kane NDAO
Président A.DE.R