Quiconque avait pensé que nous avons mis en place cette la Coalition Yewwi Askan Wi sans stratégie, s’était trompé lourdement.
A Guediawaye par exemple, nous avons investi à la mairie de Ville le journaliste et animateur d’émissions devenues cultes (teuss et sen jotaay) pour les municipales de janvier 2022. Mais les adversaires et particulièrement le maire sortant l’avaient minimisé politiquement parcequ’ils avaient cru à cause des clichés véhiculés, que notre Coalition avait commis une grossière erreur.
Ces clichés étaient : il n’a pas le baccalauréat, il n’est pas un intellectuel, il n’est ni pertinent ni compétent puisqu’il n’est pas bardé de diplômes universitaires…
Le langage peu académique et le verbiage de maison et de la rue qu’employait Ameth étaient leur baromètre. Parcequ’ils ont une certaine idée biasiée de ce que doit être un maire ou un politicien oubliant que les Sénégalais ont tout vu et rien n’avait marché jusque-là.
Ce que ses détracteurs ignorent c’est qu’Ameth Aidara est celui qui informe de 7 heures à 9 heures nos mamans, nos épouses, les ménagères, les chauffeurs, les ouvriers chaque matin à travers la matinale de Zik FM et Sen TV, la revue de presse qui résume en 3 minutes l’information nationale, et son émission Teuss qui dévoile les mœurs sociétales du pays des plus banales aux plus cruelles et spectaculaires.
Ameth, c’est au-delà du symbolisme, un digne représentant d’une jeunesse banlieusarde indignée, rescapée qui n’oublie pas le sort malheureux que le système économique, scolaire lui a infligée.
Ameth, c’est le jeune du quartier qui a réussi miraculeusement dans un milieu extrêmement serré, hostile où le lobbying et le matérialisme font la loi : la presse et le monde des médias.
Ameth, c’est cette « grande gueule » qui tonne tous les jours pour porter les voix des couches populaires et particulièrement celles de sa Guediawaye natale où il a fait ses études jusqu’en terminale au prestigieux lycée de Limamoulaye.
Ameth, c’est cette fierté de la banlieue qui revient tous les jours chez lui au quartier, partage le terrain de foot et bois le thé avec les jeunes et parfois ses promotionaires ;
Je peux mesurer cette fierté quand un collègue de travail me parle de lui avec beaucoup d’émotions parcequ’ils partageaient la même classe de la seconde à la première ;
Je mesure cette fierté à travers les propos touchant et pleins d’émulation de mon chef de service qui habite aussi le même quartier que le jeune Ameth.
Ils ne le disent parfois pas, mais, ils laissent paraître une fierté immense d’entendre au réveil, cette voix radiophonique aiguë qui informe, fait des dédicaces, crée des tendances, crée des termes rethoriques qui sont employés partout au Sénégal ;
Ils brillent de fierté en découvrant qu’il était notre candidat, celui de l’icône Ousmane SONKO , de l’emblématique maire Khalifa Sall, de l’ancien ministre Malick Gackou. Une candidature obtenue et défendue au milieu de ténors politiques nationalement connus.
Ça ressemblait parfois à du fantasme et certains sénégalais n’imaginaient pas que ces leaders iraient jusque-là. Et c’etait pourtant vrai !
Ameth était bien le candidat de notre coalition.
Chaque matin, au moins un sénégalais me demandait si c’était vrai.
J’en rigolait et je savais le choc que cela provoquait.
Cette candidature a le mérite d’impliquer le bas peuple, les couches populaires qui ne s’intéressaient qu’à la lutte, les navetanes. Justement, elles en ont fait une affaire de quartiers et de navetanes.
Cette candidature a eu le mérite de faire en sorte que les populations se sentent concernées puisque ce « garçon » de banlieue n’avait rien d’un bourgeois.
Cela sonnait bien: « Vous voulez que ça change, votez votre fils ! Il le fera ! »
Pendant ce temps, son principal adversaire Aliou Sall, frère du président devenu homme à tout faire à cause de son implication partout et ses multiples collusions avec les firmes internationales, ne menait aucune campagne sérieuse.
Il recevait des délégations et distribuait des billets de banque à des soutiens autoproclamés qui lui garentiassient la victoire.
La venue du président SONKO a été là potion amère qui réveilla Aliou Sall mais trop tard car nous étions à la fin de la campagne électorale.
Jusqu’à ce meeting, il n’avait rien vu arriver. Les propos de Sonko étaient un rappel de l’histoire politique récente sur les scandales qui ont mouillé Aliou Sall jusqu’aux sous-vêtements.
J’étais convaincu que notre candidat allait avoir le vote populaire et le vote féminin. Par contre, ce qui m’inquiétait, c’est le vote des intellectuels.
Mais je gardais dans un coin de la tête l’idée que si les intellectuels devaient choisir entre reconduire la corruption, la dévolution familiale dynastique et l’alternance locale et populaire, ils seront nombreux à choisir la deuxième option.
La présence dérangeante et insupportable de la famille de Macky Sall dans toutes les affaires du pays devait être sanctionnée, proscrite. Et Guediawaye était prioritaire.
C’est pourquoi j’avais cru à la victoire d’Ameth.
Aliou Sall est parti comme il était venu: sans bruit ni agitation mais avec beaucoup de surprise.
Quand il venait, personne ne le connaissait et personne ne l’avait vu arriver.
Il est reparti sans que beaucoup ne l’envisage. Même ceux qui n’ont pas voté pour lui n’envisageaient pas un aussi brusque départ.
C’est ça la politique !
Son frère (Macky) est arrivé un peu comme outsider avant de s’enraciner dans l’autoritarisme et la dictature. Il a été relégué sans bruit puis remplacé avant même la fin de son second et dernier mandat. Il le sait très bien et cherche à flouter la réalité. Il cédera la place à Sonko et il le sait mais refuse de l’admettre.
Ameth Aidara sait les conditions dans lesquelles il a été élu. Poin de doute qu’il fera un excellent travail à Guediawaye parce qu’il a la sensibilité qu’il faut, mais aussi il n’a d’autre choix que de travailler.
Parcequ’il connaît parfaitement les problèmes da sa localité.
Nous le préférons à un homme qui est devenu maire par la seule volonté de son frère président, par les pressions et manœuvres du palais.
Ameth a joué sa partition dans la sensibilisation des masses, dans la contestation populaire. Il a du mérite parcequ’il a osé prendre fait et causes pour les faibles, les opprimés là où ses collègues ont majoritairement préféré arborer le manteau de la neutralité et de l’indifférence.
Du courage, il en faut pour faire comme Ameth ;
De la détermination, il en faut pour faire comme Ameth ;
De l’engagement, il en faut pour faire comme Ameth.
Ansou SAMBOU, membre de PASTEF et de yewwi askanwi, auteur de l’ouvrage L’alternance politique au Sénégal, récit d’une rupture