Dakarmidi – Rendant compte de la troisième réunion d’information et d’échange entre le gouvernement et le groupe chargé de la coordination et de la concertation des Partenaires techniques et financiers – Ptf – (G50) tenue le vendredi 14 octobre 2016, le journal Le Soleil des samedi 15 et dimanche 16 octobre 2016 à sa page 7 rapporte : «Concernant la mobilisation des ressources, entre le 2 avril 2012, date de la prestation de serment du Président Macky Sall et le 23 février 2014, date de la tenue du Groupe consultatif de Paris, 99 conventions ont été signées entre le Sénégal et ses Ptf. Depuis le lancement du Pse, 164 nouvelles conventions ont été signées portant à 263 les conventions signées pour un montant total de 4 739 milliards de francs Cfa sous la présidence de Macky Sall.»
Le journal Le Populaire du mercredi 26 octobre 2016, à sa page 6, rapporte les propos tenus par le ministre de l’Economie, des finances et du plan à l’occasion de la signature, entre la Commission européenne et le Sénégal, de deux conventions de financement relatives au 11ème Fed et de deux protocoles de partenariats afférents au Fonds fiduciaire d’urgence de l’Ue. Le ministre affirme qu’«au stade actuel, l’Union européenne (Ue) a largement dépassé ses engagements financiers annoncés au groupe consultatif de Paris en février 2014 pour le financement du Plan Sénégal émergent (Pse)» ; et il ajoute en précisant : «Sur des annonces de contribution de 275,5 milliards de francs Cfa, représentant environ 39,4 milliards par an, les engagements effectifs de l’Ue s’élevant à ce jour à 173 milliards de francs Cfa équivalent à 55,8 milliards de francs Cfa par an. »
Le même journal du vendredi 28 octobre 2016 rapporte à sa page 11 les propos tenus cette fois-ci par le ministre chargé du suivi du Pse à l’occasion de la cérémonie d’inauguration par le Groupe de la Banque mondiale du nouveau siège dakarois de son Agence multilatérale de garantie des investissements (Miga) en Afrique. Le ministre nous révèle que «si nous faisons une première évaluation du financement du Pse, nous tendons vers un chiffre d’environ 12 000 milliards de francs Cfa. Sur des 12 000 milliards de francs Cfa, le financement public doit tourner autour d’un tiers. Cela veut dire que les deux tiers sont attendus des investisseurs extérieurs. C’est-à-dire le secteur privé national et international».
A ces interventions des Partenaires techniques et financiers, il faut ajouter les produits de la pêche dans le marché financier de la sous-région sous la forme d’émissions d’obligations du Trésor destinées essentiellement au financement du déficit budgétaire.
Cette pêche intervient sous diverses formes, à savoir : émissions ordinaires d’obligations du Trésor, émissions sous forme d’adjudication ciblée réservées aux spécialistes en valeurs du Trésor, Sukuk, représentant des Certificats d’investissements de la finance islamique.
A ces deux sources de financement des politiques publiques, il y a lieu d’invoquer celle dite «Investissements directs étrangers» Ide.
A ce premier stade, celui du financement de la politique de l’économie de l’émergence, il n’y a aucune ombre de Sénégalais, qu’il soit personne physique ou personne morale. Le financement est à 100% étranger.
On n’y rencontre aucun élément du secteur privé national : Cnp, Cnes, Unacois, Union nationale des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture, Union des chambres de métier, des Sénégalais de la diaspora etc. Et les bailleurs de fonds étrangers, communément appelés Ptf, sont installés sur place pour veiller au grain. Cela sous forme individuelle et de groupe tels que les représentations de l’Union européenne, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, le groupe chargé de la coordination et de la concertation des Ptf. De même que l’Ispe et le dernier en date la Miga (Agence multilatérale de garantie des investissements).
Au second stade qui est celui de la réalisation des projets de l’émergence, la constatation est la même.
Qui a réalisé, entre autres projets :
Le Centre international de conférences Abdou Diouf, l’Aéroport international Blaise Diagne, le Train express régional, la Gare des gros porteurs, les autoroutes à péage Dakar/Diamniadio, Diamniadio/Mbour, Ila Touba, l’Arène nationale, les Centrales solaires, photovoltaïques, les Centrales éoliennes, la Centrale à charbon, la Cité de l’émergence de l’ex-gare routière «Pompiers» ? La réponse, tout le monde la connaît. Ce sont des sociétés étrangères qui ont gagné les marchés de travaux de ces différents projets, au grand dam des sociétés sénégalaises qui se voient ainsi systématiquement éliminées de la course des réalisations des projets de l’émergence sélectionnés par le gouvernement en place.
Enfin le troisième et dernier stade de la mise en œuvre des projets phare du Pse est celui de la gestion, où le constat révèle l’absence totale des Sénégalais. C’est le cas de l’Aéroport Blaise Diagne, du Train express régional, des autoroutes à péage, etc.
Telle est la réalité du Pse, telle est la signification de l’émergence tant chantée dans notre pays.
L’émergence profite plus au capital étranger qu’aux intérêts nationaux
C’est le capital étranger qui finance, réalise et gère tous les projets phare du Pse. Ce faisant, il oriente toute la politique économique du gouvernement dans le sens des intérêts bien compris du capitalisme international. Les visites régulières de délégations de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international en disent long.
Le chemin emprunté mène-t-il le Sénégal vers un véritable développement capable de résoudre les vrais problèmes auxquels est confronté son
Peuple ? Pourquoi privilégie-t-on tant la croissance et le Doing business ?
La croissance, qu’elle soit à un ou deux chiffres, ne profite qu’aux propriétaires du capital, qui sont étrangers de surcroît. Nous n’avons pas besoin de croissance, mais de développement économique, social et culturel réel. Ce développement reste et demeure la solution à tous nos problèmes.
L’ironie de l’histoire fait qu’aujourd’hui ce sont les pays qui aspirent à des taux de croissance élevés qui font la queue auprès des pays à taux de croissance nuls, voire négatifs. Qu’est-ce que cela doit-il nous inspirer ? Qu’une économie doit reposer sur des bases solides avec un développement équilibré de ses trois secteurs, primaire, secondaire et tertiaire. Qu’une économie n’est réellement solide que quand elle s’appuie sur l’industrialisation et les changements technologiques.
La voie de notre salut passe nécessairement par la réorientation du financement à 90% vers les secteurs dynamiques et porteurs de notre économie. Notre avenir réside dans la maîtrise réelle des filières ferroviaire, portuaire, aéroportuaire, solaire, éolienne, pétrolière, gazière, du cuir, du bois. Des Instituts de formation dans ces filières doivent pousser comme des champignons à travers tout le pays : C’est en maîtrisant ces différentes activités que le Peuple sénégalais sera enfin maître de son destin.
Les grandes puissances économiques du monde d’aujourd’hui – Etats-Unis, Europe et Japon – qui se retranchent derrière leurs instruments économiques et financiers que sont la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce méritent bien qu’on leur rappelle cet adage du 19e siècle que les Américains opposaient aux conseils économistes anglais, qui était : «Ne faites pas ce que les Anglais nous disent de faire, faites ce que les Anglais ont fait.»
En ce début du 21e siècle, nous devons reprendre la même formule en disant : «Ne faites pas ce que les inspirateurs des dix (10) impératifs du Consensus de Washington vous disent de faire, faites ce qu’ils ont fait.»
Telle est la voie du salut.
Alla KANE – Inspecteur principal des Impôts et des domaines à la retraite