Dakarmidi – Depuis le 30 mai 2017, l’une des questions qui agitent le Sénégal au-delà même de son landerneau politique est celle du nombre de listes de candidats aux prochaines élections législatives du 30 juillet 2017. De 24 listes en 2012, la démocratie semi coloniale sénégalaise en a enfanté 47 cette année.
Tout le monde s’en émeut. Mais le plus scandaleux dans ce concert d’étonnement, de dégoût, de désapprobation est qu’y participent celles et ceux dont les politiques ont fait le lit de ce boom de candidats. En effet, ils ont invoqué, dans leur stratégie de conquête et de préservation du pouvoir des puissances infernales qu’ils ne contrôlent plus. Au-delà du nombre de listes de candidats, il y a toute la clameur ayant précédé et suivi la publication des listes validées. Des investitures au dévoilement des listes c’est une atmosphère quasi insurrectionnelle qui s’est emparée de certains états-majors politiques.
La Cojer, arborant des profils noirs, est en deuil sur facebook, un collaborateur du premier ministre que ce dernier a d’ailleurs limogé se retrouve tête de liste départementale sur une liste concurrente, Oumar Sarr du PDS est traité de tous les noms d’oiseaux…Ce qui a poussé par exemple le chef de l’Etat à suspendre le processus d’investiture à la base de BBY qui tournait au pugilat général et à limoger pour fait de contestation et d’érection de listes parallèles un conseiller spécial et un chargé de mission à la présidence de la république mais également le Secrétaire exécutif du conseil national de la sécurité alimentaire.
Un parti de la mouvance présidentielle a même dit que sa non investiture était une insulte et une humiliation du président à son endroit. Il faut être choqué que cette foire d’empoigne ne porte pas sur les deux (02) mois d’arriérés de salaire des travailleurs de la NSTS, de la grève de la faim des ex travailleurs de la SIAS, des cinq (05) mois d’arriérés de salaire dus à des animateurs polyvalents des cases des tout petits…Il faut scandalisé que ces gens ne s’insurgent pas contre le fait qu’il n’y a qu’un policier pour plus de 5.000 habitants, que depuis des mois le Sénégal ne dispose pas d’appareil de radiothérapie, la signature par le président de l’APE…
Le peuple aurait préféré voir défier le président de la république sur la gestion du Zircon, du pétrole, des ressources halieutiques…C’est le peuple sénégalais qui est insulté et humilié par l’oppression dont il est victime et qui se traduit par les 76 enfants de moins de cinq ans qui meurent tous les jours, les 4 femmes qui meurent tous les jours d’une grossesse ou des suites d’une grossesse, les 16 sénégalais qui tentent de traverses tous les jours la mer Méditerranée pour entrer irrégulièrement en Italie, les 57% d’analphabètes…
Quand le président Macky Sall a décidé de suspendre les investitures quasi insurrectionnelles dans BBY les militants, les alliés et même la presse alliée avaient applaudi. La conférence des leaders de BBY du 26 mai 2017 avait donné carte blanche à Macky. De quoi se plaignent-ils maintenant? En se plaignant, qu’ils le veuillent ou non, ils expriment comme nous, une critique contre le présidentialisme. Mais ne sont pas conséquents car le président les tient avec ses pouvoirs de nomination à tous les emplois civils et militaires et à l’assemblée nationale, mais également avec ses fonds secrets. Le président de l’APR est comme le président de BBY. C’est un monarque comme le président de la république, comme les maires, comme la majorité des secrétaires généraux des centrales syndicales ou syndicats, des présidents d’ASC, des personnes morales de partis politiques.
L’une des questions posées par la confection des listes, leur nombre et l’accueil dont elles ont fait l’objet est celle du système : monarchie républicaine du village au sommet de l’Etat ou système alternatif ? Il nous faut notre 1789 à l’échelle de nos quartiers, villages, organisations…Un autre Sénégal est nécessaire. Comment s’étonner de cette pléthore de listes quand dans ce pays l’ancien président Abdoulaye Wade à pu donner à ses partis politiques alliés entre des sacs de riz et au moins 30 millions par mois ? Comment s’en étonner quand ces pratiques politiques ont été pérennisées par l’actuel président dont on sait au moins qu’il a invité Yoonu Askan Wi a venir au palais prendre une enveloppe de un millions de franc CFA qui a été immédiatement remise au ministre de la santé en pleine crise de Ebola et le patriote Alla Kane une enveloppe dont le montant ne sera jamais connu car ce dernier ayant refusé de la prendre.
Le président Macky Sall avertissait d’ailleurs ses camarades avant les investitures en leur disant que le « gâteau » n’était pas si grand pour que tous aient leur part. Pour convaincre ceux qui comme nous étaient contre la transformation de Manko en coalition électorale certains sont allés jusqu’à dire que si l’opposition gagnait elle imposerait la cohabitation et les postes de directeurs de société, d’ambassadeur…seraient à sa disposition Par la théorisation d’une conception alimentaire de la politique et l’encouragement de certaines pratiques les différents régimes qui se sont succédés ont fait le lit du carriérisme et de l’affairisme politiques. Ils ont porté à un niveau incroyable la vision et la pratique de la politique comme moyen d’ascension sociale. Quoi de plus normal alors que, d’élection en élection, davantage d’hommes et de femmes ne veuillent pas rater l’ascenseur.
Dans chaque chaumière de ce pays il y a un GIE et un GPF, dans chaque ruelle une ASC…Depuis longtemps ces structures sont devenus des moyens de capter les fonds de l’Etat et de l’aide internationale. De la même manière, les partis politiques sont devenus de véritable GIE pour capter les fonds d’un système parasitaire. Oui, les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent. Mais à la longue, les dirigeants font du peuple ce qu’ils veulent. Les pratiques dominantes sont aussi celles des classes dominantes.
Or justement, les régimes que nous avons eus depuis 1960 ont préféré consolider et pérenniser un système parasitaire car clientéliste, corrupteur de consciences au lieu d’opérer les ruptures souhaitables et durables. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces différentes fractions de la classe dominante semi coloniale car collaborant avec l’impérialisme se succèdent mais partage le consensus du rejet du bulletin unique quand elles sont au pouvoir. Pour gagner elles ont aussi besoin d’acheter les masses paysannes et ouvrières qu’elles affament. Or le bulletin unique ne permet pas à celui qu’on achète de prouver en ramenant les autres bulletins qu’il a voté pour son corrupteur et non pour telle autre liste. C’est contre tout cela qu’il faut également résister. Dakar, le 16 juin 2017 Guy Marius Sagna Directeur de campagne de la Coalition Ndawi Askan Wi avec Ousmane Sonko comme tête de liste