Dakarmidi – Durant le ramadan, si les activités diplomatiques et politiques ne cessent pas, elle se déplacent en revanche souvent autour de tables chargées. Les exemples sont nombreux: Ennahdha a ainsi invité à plusieurs reprises ses « frères » islamistes libyens autour d’un repas à Tunis, les islamistes et gauchistes marocains ont pris pour habitude de dialoguer à cette période dans les maisons des uns et des autres, des élus algériens en profitent pour passer un moment avec leurs concitoyens mozabite.
Le Marocain Hamid Chabat, ancien secrétaire général de l’Istiqlal, réunissait souvent son camp politique durant des « ftour », où invitait à sa table ses adversaires. Même les représentations diplomatiques étrangères suivent: en juin 2017, l’ambassadeur français au Comores Robby Judes invitait le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bacar Dossar, à partager l’iftar à la résidence de France, moins d’un mois après la bourde du président français Emmanuel Macron sur les kwassa-kwassa et au sujet de laquelle le ministre avait exigé des excuses. La même année, l’ambassade de France à Dakar avait invité des célébrités pour le « ndogou ».
Les dirigeants aussi transforment la rupture du jeûne en des séances de travail conviviales, et dûment documentées pour la presse. Exemple choisi : le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed, était invité en 2017 à partager la rupture du jeûne en compagnie de son homologue marocain Saad Eddine El Othmani et des conseillers du roi du Maroc Omar Azziman et Abdeltif Menouni.
En juin 2016, c’est Paul Kagame, le président rwandais et sa délégation qui sont invités à partager l’iftar à la table de Mohammed VI à Casablanca et dont la presse marocaine détaille par le menu les discussions. En son pays, Mohammed VI porte le titre d’Amir Al Mouminine, commandeur des croyants, et ramadan est un moment qu’il investit tout particulièrement.
Et ce rôle traditionnel, le monarque ne le joue pas qu’à l’intérieur. Auprès des chefs d’États étrangers aussi, durant Ramadan, il apparaît en jellaba et tarbouche. C’est entouré de membres de sa famille, assis à une table remplie de plats classiques pour ce repas qu’il a reçu pour un ftour le président français Emmanuel Macron en 2017.
Durant le mois sacré, Mohammed VI préside aussi les fameuses causeries religieuses ou « causeries hassaniennes », durant lesquels des clercs dissertent sur des sujets religieux pointus, relayées à la télévision et dont la MAP, l’agence de presse marocaine, publie consciencieusement des extraits et des résumés, soir après soir.
Rien qui n’empêche la diplomatie de continuer à s’exercer : le président sénégalais a partagé ce moment avec le roi à Casablanca en 2013. Le ftour le plus médiatique de Mohammed VI aura pourtant été plus politique que diplomatique. En 2016, il se rend au domicile du ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch pour la rupture du jeûne, accompagné de son épouse et de ses deux enfants. Un geste inédit.
Ramadan est un moment de piété et les dirigeants musulmans multiplient à cette occasion les gestes commandés par des valeurs spirituelles fondamentales. Et beaucoup s’emploient à déployer une générosité accrue, dûment médiatisée.
Avec JeuneAfrique
La rédaction