(Washington) Le Conseil de sécurité de l’ONU a rejeté vendredi une résolution américaine visant à prolonger l’embargo sur les ventes d’armes à l’Iran qui expire en octobre, suscitant la colère des États-Unis qui ont dénoncé un vote « inexcusable ».
Le projet de Washington n’a été approuvé que par deux pays, a annoncé l’Indonésie, qui préside actuellement cette instance. Deux autres, la Russie et la Chine, ont voté contre et les onze membres restants du Conseil se sont abstenus, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, alliés européens des États-Unis.
Si le texte avait obtenu neuf voix favorables, Pékin et Moscou auraient certainement mis leur veto, mais cela n’a pas été nécessaire.
« Les États-Unis n’abandonneront jamais nos amis dans la région qui attendaient davantage du Conseil de sécurité. Nous continuerons à travailler pour faire en sorte que le régime théocratique terroriste ne soit pas libre d’acheter et de vendre des armes qui menacent le cœur de l’Europe, du Moyen-Orient et au-delà », a déploré le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo dans un communiqué.
Selon le secrétaire d’État, l’institution mondiale, qui regroupe notamment les grandes puissances (États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni et France), « a échoué aujourd’hui à remplir sa mission fondamentale », à savoir « maintenir la paix et la sécurité internationales ».
Le Conseil de sécurité « a rejeté une résolution raisonnable pour prolonger un embargo sur les armes en Iran vieux de 13 ans et a ouvert la voie à ce que le principal État soutenant le terrorisme au monde puisse acheter et vendre des armes conventionnelles sans restrictions de l’ONU, pour la première fois depuis plus d’une décennie », a-t-il déploré, estimant qu’il était ainsi allé à l’encontre du souhait de nombreux pays arabes et d’Israël.
Appel Trump/Macron
Ce vote devrait poser les jalons d’une longue épreuve de force avec des répercussions sur l’accord international de 2015 conclu pour empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire.
L’embargo sur les armes arrive en effet à expiration le 18 octobre, selon les termes de la résolution entérinant cet accord.
Or, bien que le président Donald Trump ait retiré en 2018 les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, qu’il jugeait insuffisant, la diplomatie américaine menace désormais d’invoquer son statut de pays « participant » à ce même texte, issu de la résolution de 2015, pour imposer unilatéralement le rétablissement des sanctions de l’ONU levées en échange des engagements nucléaires iraniens.
Une telle manœuvre, sur la base d’un argument juridique contesté par de nombreux membres du Conseil, y compris parmi les alliés européens de Washington, risquerait de pousser l’Iran à claquer définitivement la porte de l’accord nucléaire, dont il a déjà commencé à se désengager. Et donc à acter la mort du texte de 2015.
Mike Pompeo n’a pas directement réitéré cette menace dans son communiqué après le vote.
Les détracteurs de la démarche américaine soupçonnent l’administration Trump de vouloir justement parvenir à cette issue fatale avant la présidentielle de novembre aux États-Unis, et plusieurs pays pourtant a priori favorables à une prolongation de l’embargo, à l’instar des Européens, ont donc refusé de jouer le jeu américain.
La fin de l’embargo « pourrait avoir de graves conséquences pour la sécurité et la stabilité régionales », a ainsi reconnu Anne Gueguen, représentante permanente adjointe de la France auprès des Nations unies.
« Cependant, la France s’est abstenue sur le projet de résolution proposé, car il ne constitue pas une réponse adaptée », a-t-elle ajouté, accusant à demi-mot les Américains de n’avoir pas recherché le consensus et de mettre en danger « l’autorité et l’intégrité du Conseil de sécurité ».
Selon la Maison-Blanche, le président Trump et son homologue français Emmanuel Macron ont évoqué vendredi, lors d’un entretien téléphonique, « le besoin urgent d’une action de l’ONU pour prolonger l’embargo sur les armes en Iran ».