Plus d’un millier de roquettes ont été lancées vers l’Etat hébreu depuis la bande de Gaza en 38 heures, sur fond d’une escalade militaire entre le Hamas et le gouvernement de Netanyahou. Beaucoup ont été détruites en vol par le bouclier antimissiles d’Israël, appelé Iron Dome, ou « Dôme de fer » en français. Les images de ces interceptions aériennes sont impressionnantes : à Tel-Aviv, les habitants ont filmé une sorte de feu d’artifice funeste pétaradant au-dessus de la ville.
Ce dispositif militaire est l’un des piliers de la défense israélienne. Il fait partie d’un « système de protection antibalistique complexe », dont la mise en place a été « décidée à la suite des premières utilisations de roquettes Qassam depuis Gaza en 2000, du conflit de 2006 avec le Hezbollah (Liban) et des menaces iraniennes », explique au Parisien Joseph Henrotin, rédacteur en chef de la revue Défense et Sécurité Internationale. Contre les « engins iraniens, lourds », le système Arrow a été conçu. Il permet de détruire des missiles balistiques circulant au-dessus d’un pays. Le dispositif Fronde de David doit lui intercepter des roquettes « tirées par le Hezbollah » tandis que le Dôme de fer cible celles, « plus petites et plus lentes », lancées depuis Gaza.
Efficace à 90 %, selon le concepteur
Conçu par Israël avec l’aide des Etats-Unis et vendu notamment à l’armée américaine, le Dôme de fer permet d’abattre en vol des engins – roquettes, missiles, drones – d’une portée allant jusqu’à 70 km. Il ne peut pas en revanche bloquer des ballons incendiaires ou d’autres projectiles lancés à très basse altitude. La première batterie Iron Dome a été installée en mars 2011 dans la région de Beersheva, située à 40 km de la bande de Gaza. D’autres batteries ont ensuite été déployées, notamment près des villes d’Ashkelon et Ashdod, au sud de la grande métropole de Tel-Aviv, et près de la ville de Netivot, à 20 km de la bande de Gaza.
Chaque batterie comprend un radar qui repère et suit la trajectoire des roquettes. Le radar est associé à un ordinateur dont l’objectif est de calculer le périmètre d’impact du projectile. Si la probabilité est forte pour que la roquette tombe dans une zone habitée, ou sur un lieu sensible, un missile est lancé à sa rencontre.
Les centaines de projectiles tirés ces deux derniers jours ont tué six Israéliens, indique un bilan diffusé ce mercredi. Côté palestinien, qui ne possède pas une telle protection et où l’armée israélienne a frappé les maisons de ténors du mouvement islamiste, le bilan avoisine les 56 morts, parmi lesquels 14 enfants. De part et d’autre, des centaines de civils ont été blessés.
Cela a un coût. « En 2013, le prix estimé par batterie était de l’ordre de 50 millions de dollars. Chaque missile est réputé coûter entre 40 et 50 000 dollars », indique Joseph Henrotin. Les roquettes Qassam sont bien moins chères en comparaison. Jean-Marc Lafon voit dans cette escalade militaire « une logique d’attrition » (stratégie qui vise à user les forces et les réserves ennemies).
Mais pour Frédéric Encel, docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences Po et professeur à Paris School of Business, le bras de fer est davantage « démonstratif » que coûteux, d’autant que, selon lui, le « Qatar renflouera le Hamas et les Etats-Unis renfloueront Israël ». « Le Hamas a besoin de montrer à l’Autorité palestinienne qu’il se bat. Il veut aussi prouver aux autres pays arabes – qui, à ses yeux, ont abandonné la cause palestinienne – qu’il reste redoutable. » Côté israélien, « un gouvernement qui a échoué a créé une coalition ne peut absolument pas montrer qu’il baisse en dissuasion », observe-t-il.
Interrogés par le Washington Post, certains analystes pensent que le Dôme de fer finira par desservir Israël, en prolongeant indéfiniment le conflit avec ses ennemis. Jean-Marc Lafon n’est pas d’accord. « C’est comme dire qu’un gilet pare-balles dessert un policier », compare-t-il. « Ce qui dessert ou sert un Etat, c’est sa stratégie. » Même raisonnement chez Joseph Henrotin, qui rappelle que le conflit israélo-palestinien existait avant la construction du bouclier antimissiles. « Le Dome ne sera pas désinventé. Qu’il existe ou non, ce n’est pas de lui dont dépend la volonté palestinienne de combattre. »