Au pied d’une croix, plantée sur le belvédère qui surplombe la ville, gisent les corps de deux enfants. Allongé à leurs côtés, leur père, Emmanuel Hernandez, inconscient mais vivant. Assise dans la salle d’attente du commissariat depuis des heures, leur mère apprend la nouvelle abruptement : Vincent Ibra, 7 ans, et Marie Seynabou, 6 ans, sont morts.
L’autopsie révélera qu’ils ont été drogués et étranglés. La veille puis le jour même, Fatou Fall, aide-soignante d’origine sénégalaise, avait pourtant tenté de donner l’alerte, inquiète que son ex-compagnon n’ait pas ramené les enfants pour le week-end. Mais les policiers, estimant être face à un banal conflit de garde, l’avaient enjointe de patienter. Ce n’est qu’en début de soirée qu’ils avaient lancé des recherches, devant l’inquiétude de la propre famille d’Emmanuel Hernandez.
Arguant d’un « trou noir », celui-ci est alors écroué et mis en examen pour ce double assassinat. Il apparaît qu’il a notamment laissé un message vocal à sa belle-mère, qui n’a pu l’écouter à temps, annonçant son geste : « Désolé. Fatou ne veut pas revenir, ce sont les enfants qui vont payer en premier… » Des mots terribles, gravés à jamais dans le cœur de leur mère. « Il voulait me faire mal et il a réussi, il savait qu’ils étaient toute ma vie. Il ne leur a laissé aucune chance… », sanglote-t-elle, hantée par les derniers instants de ses petits. Des faits accablants qui ne donneront vraisemblablement pas lieu à procès : les trois experts ayant examiné cet homme de 48 ans ont estimé que son discernement était aboli au moment des actes. En clair, qu’il n’est pas en état d’être jugé. Ce dont le parquet de Nîmes a pris acte, en requérant cette semaine un non-lieu. Une perspective qui fait enrager Fatou Fall. Elle avait pourtant déposé cinq plaintes et mains courantes les mois précédents : colle dans la serrure, pneus crevés, boîte aux lettres endommagée, rayures sur la voiture… « Prise pour une folle », selon son avocate « Je crains pour la sécurité de mes enfants », alerte-t-elle en avril 2018. « Le jour où il m’aura tuée, on verra qu’il y avait des traces mais il sera trop tard », dit-elle dans une plainte, en novembre de la même année. Le mois suivant, elle écrit directement en recommandé au procureur de la République. Elle réitère ses peurs, rappelle qu’Emmanuel Hernandez a déjà été suivi pour des problèmes de schizophrénie, et même hospitalisé. Elle ne recevra jamais de réponse.
Quant au courrier adressé par Fatou Fall à ses services, il avait bien été reçu et traité… après s’être d’abord perdu en raison d’une faute d’orthographe dans son nom. « Une demande d’enquête avait bien été adressée aux services de police, mais nous n’avions pas encore eu de retour au moment du décès des enfants », regrette Eric Maurel, qui reconnaît : « Il y a eu des loupés dans cette affaire, on ne peut pas le nier. »