Ce mardi 1er mai 2018, l’on a commémoré le 132e anniversaire de la lutte des ouvriers de Chicago aux Etats-Unis, pour la réduction du temps de travail à une journée de huit heures. Ce ne fut certainement pas facile, mais au bout du compte les efforts ont été récompensés et les travailleurs peuvent aujourd’hui en faire un droit. Alors imbibés de ce sentiment de lutte, et celui de voir les choses pouvoir et devoir changer sous les cieux au pays des Hommes intègres, représentants de centrales syndicales et autonomes, membres et sympathisants ont décidé, à leur manière, de se rappeler cette fameuse journée de 1886.
C’est ainsi qu’à travers une marche, débutée à la bourse du travail, et sous l’encadrement de la police (CRS), les travailleurs-marcheurs ont rallié le rond-point des cinéastes, la place de la révolution afin de déboucher sur le rond-point des nations-unies donnant sur l’avenue du Dr Kwamé Nkrumah. De là-bas, ils ont finalement rejoint la bourse du travail en passant par la cathédrale. C’est également avec l’exécution de certaines musiques, qui souvent avaient trait à une interpellation du gouvernement et des ‘’patrons’’ sur les conditions de vie et de travail des travailleurs que s’est déroulée cette marche.
Message du 1er mai 2018
Après cette marche à travers certaines artères de la capitale, les travailleurs se sont retrouvés dans la cour de la bourse du travail dans le but de prendre connaissance du contenu du message de ce 1er mai 2018 (Voir pièce jointe). En effet, le 1er mai, internationalement reconnu pour rendre un certain hommage aux ouvriers de Chicago lors de la lutte de 1886, apparait aussi comme une occasion pour les travailleurs Burkinabè de faire l’état des luttes menées en vue de dégager des perspectives. Ce faisant, du message de 2018 de l’Unité d’action syndicale (UAS), lu par le secrétaire général de la Confédération syndicale burkinabè (CSB), Olivier Ouédraogo, c’est un tour d’horizon tant au niveau international que national qui est fait de la situation des travailleurs et des populations. (Voir pièce jointe).
« La situation internationale est marquée par la persistance et l’approfondissement de la crise que traverse le système capitaliste impérialiste et qui se traduit notamment par le développement du chômage et de la misère dans la plupart des pays, l’exacerbation des rivalités inter-impérialistes observables dans les zones de conflit tels que la Syrie, la résistance qu’organisent les travailleurs et les peuples contre la remise en cause de leurs droits à travers des actions de grève et des manifestations publiques, etc. », a déclaré le secrétaire général de la CSB. Il en veut alors pour preuve de cette situation décrite, l’action du Président Français qui aurait décidé de s’attaquer aux droits sociaux des travailleurs, notamment la révision du code du travail et des impôts.
La situation de l’Afrique n’est pas passée sous silence dans ce décryptage international. En effet, l’Afrique subsaharienne, à en croire le porte-parole du jour, continue d’apparaitre comme le continent du paradoxe entre ses richesses minières, agricoles, humaines et la misère vécue par ses populations.
Que dire de la situation nationale ?
Peu reluisante, dira-t-on, lorsque s’exprime l’orateur de ce 1er mai 2018. C’est un tableau sombre qui est peint, sans l’observation quelconque de l’évolution de la situation que ce soit du côté de la sécurité, de la cherté de la vie, ou encore des nombreuses attentes de l’insurrection populaire d’octobre 2014. « La situation au plan national est caractérisée par la persistance de la vie chère, l’aggravation de l’insécurité, les luttes des différentes couches populaires pour la prise en compte des préoccupations qu’elles ont particulièrement depuis l’insurrection populaire d’octobre 2014 (mesures concrètes contre l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques, justices pour les martyrs de l’insurrection et de la résistance au putsch, etc. », a-t-il noté.
S’attaquant par ailleurs aux secteurs de l’éducation, de la santé, puis à la question du logement, le bilan dressé n’est pas meilleur. « Au plan de l’éducation, la situation est catastrophique à tous les niveaux », a indiqué le camarade Ouédraogo du CSB avant d’indiquer qu’au niveau santé, « notre système sanitaire est très défaillant à l’image de l’hôpital de référence qu’est l’hôpital Yalgado Ouédraogo, qui de jour en jour, plonge dans la déliquescence au grand dam des agents de santé et des patients ». Sur le logement, il affirme : « Les fortes attentes que nourrissaient et nourrissent les populations restent intactes ». Et de citer quelques-unes à cet effet, « l’apurement du foncier tant attendu peine à être entamé, l’annonce depuis 2015, d’une règlementation des loyers tarde à se concrétiser, … » pouvait-on noter. Au regard des proportions que prennent le chômage, la corruption et la fraude, l’Unité d’action syndicale invite et interpelle le gouvernement à la prise de décisions sérieuses et efficientes.
Dialogue social
Un pan de ce message du 1er mai 2018 de l’UAS, fait aussi allusion au dialogue social. Pour l’Unité d’action syndicale, les tentatives de remise en cause du droit de grève à travers une proposition de loi initiée par l’Assemblée nationale, le piétinement dans le processus de révision du code du travail, la remise en cause du droit des travailleurs de manifester sur leurs lieux de travail, la non-tenue de la rencontre annuelle Gouvernement/Syndicats au compte de l’année 2017, le piétinement dans la révision de la loi 033, sont quelques agissements notables de la part du pouvoir et qui mettent à mal la stabilité du dialogue social. Aussi, dit-il constater avec amertume le comportement du gouvernement à leur égard. « Nous constatons avec amertume que le gouvernement a pu tenir toutes les autres rencontres statutaires (secteur privé, paysans, jeunes, opposition politique…) sauf l’Unité d’action syndicale. Et pour nous, ce n’est pas anodin ! », fait remarquer Olivier Ouédraogo de la CSB.
Pas de cahier de doléances pour ce 1er mai 2018
De l’avis du secrétaire général de la CGT-B, Bassolma Bazié, le choix de ne pas cette année, déposer de cahier de doléances, s’explique par le fait que l’an dernier, plus précisément, le 1er mai 2017, le cahier qui fut déposé n’a pas connu de satisfaction dans son traitement. « Nous avons déposé un cahier de doléances le 1er mai 2017. Et jusqu’à ce jour, le gouvernement n’a pas daigné nous rencontrer », a-t-il indiqué avant d’avancer à nouveau, « donc ce n’est pas la peine de faire une compilation de cahiers de doléances », a-t-il dit.
Pour lui, cette absence de cahier de doléances est nécessaire en ce sens qu’elle constitue une interpellation du gouvernement, de même qu’un acte symbolique. De son analyse faite de la situation des travailleurs en particulier et des populations en général en ce 1er mai, le secrétaire général de la CGT-B avoue constater de plus en plus de souffrance et d’insécurité. De fait, il affirme que l’UAS a exigé du gouvernement un certain nombre de mesures notamment, le renforcement des moyens d’actions des forces de défense et de sécurité (FDS), et la continuation du versement de salaire de tous les soldats tombés sur le champ de bataille.
Il a déclaré pour terminer, « à l’évidence, et à l’image de la détermination des ouvriers de Chicago, les préoccupations qui assaillent les travailleurs du Burkina en ce 1er mai 2018 exigent de nous plus de courage, de combativité, de solidarité pour renforcer nos organisations de lutte afin de sauvegarder nos acquis et arracher de nouvelles victoires ». Et rendez-vous a été donné le 13 mai 2018 pour la tenue d’une conférence de presse.
Lefaso.net