Dakarmidi – EasyCov, a réussi à confirmer qu’il pouvait se montrer aussi efficace que le traditionnel prélèvement par voie nasale, a annoncé le CNRS, lundi 5 octobre. Une étape importante pour ce type de dépistage, moins intrusif, et censé être plus rapide et moins onéreux.
La bouche plutôt que le nez ? Les partisans des tests par prélèvement de salive pour détecter le Covid-19 ont remporté une victoire avec la publication, lundi 5 octobre, des résultats « en conditions réelles » d’EasyCov, une solution française de dépistage salivaire du Sars-Cov-2.
Ce test, développé conjointement par le CNRS, organisme public de recherche français, et deux entreprises du secteur privé (Alcediag et SkillCell), a réussi à déceler 87 % de cas positifs parmi 220 personnes qui étaient venues se faire dépister au CHU de Montpellier depuis le 16 septembre. En terme de fiabilité, EasyCov se « retrouve dans la fourchette haute des résultats obtenus avec les autres tests », souligne Franck Molina, chercheur au CNRS qui participe à la mise au point de cette solution de dépistage, contacté par France 24. Les dépistages nasaux classiques ont un taux de succès « compris entre 70 % et 90 % », rappelle le scientifique.
Efficace pour les personnes asymptomatiques
EasyCov avait déjà démontré son efficacité en juin sur des patients admis à l’hôpital. Mais, cette fois, l’équipe française a confirmé l’essai sur des personnes, avec symptômes ou non, qui venaient se faire dépister spontanément. Elles ont été soumises au test nasal traditionnel et ont aussi accepté de fournir un échantillon de salive.
Le succès de cette expérience semble confirmer l’efficacité de ce dépistage aussi bien chez des personnes présentant des signes de la maladie que chez des individus asymptomatiques. « Sur les huit personnes asymptomatiques avérées, on en a repéré huit », a précisé Franck Molina au Huffington Post. N’en déplaise à la Haute autorité de santé (HAS), qui avait estimé, le 18 septembre, que les tests par prélèvements salivaires étaient fiables, sauf pour les personnes asymptomatiques.
« Cette affirmation nous avait tous pris par surprise », se rappelle Franck Molina. D’autres études internationales récentes avaient, en effet, également attesté de l’efficacité de ces tests salivaires sur les personnes asymptomatiques.
Ainsi, des scientifiques japonais de l’université d’Hokkaido avaient publié, fin septembre dans le journal Clinical Infectious Diseases, des résultats tout aussi encourageants pour le dépistage du Covid-19 grâce aux prélèvements de salive.
Ces avancées dans les techniques de dépistage salivaire sont une bonne nouvelle à plusieurs titres pour la lutte contre la propagation du Covid-19. D’abord, ces tests sont bien moins intrusifs que ceux qui consistent à aller chercher des signes du virus dans la cavité nasale. « C’est important pour l’acceptation des tests par la population », souligne Franck Molina.
Ensuite, ils sont plus rapides et moins chers. Pour les tests nasaux actuellement utilisés, appelés RT-PCR, il faut avoir recours « à une machine assez lourde et onéreuse », précise le chercheur français. Elle va effectuer une trentaine de cycles de chauffes et de refroidissements de l’échantillon prélevé afin d’obtenir un résultat dans lequel il sera possible de mesurer la présence ou non de traces du Sars-cov-2. Un processus qui peut prendre plusieurs heures, alors que l’équipe à l’origine d’EasyCov promet un résultat en quarante minutes.
Pour ce faire, ce test s’appuie sur une nouvelle technique, baptisé RT-LAMP, qui ne nécessite que deux cycles de chauffe et peut être effectuée avec des équipements « simples et portatifs », notent les chercheurs.
Une solution complémentaire
Leur idée n’est pas d’inonder les pharmacies d’EasyCov et le mettre entre toutes les mains. D’abord, parce qu’en France, permettre à tout un chacun de faire soi-même un test « nécessiterait l’adoption d’une réglementation spécifique, ce qui peut prendre des mois et n’est donc pas compatible avec l’urgence sanitaire », souligne Franck Molina. En l’état actuel, le test EasyCov doit toujours être effectué par un médecin ou du personnel soignant.
Ce dépistage salivaire servirait plutôt de complément au dispositif de déjà en place. « Comme il est flexible et facile à déployer, il peut servir d’appoint dans des endroits où il faut intervenir rapidement ou de manière répétée », indique Franck Molina. Les Ehpad, les cabinets dentaires ou les écoles seraient ainsi des lieux tout désignés pour procéder à des tests salivaires.
Mais plus généralement, ce chercheur du CNRS juge que ce test peut être une arme supplémentaire pour éviter un très redouté reconfinement, alors que le nombre de cas positifs ne cesse d’augmenter en France. « On sait qu’aujourd’hui, les foyers de contamination sont principalement dans les entreprises et les cercles d’amis. Le dépistage salivaire permettrait d’intervenir rapidement pour aider à contrôler la propagation du virus », estime Franck Molina.
Et puis, l’adoption de tests salivaires ne ferait pas de la France un ovni à l’échelle internationale. Aux États-Unis, la Food and Drug Agency (FDA, l’autorité américaine du médicament) a déjà autorisé cinq tests salivaires différents, qui sont, notamment, utilisés dans les universités et par la Ligue professionnelle de basketball. Israël a aussi commencé à y avoir recours, tout comme la Corée du Sud et Singapour. Le dépistage dans certains aéroport, comme à Djibouti, se fait aussi par prélèvement de salive.
« La France avait de l’avance en juin, mais les choses ont un peu traîné pendant l’été », regrette Franck Molina. Il espère que les résultats concluants du dernier essai en « conditions réelles », vont avoir raison des dernières réticences des autorités. Un avis favorable de la Haute autorité de santé est le sésame qui manque aux chercheurs français, dont le test est prêt à être déployer à grande échelle.