Sanofi réservera-t-il aux États-Unis la primeur d’un éventuel vaccin contre le Covid-19 ? Évoquée par le groupe, qui renvoie l’Europe à ses responsabilités, l’idée provoque l’indignation du monde politique français, jusqu’au gouvernement qui la juge « inacceptable ».
« Pour nous, ce serait inacceptable qu’il y ait un accès privilégié de tel ou tel pays sous (…) un prétexte pécunier », a déclaré jeudi Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État à l’Economie.
Sanofi avait, en effet, prévenu la veille qu’il réserverait probablement aux États-Unis la primeur d’un éventuel vaccin contre le nouveau coronavirus, car les autorités américaines ont investi dans son développement.
Les États-Unis pourraient bénéficier d’une avance de plusieurs jours ou semaines, selon le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, qui s’exprimait dans un entretien à l’agence Bloomberg.
Ces déclarations ont suscité une série de réactions indignées dans le monde politique français, de l’opposition de gauche à celle d’extrême droite.
Dans le premier camp, le chef de file des socialistes, Olivier Faure, a dénoncé les « jeux du marché », évoquant le bien-fondé d’une nationalisation et appelant le gouvernement à l’action.
Dans le second, Marine Le Pen, patronne du Rassemblement national, pose la question: « est-ce-qu’on pleure sur le patriotisme économique mis en place par les autres (les États-Unis, ndlr) ou est-ce que nous aussi on décide d’en faire un peu ? ». Elle souligne aussi que Sanofi « n’est plus une entreprise française ». De fait, les actionnaires du groupe sont, à plus de 60%, des investisseurs étrangers.
La polémique a également débordé du monde politique, l’ONG militante Oxfam s’insurgeant contre des informations « tout simplement scandaleuses » et critiquant « les motivations financières et la recherche de profits par les géants de l’industrie pharmaceutique ».
Face à ces réactions indignées, le gouvernement français a rapidement adopté un ton ferme, Mme Pannier-Runacher assurant avoir immédiatement contacté Sanofi et obtenu de lui l’assurance qu’un vaccin serait accessible à tous.
« Pourparlers » avec l’Europe
C’est également le message que répète le groupe depuis mercredi soir, assurant qu’il n’y a aucune inquiétude à avoir quant au fait que certains pays seraient privés d’un tel traitement.
De fait, le monde « ne sera pas démuni » si un laboratoire comme Sanofi trouve un vaccin, a approuvé le virologue Bruno Lina, membre du conseil scientifique français, tout en regrettant de devoir systématiquement accéder à une « préférence nationale » aux États-Unis.
De fait, Sanofi n’exclut pas l’éventualité de distribuer d’abord un vaccin aux États-Unis et, seulement ensuite, dans les autres pays dont l’Europe.
Théoriquement, « l’objectif, c’est que le vaccin soit disponible à la fois aux USA en France et en Europe de la même manière », a promis jeudi le patron du groupe pour la France, Olivier Bogillot, dans un entretien à BFMTV.
Mais, dans les faits, cela sera possible « si les Européens travaillent aussi rapidement que les Américains », a-t-il précisé.
Le responsable de Sanofi a ainsi renvoyé les autorités européennes à leurs responsabilités, soulignant que les États-Unis avaient déjà promis plusieurs centaines de millions d’euros, en plus de faciliter les démarches réglementaires pour permettre les recherches.
« Les Américains sont efficaces en cette période. Il faut que l’UE soit aussi efficace en nous aidant à mettre à disposition très vite ce vaccin », a insisté M. Bogillot, rapportant en être au stade de « pourparlers » avec les autorités européennes ainsi que des pays comme la France et l’Allemagne.
Quant aux recherches elles-mêmes, où en sont-elles ? Le responsable de Sanofi a confirmé qu’il tablait toujours sur un vaccin prêt d’ici à 18 à 24 mois, soulignant à quel point un tel calendrier était rapide par rapport à la normale.
En temps normal, « développer un vaccin, ça prend dix ans », a conclu M. Bogillot. « On essaie d’accélérer toutes les phases. »