Dakarmidi – Cruelle ironie du sort, dans l’Amérique passée sous pavillon nationaliste, n’est-il pas ubuesque que l’une de ses plus grandes championnes, médaillée aux derniers Jeux Olympiques de Rio, qui a porté haut ses couleurs sur la piste d’escrime où elle a fait mouche, soit retenue pendant deux longues heures par de très zélés douaniers, frappée de l’interdiction d’entrée dans son propre pays ?
On pourrait se gausser de cette mésaventure kafkaïenne survenue dans un aéroport de l’autre côté de l’Atlantique, si sa nature absurde n’avait laissé transparaître des aspects bien plus ténébreux et oppressants, à travers l’application rigoureuse, jusqu’à l’arbitraire, du décret anti-immigration signé par Trump avec une hâte malsaine…
Celle qui a eu droit à ce comité d’accueil pointilleux à l’extrême, pour ne pas dire franchement hostile, faisant les frais de l’islamophobie d’Etat érigée en système de gouvernance à Washington, n’est autre que Ibtihaj Muhammad, l’épéiste de talent entrée doublement dans l’histoire de l’Olympisme en tant que première athlète voilée à y participer et à s’y illustrer brillamment.
Abonnée aux premières places dans une discipline où sa dextérité fait merveille depuis l’âge de 13 ans, la première Américaine à concourir aux JO revêtue d’un hijab conçu spécialement pour la compétition, désignée de surcroît par le magazine Time comme l’une des personnalités les plus influentes au monde, peine à se remettre de la terrible humiliation qui lui a été infligée à son retour chez elle. Un retour à l’âpre réalité du « Home, sweet home » à la mode « trumpienne »…
« J’ai été personnellement retenue à la douane pendant deux heures, il y a quelques jours », a confié mardi Ibtihaj Muhammad au site Pop Sugar, encore sous le coup de l’émotion. «Je ne sais pas pourquoi. Je ne peux pas vous dire pourquoi cela m’est arrivé à moi, mais je sais que je suis musulmane. J’ai un nom arabe. Et même si je représente l’équipe des USA et que je transporte du matériel olympique, cela ne change pas mon apparence ni la manière dont les gens me perçoivent », s’est-elle désolée, avant de dire combien elle en a gros sur le cœur : « C’était très dur. En tant qu’être humain, ma réponse a été de pleurer parce que j’étais triste, bouleversée, découragée, et simplement déçue ».
Touchée mais pas abattue, Ibtihaj Muhammad, en digne championne d’escrime qu’elle est, n’est pas prête de fendre l’armure sans avoir ferraillé contre une administration Trump qui ne présage rien de bon. Et à ses yeux, la « solidarité qui s’est installée » pourrait être de loin la plus efficace des armes pour torpiller les noirs desseins du 45ème président des Etats-Unis.
« Je pense que nous sortirons grandis de cette situation, en tant que femmes, en tant que personnes de couleur, en tant que musulmans, en tant que transgenres, en tant que personnes qui font parties des communautés discriminées », veut croire, avec le mental d’acier qui la caractérise, celle qui troque avec aisance sa cuirasse d’escrimeuse pour sa casquette de créatrice de la marque de vêtements modestes « Louella », dont elle est tout à la fois l’égérie charismatique et la styliste inspirée.
Oumma