Nafissatou M’baye est responsable de la communication externe chez Fret SNCF et rédactrice en chef de Perspectives Fret. Très active au sein du réseau SNCF au féminin, elle participe à sa manière à la féminisation des postes à responsabilités du leader du transport ferroviaire français. Entretien.
Notre interview de Nafissatou M’Baye s’est vite transformée en conversation détendue comme on l’aurait eu avec une amie ou une grande sœur. La communicante a le rire facile et une énergie contagieuse. Celle dont le travail à la SNCF a été plusieurs fois primé se décrit comme une jeune femme déterminée, optimiste, aventurière dans l’âme et qui « ne se refuse rien ».
Sénégalaise d’origine, Nafissatou a mis le cap sur Paris, après un détour par Casablanca, pour débuter des études en journalisme mais aussi pour assouvir son envie d’ailleurs. Elle évolue aujourd’hui dans la communication d’entreprise et se dit épanouie dans son métier. Mariée et mère comblée, elle mène de front plusieurs chantiers au sein de la SNCF tout en avouant que « ce n’est pas toujours facile de concilier les deux vies ». Nous avons donc eu envie d’en savoir plus.
Vous êtes journaliste de formation, comment en êtes-vous arrivée à travailler pour l’une des plus grandes entreprises publiques françaises ?
Je suis effectivement journaliste de formation spécialisée sur les questions européennes. En 2004, j’ai été recrutée à Public Sénat par Jean Pierre Elkabach que je ne connaissais pas à l’époque, donc pas du tout impressionnée par le personnage. Pour la petite histoire, j’ai démarré avec une certaine Léa Salamé qui est devenue aujourd’hui une star avec la carrière que nous lui connaissons aujourd’hui ! Mais c’est vrai que ce n’était pas facile à l’époque. Dans ce pays, il y’a beaucoup de journalistes qui sortent des écoles et très peu d’élus.
C’est donc ce qui vous a amenée à vous tourner vers la communication ?
Non pas du tout car j’ai persévéré, j’ai tapé à pas mal de portes. J’ai rencontré beaucoup de personnes, comme Christophe Barbier, j’ai eu des entretiens chez France Télévisions, TF1 etc. Mais à l’époque le métier de journaliste n’était pas du tout ouvert aux personnes noires. C’était compliqué. J’étais pigiste lorsque j’ai vu une annonce de la SNCF qui cherchait, pour trois mois, une rédactrice pour son journal interne Les Infos. Je me suis dit que ce travail me permettrait d’être stable, même pendant une courte durée, le temps de me faire de l’expérience et de revenir ensuite dans les médias. J’ai donc foncé.
D’ailleurs, quand j’ai appelé pour postuler, on m’avait dit que le poste était déjà pourvu mais j’ai insisté pour rencontrer la rédactrice en chef de l’époque, Anne-Laure Demory. Cette dernière a fini par me recevoir et j’ai donc décroché le poste. Aujourd’hui, j’en suis à ma 9ème année à la SNCF !
Qu’est-ce qui vous a plu et donc fait rester à la SNCF ?
Ce qui m’a le plus intéressé au début, c’est que le journal Les Infos existe depuis plus de 20 ans et a été créé par un journaliste économique. Ce qui fait que c’est une publication d’entreprise assez unique et qui est très reconnue dans le milieu de la communication et de la presse éditoriale.
Les Infos a d’ailleurs été plusieurs fois primé, comme en 2013 par exemple, avec le Grand prix Stratégies de la Communication éditoriale et le prix Communication et Entreprise…
Effectivement. Il y a une vraie liberté de ton dans ce journal, liberté encouragée par les dirigeants, à l’instar de Guillaume Pepy qui nous a incité à ne pas faire dans la langue de bois. J’ai eu des chefs qui m’ont fait confiance à chaque fois, qui ont été bienveillants et qui m’ont ainsi permis de passer de rédactrice à responsable des hors-séries. Puis, en 2012, on a décidé de faire quelque chose d’assez exceptionnel à l’époque : la création d’un journal profilé avec 11 éditions internes, un peu comme le Parisien et ses suppléments. J’ai coordonné ce gros projet jusqu’en 2014 où on m’a confié la Rédaction en chef de toutes les éditions internes du journal.
Poste que vous avez occupé pendant 2 ans avant de vous tourner aujourd’hui vers la communication externe. Quels sont aujourd’hui vos principaux challenges ?
En 2016, enceinte de mon premier enfant, j’ai voulu faire autre chose et aussi renouer avec l’international. J’ai donc décidé d’accepter un poste chez Fret SNCF, mon poste actuel, où je suis responsable de la communication externe. Je suis aussi rédactrice en chef de Perspectives Fret, un magazine client bilingue. J’accompagne également la communication de filiales basées en Italie, en Belgique et en Allemagne. C’est intéressant pour moi de voir autre chose, de faire de la relation presse et des relations publiques. Je commence également à travailler sur la visibilité de l’entreprise dans les réseaux sociaux. C’est complètement de la communication B to B, je découvre un autre monde, un monde d’industriels.
Vous êtes membre du réseau SNCF au féminin, une force dynamique au sein de la SNCF qui veut valoriser le rôle des femmes dans l’entreprise. Pensez-vous que ce type de réseaux de femmes ait un impact concret dans les entreprises ?
Assurément. C’est un réseau que je connais très bien et auquel je suis très attachée. Il a été lancé en 2012 et est aujourd’hui ouvert aux hommes sensibilisés aux questions d’égalité. SNCF au Féminin doit être l’un des plus grands réseaux, si ce n’est le plus grand, avec plus de 5000 membres à ce jour. En tant que membre on peut assister à des ateliers d’accompagnement, bénéficier de coachings, le réseau propose à l’entreprise des pistes de réflexions sur l’évolution des femmes etc.
Une des actions intéressantes est le Girl’s day, une journée dans l’année où on reçoit des écolières pour leur montrer des profils de femmes dans des métiers supposés réservés aux hommes, ceci afin de leur apprendre qu’elles peuvent embrasser la carrière qu’elles souhaitent. L’intérêt de ce type de réseaux dans les entreprises est que la femme se sent accompagnée, comprise mais aussi inspirée par d’autres femmes qui ont fait de très belles carrières. C’est toute l’importance du networking.
En tant que femme, femme noire, avez-vous été confrontée à des difficultés particulières au cours de votre parcours ?
Non pas vraiment. Vous savez, honnêtement, je ne pense pas que la question de l’égalité homme-femme soit liée à la couleur de peau. Ce sont les compétences qui comptent, en tout cas selon ma propre expérience. Je suis consciente que d’autres personnes vivent des expériences différentes et plus difficiles mais de mon point de vue, le plafond de verre est subi par toutes les femmes sans distinction de couleur de peau.
En ce qui me concerne, ce n’est pas vraiment ma peau noire qui a orienté mes choix de carrière. Même avant la SNCF, quand c’était très compliqué de trouver du travail dans les médias traditionnels, je ne me suis jamais dit « Je suis noire ça va être compliqué pour moi ». On peut dire aujourd’hui qu’il y a un peu de changement même si en termes de représentativité des noirs dans les médias, on peut mieux faire.
Quel conseil avez-vous envie de donner à une femme désireuse de crever le plafond de verre ?
Pendant mes études, j’ai fait un mémoire sur les femmes reporters de guerre. Ceci m’a amenée à interviewer plusieurs professionnelles dont Mémona Hintermann, qui travaillait à l’époque pour France 3, aujourd’hui membre du CSA. Cette femme m’avait dit « Si une porte vous est fermée, passez par la fenêtre ». Je n’ai jamais oublié ses paroles et c’est aujourd’hui ce qui me définit : la persévérance.
J’ai envie de dire aux femmes, comme aux hommes, qu’il n’y a pas de complexe à avoir. Quand on a fait les études qu’il faut, les sacrifices qu’il faut, il ne faut rien s’interdire !
Auteur: intothechic – Marie-Helene Sylva