Depuis la campagne électorale, Monsieur Tahirou SARR a soulevé une polémique concernant le contrôle de l’immigration au Sénégal. Son idée a été fortement soutenue par la majorité des Sénégalais. On peut ne pas être d’accord avec lui sur la forme, mais sur le fond, il a raison sur toute la ligne.
Il se sert de la présence massive d’une certaine communauté dans notre pays pour dénoncer l’immigration irrégulière à laquelle le Sénégal est confronté depuis quelques années et qui semble échapper aux autorités.
A titre liminaire, il sied de rappeler que nous avons au Sénégal un décret n° 71-860 du 1971 relatif aux conditions d’admission, de séjour et d’établissement des étrangers au Sénégal du 28 août 1971 réglementant l’immigration sauf qu’il est rangé dans les tiroirs.
Sans aucun doute, le Sénégal se distingue comme l’un des pays les plus stables de la sous-région. En raison de cette stabilité et de l’hospitalité, notre pays a eu à accorder la protection internationale à des chefs d’Etats africains déchus, des activistes et des politiciens. La tradition du Sénégal consiste à accueillir tout le monde. Néanmoins, il est nécessaire de le faire avec pragmatisme.
À l’heure actuelle, nous sommes devenus un pays pétrolier et gazier. Les djihadistes sont à nos portes. Les enjeux de sécurité sont d’une telle envergure que tous les pays du monde ne cessent de mettre à jour leur législation pour s’adapter à la menace. Pendant ce temps, nous nous contentons d’un décret obsolète sur l’immigration qui date de 1971. Le contexte actuel impose son abrogation et la mise en place d’une loi sur l’immigration qui prendra en charge les enjeux du XXIème siécle.
La majorité de ceux qui sont contre cette idée de Tahirou SARR raisonnent avec le cœur et adoptent la politique de l’autruche. Ils invoquent la libre circulation des personnes et des biens prévue par la charte de la CEDEAO, sans se rendre compte qu’elle ne donne pas droit à un séjour illimité.
D’ailleurs, aucune organisation régionale (UE, OIA) ne permet de bénéficier d’un droit de séjour illimité sans condition aux ressortissants des Etats qui la composent.
Les questions liées à l’ordre public, à la sûreté et à la sécurité nationale relèvent de la COMPETENCE EXCLUSIVE des Etats. La présence de mendiants dans les rues de Dakar et les boutiques (tables) installées dans chaque coin de la capitale qui servent parfois de dortoir, posent un problème de sécurité, perturbent l’ordre public, agacent certains citoyens et interpellent directement l’Etat du Sénégal et non la CEDEAO.
D’ailleurs, l’article 3 alinéa 2 a) iii de la charte de la CEDEAO se limite à prévoir que : « la suppression entre les États membres des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux ainsi qu’aux droits de résidence et d’établissement ».
Cette disposition est l’équivalent de l’article 3 alinéa 2 du Traité sur l’Union Européenne qui rappelle que « l’union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontière intérieures, au sein de duquel est assuré la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures d’asile d’immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène ».
Tous les pays membres de l’Union Européenne se sont tous dotés d’une loi pour mieux maitriser l’immigration. Leurs différentes législations considèrent que des pays membres de l’Union européenne comme des étrangers dans d’autres pays de l’Union. Certes, ils ne sont pas des étrangers comme les ressortissants africains et autres, mais ils doivent quand même remplir certaines conditions pour pouvoir séjourner légalement dans un pays de l’Union Européenne.
Alors, pourquoi ce qui est valable au sein de l’UE ne devrait pas l’être à la CEDEAO ? Je rappelle que dans l’organisation interaméricaine, il n’y a pas de libre circulation des personnes et des biens. Il n’est pas permis par exemple aux ressortissants mexicains et autres de rentrer librement aux Etats-Unis.
En France, au Luxembourg et en Belgique, ce sont respectivement les article L231-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’article 5 de la loi de 2008 et l’article 50 et suivant de l’Arrêté royal du 8.10.1981 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers qui posent les conditions que doivent remplir les citoyens de l’Union Européenne pour séjourner légalement sur le territoire d’un autre Etat de l’Union.
Par exemple, pour un séjour de plus de 3 mois en France, en Belgique, en Allemagne etc.., un Luxembourgeois doit remplir une des 3 premières conditions suivantes et obligatoirement la quatrième, sinon il risque d’être éloigné du territoire de cet Etat membre de l’Union où il se trouve nonobstant sa nationalité européenne.
1. Il exerce en tant que travailleur une activité salariée ou une activité indépendante;
2. Il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés à l’article 12, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale, ainsi que d’une assurance maladie ;
3. Il est inscrit dans un établissement d’enseignement public ou privé agréé au Grand-Duché de Luxembourg conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, tout en garantissant disposer de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale et d’une assurance maladie ;
4. Il sollicite la délivrance d’une attestation d’enregistrement auprès de l’administration communale du lieu de sa résidence dans un délai de trois mois suivant son arrivée.
Il ressort de ce qui suit que lorsqu’on se trouve dans un pays, il est essentiel de contribuer à son économie, sans être une charge pour son service public.
Sous ce rapport, le Conseil du Contentieux des Etrangers Belge, par arrêt n°206.186 de 28.06.2018, a validé une décision de refus de séjour prise par l’Office des Etrangers à l’encontre d’un Portugais : « (…) Dès lors, il ne remplit pas les conditions nécessaires à un séjour de plus de trois mois en Belgique en tant que demandeur d’emploi, citoyen de l’Union Européenne , Monsieur XX se voit contraint de quitter le territoire belge (…) ».
Le but de la CEDEAO n’est pas de soutenir la mendicité, ni de détruire l’économie des pays membres.
Cependant, la majorité des étrangers sur notre territoire endommagent notre économie, en premier lieu les occidentaux. Nous savons le montant que nos émigrés nous rapportent mais aucun service ne peut nous indiquer comment l’immigration contribue à notre pays. Au moment où certains étrangers qui sont inconnus du système bancaire et de l’Administration, préfèrent emprunter la voie terrestre pour ramener de l’argent chez eux, d’autres se cachent derrière des conventions fiscales que le Sénégal a signées avec leurs pays, ou de la corruption, pour s’échapper.
Sur ce, le quartier Haoussa doit être démantelé sans délai avant qu’il ne devienne la 20ème commune de Dakar. Il est tout simplement inhumain de les laisser vivre dans ces conditions, ce qui ternit à la limite l’image du pays.
Il est possible de contrôler l’immigration au Sénégal sans être en porte-à-faux avec la charte de la CEDEAO, ni porter atteinte au principe du traitement minimum des étrangers.
En outre, l’adoption d’une loi sur l’immigration ne serait en aucun cas discriminatoire envers les citoyens de la CEDEAO. Cette loi s’appliquerait à tous les étrangers sur le territoire sénégalais, qu’ils soient européens, américains ou asiatiques, pourvu qu’ils n’appartiennent pas au corps diplomatique.
En mettant en place une loi régularisant l’immigration, les étrangers pourraient obtenir la nationalité sénégalaise après 5 ou 7 ans de séjour régulier par exemple.
Il ne faut pas perdre de vu que dans un passé récent, après vérification près de leur commune de naissance, de nombreux de nos compatriotes ont constaté que leur numéro d’extrait de naissance avait été attribué à des étrangers. Cela sous-entend que certains étrangers ne cracheraient pas sur la nationalité sénégalaise. C’est parce qu’aucune perspective ne leur est donnée pour devenir sénégalais après tant d’années de séjour qu’ils font recours à cette pratique frauduleuse.
La plupart de nos compatriotes émigrés qui sont devenus américains, luxembourgeois, français espagnoles, suisses etc… le sont grâce à des lois sur l’immigration parfois très contraignantes.
Idem pour des Français qui sont devenus Suisses ou Luxembourgeois.
La demande sociale engendrée par une loi sur l’immigration n’aura pas que des répercussions sur les étrangers. Elle sera une pierre deux coups. Il est clair que la plupart des bailleurs sénégalais préfèrent louer leurs biens aux étrangers, dont on dit qu’ils paieraient mieux que les Sénégalais. Néanmoins, ces bailleurs ne font jamais leur déclaration de la CGF à la Direction générale des impôts.
Si l’enregistrement à la commune de résidence est requis pour les étrangers, l’agent municipal ne pourra le faire que si l’étranger fournit un contrat de bail attestant qu’il ne dort pas dans la rue ou dans une boutique, mais qu’il dispose une chambre ou un studio.
Enfin, une collaboration entre la Direction générale des impôts et les collectivités locales permettra d’identifier et de redresser toutes les personnes au Sénégal qui louent des biens sans faire de déclaration à la DGID.
Par conséquent, une loi sur l’immigration n’est que bénéfique. Elle permet de contrôler l’immigration et d’améliorer l’intégration, permet à l’Administration fiscale de repérer les bailleurs défaillants mais surtout aux communes et au service qui délivrera les titres de séjour de faire rentrer des fonds respectivement dans les caisses de l’Etat et des collectivités locales.
Jub Jubbal Jubbanti
Awalé Immigration bi ci Yon
Mouhamad Nazirou THIAM
Avocat au Barreau de Luxembourg