De l’incendie qui a coûté la vie à 4 bébés au service de néonatalogie de l’hôpital de Linguère, en passant par l’alliance entre Idrissa Seck et Macky Sall, la percée d’Ousmane Sonko au sein de l’opposition sénégalaise, l’ancien maire de Linguère a également analysé, dans cet entretien accordé à Seneweb, le report des élections locales initialement prévues en 2019, le découpage administratif qui fait polémique à Dakar. Habib Sy a également mis en garde le pouvoir contre une réplique de la révolte populaire qui a secoué le Sénégal, au début du mois de mars dernier.
Entretien
Incendie mortel à l’hôpital de Linguère : « Des ampoules de 60 w, achetées à 300 f sur le marché, en lieu et place des ampoules normées qui coûtent 25 000 f »
Habib Sy ne passe pas par quatre chemin pour charger encore l’Etat du Sénégal après le violent incendie qui a coûté la vie à 4 bébés, le 24 avril dernier à l’hôpital Magatte Lô de Linguère. « Je le redis tout haut, j’accuse l’État du Sénégal d’être responsable de l’incendie de l’unité néonatale de l’hôpital Magatte Lô de Linguère. Dans son communiqué relatif à l’ouverture d’une information judiciaire, le procureur de Louga le reconnait, même s’il n’en tire pas la conclusion, parce que certainement étant un agent de l’Etat. Il confirme les informations que j’ai été le premier à livrer, selon lesquelles, les tables chauffantes sont de fabrication artisanale et que les ampoules utilisées aussi ne répondaient pas aux normes ».
Pis : « Ce sont des ampoules de 60 w, achetées à 300f sur le marché, en lieu et place des ampoules normées qui coûtent 25 000 f. Les moustiquaires qui sont en nylon auraient pris feu au contact avec ces ampoules », éclaire-t-il. Non sans indexer « le déficit de personnel de garde qui doit veiller sur plusieurs services toute la nuit. Donc l’État du Sénégal a failli à ses obligations, et en conséquence doit être condamné. Une information judiciaire étant ouverte, les parents des victimes vont se constituer partie civile. Ils sont déjà en contact avec un avocat pour les conseiller. Nous demanderons aussi à l’Assemblée nationale de constituer une commission d’enquête parlementaire, pour aider à la manifestation de la vérité ».
Report des élections locales, de 2019 à 2022
Interrogé sur le nouveau report des élections locales, il constate et formule des regrets. « Nous sommes à un troisième report des élections municipales. Un quatrième report serait inacceptable pour utiliser le langage de Macky Sall. Vous avez certainement fait la remarque. Ses discours sont souvent teintés de trois expressions : « C’est inacceptable. » « C’est pas possible. » « On fera face. » Je demande le secours d’un psychologue pour nous aider à décrypter son langage.
Mais revenons à notre sujet. Vous voulez certainement faire allusion aux conclusions du pré-rapport d’audit des experts sur le fichier électoral. Je crois que le FRN en a suffisamment parlé lors de sa conférence de presse. Le rapport comporte des insuffisances notoires. Nous devons, avec la majorité apporter les correctifs. La majorité doit faire preuve de bonne foi et bien écouter les arguments techniques de l’opposition, au risque de nous retrouver dans l’impasse », conseille l’ancien ministre.
Séisme du 8 mars : Attention à la réplique !
Habib Sy met toutefois en garde le président Macky Sall contre ce qu’il envisage comme une réplique du « séisme » du 8 mars dernier. Pour lui, « Le pouvoir doit faire très attention. Il ne sert à rien de bander les muscles pour un combat qu’on est sûr de perdre. A la lecture de l’histoire politique de notre pays, il est presque certain qu’il y aura une deuxième vague des évènements du 8 mars. J’ai théorisé la malédiction du deuxième mandat pour expliquer la survenance inévitable de la deuxième vague. L’histoire nous apprend que chaque grande révolte au Sénégal est suivie d’une réplique. C’est comme un séisme. Les évènements de mai 1968 ont marqué le deuxième mandat du président Senghor. Pour certains analystes, le pouvoir était dans la rue. La réplique s’est produite en 1971, avec l’enrôlement d’étudiants dans l’armée. Je fus arrêté et emprisonné pendant 72 h, alors que je n’avais que 15 ans, en 5e au lycée Faidherbe de Saint-Louis. Dix ans après, le président Senghor devait abandonner le pouvoir. Le deuxième mandat du président Abdou Diouf a été sérieusement secoué par la révolte de février 1988.
La deuxième secousse est intervenue en février 1994, avec la mort de six policiers et l’arrestation de centaines d’individus. Auparavant le premier vice-président du Conseil constitutionnel a été assassiné en 1993. Six ans après, le président Abdou Diouf est battu à l’élection présidentielle de 2000 ».
Une situation à laquelle le président Wade n’a pas échappé. Et il risque d’en être de même pour Macky Sall à en croire toujours Habib Sy.
« Le deuxième mandat du président Abdoulaye Wade a été fortement troublé par la révolte du 23 juin 2011. La réplique ne s’est pas fait trop attendre. La nuit du 27 juin, communément appelée la révolte de l’électricité pouvait emporter le pouvoir. Moins d’un an après, le président Wade est vaincu à l’élection présidentielle.
Le deuxième mandat du président Macky Sall a vacillé le 8 mars 2021. Dès lors deux questions méritent d’être posées. Quand interviendra la réplique ? Combien de temps le président Macky Sall restera-t-il encore au pouvoir ? Vous voyez que je ne fais pas de l’alchimie, mais plutôt une lecture des faits historiques. Tout de même, je ne pense pas que le nouveau découpage administratif puisse favoriser la victoire de la majorité aux prochaines échéances. Vous savez, à l’époque, nous avons découpé et découpé, mais in fine, cela n’a pas assuré la victoire. Je ne peux pas aussi affirmer que ces révoltes de collectivités sont le signe annonciateur de la réplique du séisme du 8 mars ».