Papa,
J’ai décidé de t’envoyer cette lettre aujourd’hui car je m’apprête à aller à Ziguinchor pour assister à la cérémonie d’Hommage qui sera faite à ton honneur demain 03 Janvier 2019.
Papa, tu nous as quitté un lundi, comme le prophète Mohamed (PSL) ;
Il est vrai que tu nous as préparés à accepter ton départ, mais nous savions tous que jamais en notre présence, t’entourant, t’observant, te scrutant, priant, implorant le bon Dieu de te laisser encore un peu, un tout petit peu avec nous, tu aurais pu nous abandonner !
Tu as choisi la nuit pour te retirer discrètement.
Confrontés à la réalité de la volonté divine nous nous inclinons.
Ce fut pour nous une journée bien remplie et le début d’une nouvelle étape dans nos vies, apprendre à vivre sans toi, quel challenge !!
Nous nous sommes d’abord attelés à nous comporter comme tu nous l’as appris durant toutes ces années:
-Savoir, en toutes circonstances, faire face dignement, nous soutenir mutuellement dans les épreuves, entourer nos chères et courageuses mamans et tant d’autres choses qu’on ne pourrait énumérer ici,
Voila dix ans que tu es parti, et nous nous rendons compte, subitement, que nous n’avons pas encore fait ton deuil, tellement nous avons à cœur d’exécuter correctement ton legs afin d’être dignes de toi,
Papa, c’est toi qui nous disais que ton seul et véritable héritage est que nous nous rappelions et nous approprions à chaque instant, les valeurs qui t’étaient si chères.
Et de ta voix rauque que nous affectionnions tant et qui résonne encore en nous, tu nous disais:
« Mes chers enfants, outre l’éducation que vos mamans et moi avions cherché à vous inculquer,
si un jour au gré des rencontres de la vie, quelqu’un vous interpelle pour vous dire j’ai connu votre défunt père, il était un homme bon et que vous ayez un sentiment de fierté,
sachez que je serais heureux car j’estimerai avoir réussi quelque part à ne pas avoir fait trop de mal aux autres au cours de ma vie mais aussi à vous qui avez été toute ma vie,
Ma raison d’être, de travailler sans relâche encore et toujours pour arriver à vous mettre dans des conditions décentes,
Soyez assurés plus généralement que pour vous j’ai tenté en toutes circonstances à veiller à me comporter en bon père de famille! »
Papa, Tu considérais qu’une vie humaine doit être utile, remplie et juste.
En effet, tu estimais que Travailler honnêtement permet d’avoir sa place dans la société, créer des emplois permet de contribuer au développement de son pays ;
Tu disais qu’il fallait entreprendre, ne pas tout attendre des autres….
Africain Moderne et Pionnier dans les industries, tu considérais ton investissement dans les PME comme du patriotisme.
Discret, tu as passé ta vie à aider ton prochain et de manière générale les couches sociales défavorisées.
Tu estimais que la solidarité, plus qu’un concept, est une nécessité.
Alors Papa, sache que nous ne cessons de croiser des gens d’horizons divers et de générations décalées, qui t’ont connu et apprécié, qui s’empressent de faire des témoignages sur ta personne. Ils nous rappellent ton courage; ton amour du travail, ta dignité, ton humilité, ta générosité, ton amour pour ton pays le Sénégal et particulièrement la Casamance ta région naturelle.
Ce patriotisme qui d’ailleurs explique et justifie pleinement le sens des importants investissements que tu as entrepris à Dakar et au-delà, dans les secteurs les plus variés allant de l’agroalimentaire, de l’industrie, des générateurs électriques etc…à l’immobilier. Le tout avec cette ferme conviction que les africains devaient très tôt se prendre en charge car nos Etats sont jeunes et ne peuvent tout faire puisque ne disposant pas de suffisamment de ressources et de moyens.
Dès lors, tu considérais qu’il appartenait aux nationaux de s’engager dans l’industrie pour créer des emplois et participer de manière significative et durable au développement de l’économie sénégalaise. A côté de l’industrie ou concomitamment, tu étais dans les secteurs bancaires, le négoce du bois, l’immobilier, l’agriculture, l’élevage et j’en passe…
En effet, on se rappelle encore, avec nostalgie, des grandes invitations durant les week-ends à la ferme Dandou de Djibelor (Casamance) ou de Niacoulrab (Keur Massar) surnommée affectueusement le Ranch du Vieux Seydi par les dakarois.
Tous ceux qui s’y rendaient d’ailleurs étaient impressionnés par les réalisations avant-gardistes y effectuées avec le recours et l’usage à cette époque déjà, des techniques de Goutte à goutte, pour une production autosuffisante en eau.
Tu as eu l’idée d’importation de vaches laitières normandes, hollandaises et le recours sur place à des techniques d’insémination et de croisement avec les locales pour avoir des métisses. Ceci d’abord pour satisfaire ta passion pour l’élevage. Mais aussi pour allier l’utile à l’agréable en produisant du lait de qualité en grande quantité.
En effet certains dakarois partageaient ta passion et se rendaient régulièrement à ta ferme de Niacoulrab le week-end où ils te croisaient et échangeaient avec toi sur divers sujets de la vie.
Aujourd’hui encore, les populations de Niacoulrab comme tant d’autres se plaisent à évoquer avec le sourire aux lèvres et beaucoup de nostalgie ces souvenirs étayant leurs propos d’une multitude d’anecdotes nous informant quelques fois de services que tu leur rendais dans la plus grande discrétion.
Oui Papa, tu nous as laissé un grand héritage,
C’est vrai nous sommes fiers de toi et d’être tes enfants,
Tu nous manques fort, énormément,
Il ne se passe pas un jour sans qu’on ne pense à toi, oui, nos pensées et nos prières ne te quittent pas ;
C’est vrai que tu aimais discuter et échanger avec nous de tout pour nous faire profiter de tes expériences riches,
Cependant tu avais oublié (oublié ou omis même sens) de nous donner le remède pour faire face au vide que ton départ ou celui de tout être cher engendrerait ;
En effet, Toi ce Peulh bon teint de la Casamance, bien fier de ses origines, digne, généreux, cultivé, mais dur et ferme à chaque fois que de besoin, qui en dépit souvent de ses nombreuses occupations et contraintes liées à l’exercice de hautes responsabilités professionnelles, n’a eu de cesse:
– de prendre soin de ta famille,
– de nous chérir en nous donnant affection, tendresse, assistance et en veillant toujours à notre éducation, notre formation, notre bien-être,
– de nous faire prendre conscience de l’importance du respect de soi même et des autres,
– de nous faire découvrir et aimer chaque jour davantage la Casamance,
– de nous expliquer l’importance d’avoir une identité culturelle, familiale, religieuse pour apprécier davantage les autres et accepter les différences,
– de nous faire connaître l’importance de la famille et du devoir d’assistance et de protection mutuelle, de la cohésion familiale que nous devons entretenir et maintenir toujours pour être plus forts,
– mais aussi et surtout d’attirer notre attention sur l’importance du travail et de l’honnêteté, seuls secrets de la réussite, s’il en existe selon toi!
Oui Papa, c’est bien toi qui scandais » mes enfants soyez forts et restez unis car la vie est dure, mais il faut tenir, faire face aux épreuves, vous battre, rester dignes et honnêtes, toujours vous battre et vous y arriverez.. »,
Papa dès que tu me voyais tu me demandais « Tamus quelles nouvelles ? »,
Je peux te répondre,
Qu’il s’est passé déjà dix longues années….
Riches d’événements,
Que de joies, que de peines….
J’ai même rencontré ton berger peulh avec son troupeau,
Il est arrivé quelque chose de foudroyant, Maman Mame Fatou Chérifa Aidara karara est partie sur la pointe des pieds nous laissant sans voix, un véritable Tsunami dirai-je…..heureusement que tu nous avais aussi appris à faire face ;
Et Ziguinchor a décidé de t’honorer de Jeudi 03 Janvier 2019 donnant ton nom à une de ses avenues, la plus fréquentée, du quartier Escale.
Oui tu nous as appris à dire les choses comme elles sont,
Disons le donc, ça n’a pas été un long fleuve tranquille.
Depuis lors, que de difficultés rencontrées pour tenir le navire debout avec l’ombre du Capitaine.
Mais fidèles à nos engagements, nous nous battons et n’abandonnerons jamais….
Peut-être le succès sera t-il au bout des efforts et sacrifices consentis ?
C’est pour tout ce que tu as fait pour nous, que nous te remercions, que nous ne pourrons jamais t’oublier et que nous ne t’oublierons jamais, que nous t’aimons à jamais et prions pour le repos de ton âme,
Nous prions pour que les portes du Paradis te soient ouvertes et que le tout puissant te réserve une place de choix à ses côtés,
Amine!!!
Tamus.
Fait à Dakar, le 02 Janvier 2019