« Laisser le virus circuler pour avoir une immunité collective. » Le médecin avait lâché la bombe en pleine déprime populaire due à la pandémie de Covid-19. Nos oreilles avaient sifflé, les micros et les murs d’iRadio dont il était l’invité matinal, avaient tremblé. Certains en étaient abasourdis. D’autres avaient applaudi.
L’ancien directeur du Programme national de lutte contre le paludisme savait, apparemment, de quoi il parlait. Dr Thior ne s’en était pas limité à seulement théoriser « l’immunité collective ». Il était allé plus loin en soutenant que la maladie, comprenez le nouveau Coronavirus, n’est pas aussi dangereuse et que l’État doit aller au-delà d’un simple assouplissement et lever, avant le 2 juin prochain, toutes les mesures de restriction imposées jusque-là. Nous étions au mois de mai.
Près de quatre mois après, Dr. Moussa Thior aurait-il dit la même chose ? Soutient-il d’ailleurs toujours la même thèse ? Peut-être bien que oui. Peut-être bien que non. Au regard de la situation actuelle et avec le recul, une telle thèse ne peut être que sujette à caution. Entretemps, au fil des entretiens avec les journalistes très friands des déclarations fracassantes, l’ancien « Monsieur Paludisme du Sénégal » avait littéralement mis à terre la stratégie de communication de ses collègues et du Ministère de la Santé. Si l’exercice était de secouer le cocotier, le succès fut total.
Dr. Moussa Thior était ainsi devenu une star ou une contre-star parmi d’autres stars qui se nomment : Professeurs Moussa Seydi, Amadou Alpha Sall, Ousmane Faye et Docteurs Marie Khémesse Ngom Ndiaye, Abdoulaye Bousso (coqueluche des médias), Aloyse Waly Diouf… Thior, une star presque de la trempe de Pr. Didier Raoult ! Le vicieux virus n’étant pas encore prêt à nous lâcher… la vie – Dieu fasse qu’il crève au plus vite ! – il faudra s’armer de patience pour connaître « La Fin de l’Histoire ». « Et le Dernier homme » nous sauvera !
Pour l’heure, le sentiment le mieux partagé est que la pandémie est à l’état de métastase. Normal pour une « tumeur maligne » comme le Coronavirus. Entre le Corona et le Cancer, le « C » les rassemble. Les cas positifs au covid-19 ont augmenté. Les morts proportionnellement. La peur s’est à nouveau emparée de la Cité alors qu’il nous faut garder toute notre sérénité.
L’explication ne tient pas seulement à la situation qui aurait explosé. Elle est également liée au fait que ce ne sont pas uniquement les personnes anonymes qui meurent. La disparition à la chaîne de figures marquantes de notre pays : chefs religieux, personnalités politiques, journalistes célèbres, grands entrepreneurs, donne l’impression avérée ou non, que la situation est désormais hors de contrôle. Que les riches ou célébrités tombent de cette façon et presque chaque jour, cela traduit une réalité : le fameux virus ne tue pas que les pauvres. « Que l’on soit riche ou pauvre, on est tout seul dans son cercueil. »
Cette vérité prend tout son sens en ces temps de pandémie. L’État doit renouer avec sa mission régalienne. Il n’y a pas deux, encore moins mille solutions. Restaurer les mesures de restriction partout où nécessité se fait sentir. Que le gouvernement décide de frapper au portefeuille de tout récalcitrant semble aller dans le bon sens. Pourvu encore que le bakchich dont sont friands certains agents de l’État ne vienne pas tout compromettre. Le sabre brandi ne doit pas couper que les têtes sans képi. L’autorité de l’État en dépend. Autrement, le Président de la République continuera d’être un « Président condoléanceur ». Quand la Cité a peur, le rôle du Chef est de rassurer. De redonner espoir. Et… vie.
Comment, dans un tel contexte, abreuver d’injures et menacer de mort un héros national : le vaillant Professeur Seydi ? On s’étonne de la fuite de nos cerveaux. Professeur Felwine Sarr ne vient-il pas de grossir les rangs de la « Légion étrangère » comprenant nos brillants esprits partis faire briller leur savoir ailleurs, dans de prestigieuses universités ? Parallèlement, d’autres Sénégalais, à la science infuse et censeurs de conscience, multiplient les imprudences. Mame Makhtar Guèye de Jamra est de ce lot. Sa dernière bourde à l’endroit de la communauté chrétienne pour dénoncer encore une série télévisée, est la preuve qu’il doit arrêter son dangereux jeu d’acteur. Avant qu’il ne soit trop tard. Spécialiste de tout, donc spécialiste de rien du tout.
Il ne faut peut-être pas désespérer de tout. La Gambie et la Mauritanie sollicitent l’appui du Sénégal pour vaincre la pandémie. En hommage au Professeur Seydi et à tous nos savants, on retient de Jésus ou Insa dont tout le monde se moquait, cette leçon : NUL N’EST PROPHÈTE EN SON PAYS.