L’animosité vipérine sur fond de choc d’ambitions, entre acteurs politiques du même camp, refait surface.
A quelques mois des élections locales du 23 janvier 2022, l’heure n’est plus aux querelles autour de la date des joutes ou des règles du jeu -même si celles-ci ont soulevé de vives contestations- mais plutôt à la compétition interne, dans les partis et coalitions, pour prendre le contrôle des 552 communes et 5 villes. Dans l’opposition comme dans la majorité, les dés sont jetés pour une compétition locale qui s’annonce déjà âpre.
Mais force est de reconnaître que les enjeux sont nettement plus élevés dans la majorité présidentielle qui s’est récemment élargie avec l’arrivée d’un autre poids lourd : Idrissa Seck et Rewmi, sa machine politique. Et le moins que l’on puisse dire est que les germes d’une implosion de Benno Bokk Yakaar sont d’ores et déjà plantés.
Dans la capitale, sa banlieue et dans les autres régions et villes du Sénégal, la guerre de positionnement est lancée au sein de la grande coalition qui semblait défier, jusqu’ici, l’usure du temps en dépit des contradictions internes.
Dakar, la bataille « capitale »
Dans la capitale sénégalaise et ses 19 communes, les responsables de l’Apr et ceux de Benno par ricochet, mènent une vraie guerre. Abdoulaye Diouf Sarr, Amadou Bâ, Mame Mbaye Niang, Moustapha Cissé Lô entre autres responsables de l’Apr ne se font aucun cadeau pour le contrôle de la mairie de la capitale toujours gérée par Taxawu Dakar malgré le coup fourré de la majorité, lors du remplacement du maire révoqué de Dakar, Khalifa Sall, le 29 septembre 2018.
En effet, la majorité présidentielle avait financé la scission de Taxawu Dakar en parrainant la candidature de Moussa Sy et Banda Diop contre celle de leur ancienne consœur, Soham Wardini. Mais cela avait finalement foiré puisque l’ancienne progressiste s’est adjugée le fauteuil de Khalifa.
Dans la commune des Parcelles assainies, le président Macky Sall devra choisir entre son « gros poisson » le maire sortant Moussa Sy et les deux autres responsables de l’Apr, Amadou Ba et Mbaye Ndiaye. Il devra en faire de même à la commune de Grand-Yoff où son beau-frère et ancien colistier en 2014, Mimi Touré. Adama Faye va, à coup sûr, disputer le leadership de Benno au directeur de l’Adie, Cheikh Bakhoum et d’autres potentiels candidats de la coalition.
Aliou Sall-Lat Diop, le remake ?
Pendant ce temps, dans la banlieue précisément à Guédiawaye, un remake de la guéguerre entre Aliou Sall (frère du président et maire de la ville) et le directeur général de la Lonase, Lat Diop est fort probable. Même si les deux frères-ennemies se sont réconciliés le jour du lancement du BRT à Guédiawaye en octobre 2019, Lat Diop rumine encore l’épisode de 2014.
Alors qu’il était au coude à coude avec Malick Gackou pour porter la coalition, le frère du président, jusqu’alors inconnu au bataillon, l’a coiffé au poteau.
Une autre socialiste est aux aguets. Il s’agit du maire de la commune de Golf Sud, Aïda Sow Diawara.
Thiès, fissure en vue du Mbourok-Soow
À Thiès, bastion du président du Cese, Idrissa Seck, il y aura sûrement de la friture sur la ligne entre les Apéristes et les Rewmistes. L’Apr et les autres responsables de Benno se rangeront-ils derrière Idrissa Seck et les responsables de Rewmi ?
En tout cas, même si Rewmistes et Apristes filent le parfait amour présentement, il n’en demeure pas moins qu’on est en politique et qu’aucune alliance ne saurait prendre le pas sur les ambitions personnelles des uns (Alioune Sarr, Augustin Tine, Abdou Mbow) et des autres (Idrissa Seck, Yankhoba Diattara, Talla Sylla…). Ainsi, à moins qu’il n’y ait un compromis, -ce qui du reste est fort improbable- l’implosion est assurée.
Linguère, un Aly en cache un autre
À 240 kilomètres de là, cette même confrontation Rewmi-Apr se profile à Linguère où l’ancien ministre de l’Intérieur éjecté du gouvernement et maire sortant, Aly Ngouille Ndiaye, aura à cœur de confirmer sa légitimité populaire. Là aussi les risques de listes parallèles sont énormes au sein de la majorité. Puisqu’en challenger, le secrétaire national chargé de la massification du parti d’Idrissa Seck, Aly Saleh Diop ne va, pour rien au monde, troquer une légitimité politique contre un strapontin gouvernemental (il est ministre de l’Elevage).
En troisième larron, le ministre du Développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale, Samba Ndiobène Kâ se positionne. Très populaire dans le Djollof, il pourrait faire basculer la balance en faveur de l’un ou de l’autre. Si bien-sûr il décide de se ranger.
Louga, le prince (Moustapha Diop) défie la Baronne (Aminata Mbengue Ndiaye)
Même scénario à Louga mais cette fois-ci, c’est le maire sortant de Louga, Moustapha Diop qui va à l’assaut de la baronne socialiste, Aminata Mbengue Ndiaye. L’adversité entre les deux responsables de la coalition Benno Bokk Yakaar de Louga est devenue un secret de polichinelle.
En 2014 déjà, Benno était parti en rangs dispersés dans cette localité et les résultats des urnes étaient favorables à Moustapha Diop. Le recours déposé par la nouvelle secrétaire générale du PS à la Cour suprême n’y avait rien changé. Depuis, les deux responsables se regardent en chiens de faïence. D’ailleurs le maire de Louga avait vigoureusement contesté le choix porté sur Aminata Mbengue Ndiaye pour être la déléguée de la collecte de parrainages lors de la présidentielle de 2019.
D’autres potentiels candidats et non des moindres sont dans les starting-blocks : il s’agit de Oumar Boun Khatab Sylla (Dg Dem Dikk), Mamour Diallo (ancien Dg des domaines) et Amadou Mberry Sylla (député et président du conseil départemental de Louga).
La même tension est perceptible dans le Ndoucoumane (à Kaffrine) où le maire socialiste Abdoulaye Wilane et le ministre de l’Urbanisme, Abdoulaye Sow sont engagés dans un mortal combat au prix de la stabilité de Benno.
Ziguinchor, la bataille du Sud
Grenier électoral non négligeable, la bataille sera cruciale à Ziguinchor. Car comme on le dit, les locales sont une primaire de la présidentielle, par conséquent qui perd les locales perd le pouvoir. Ainsi, en plus de devoir défier le Pastef qui commence à se faire une bonne base dans le Sud, la majorité présidentielle devra nécessairement taire les divergences entre ses différents membres. Car une implosion à Ziguinchor pourrait être lourde de conséquences pour les prochains rendez-vous électoraux.
Beaucoup de responsables locaux de l’Apr ne cachent pas leur ambition de contrôler la mairie présentement entre les mains d’Abdoulaye Baldé, un autre allié. On peut citer : le ministre Aminata Assome Diatta, Benoît Sambou, Doudou Kâ, Aminata Angélique Manga.
En attendant les investitures qui seront à coup sûr le théâtre de coups bas et petits meurtres politiques, la guerre larvée entre alliés de circonstances se poursuit.