La tâche n’est pas facile pour Macky. Car, il ne fait pas de doute que le Sénégal fait face à des exigences contradictoires. Au moment où le reste du monde y compris l’Afrique s’inscrit dans une dynamique de confinement sauf dans des pays comme le Tchad, les cas augmentent et le nombre de décès augmentent au Sénégal.
Nous en sommes à plus de 160 cas communautaires, c’est à dire ceux dont le monde de transmission n’est pas connu et à 18 décès dont trois au cours du week-end.
Cette multiplication des cas communautaires rend la situation préoccupante car la courbe est toujours ascendante et le pic ne semble pas avoir été atteint.
Au total, nous avons 1356 cas depuis le 02 mars dont 1040 sous traitement, ce qui rend la prise en charge préoccupante.
Pis, les cas graves qui sont au nombre de 7 depuis quelques jours, ne s’améliorent pas.
Dans ces conditions, le Sénégal ne peut pas s’inscrire dans une dynamique de déconfinement même s’il faut apprendre à vivre avec le virus. Car, ce serait suicidaire. Pis, même le remède malgache, l’Atémesia a ses limites.
En Madagascar, une polémique est née de l’ouverture jugée ‘’prématurée’’ des établissements scolaires avec une vague de contamination simultanée d’au moins de 6 enfants. Les parents sont très inquiets dans l’île.
Le chiffre de 35 nouveaux cas en une journée donné jeudi par les autorités a beaucoup alarmé.
C’est dire que même si des pays plus affectés comme ceux du Nord notamment l’Italie, l’Espagne, la France sont dans une dynamique de déconfinement, nous ne pouvons pas suivre cette tendance.
Et si c’était le statu quo après le 02 juin, il faudrait envisager la prolongation de l’état d’urgence même s’il faudrait retourner à l’Assemblée nationale.
Car, le fait de lever les mesures prises pourrait annuler tous les efforts déjà faits. Les frontières ne peuvent pas être ouvertes sans par exemple mettre en quarantaine tous les voyageurs qui arrivent, le transport interurbain doit continuer à être interdit, le port de masque dans les lieux publics obligatoire, les mesures de distanciation sociale exigées, la réduction du nombre de place dans les transports maintenu, etc.
Il y a cependant des mesures dont la pertinence est sujette à discussion. Il s’agit notamment de la fermeture des commerces certains jours et leur réouverture d’autres.
Des situations qui créent des rushes qui sont sources de propagation du virus.
Je reste en effet convaincu que les commerces peuvent être ouverts, en charge pour chaque Gouverneur de région, de prendre les mesures qui s’imposent à sa localité. On peut par exemple envisager l’ouverture le matin et la fermeture de tous les magasins les après-midi.
Il en est de même de la fermeture des mosquées. Il est impératif d’envisager leur réouverture sous certaines conditions : lavage des mains à l’entrée et/ou gel hydroalcoolique, distanciation sociale, limitation du nombre à l’intérieur et réglementation aux alentours.
En tout état de cause, les propos du Khalife de Médina Baye montrent que de plus en plus de rébellions de ce genre seront observées si jamais la mesure n’est pas levée ou allégée.
La réalité est que beaucoup de sénégalais optent pour l’ouverture. Elle devient ainsi une forte demande sociale du fait notamment des croyances religieuses relativement à la nécessité de prendre en compte les prières dans la lutte contre le Coronavirus.
Il en est ainsi de la question cruciale, sensible de l’ouverture des classes. Si la tendance se maintenait, il n’est pas question d’envoyer les enfants à l’école. Car, comme en Madagascar, un seul enfant contaminé, ce sont de nombreux adultes qui seront en danger. Ce serait un cercle vicieux infernal dans un contexte de développement des cas communautaires.
Certes la situation est préoccupante, mais elle exige beaucoup plus de pondération de la part de nos dirigeants. Car, nous ne pouvons pas envoyer nos enfants affronter un danger imminent.
En France par exemple, la décision des autorités de l’ouverture prochaine des classes fait polémique. Et l’exemple malgache n’est pas encourageant.
Le Président de la République est également invité à revoir sa position sur la situation tragique de nos compatriotes morts à l’étranger. Même si la Cour suprême a donné raison à l’Etat conformément au principe de précaution, il est important de considérer tous les aspects du problème notamment sa dimension affective et religieuse. Tous les Sénégalais ont droit à l’assistance même ceux qui sont morts du Covid-19.
Tout pour dire que Macky est face à un dilemme cornélien. Il souhaite à l’image de tous les Sénégalais retrouver rapidement une situation normale, mais il sait que c’est impossible. Le déconfinement est précoce. Il faudra maintenir les mesures de rigueur, revoir celles qui sont moins cohérentes comme le fait de commencer le couvre-feu à 20 heures et non à une autre heure plus tardive et rester vigilants.
Et, parallèlement, si les moyens des structures de santé sont renforcés aussi bien en matériels qu’en ressources humaines et les populations assistées à la mesure de leur souffrance, elles pourront encore tenir le coût.
Car, à l’impossible, nul n’est tenu.
* Assane Samb