Sur les réseaux sociaux et dans les médias, on parle du sale quart d’heure passé par l’activiste entre les mains de ses bourreaux davantage que du problème qui en est la cause profonde. Le leader de « Frapp-France dégage » était à Nianing pour soutenir les membres de la plateforme « Jokk Jotna ».
Ces derniers accusent le maire de Malicounda et directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD), Maguette Sène, d’avoir spolié leur commune d’une importante assiette foncière.
Les terres en question s’étendent sur 18 ha 78 a 13 ca. Elles sont situées entre l’océan et la Route nationale. Coincées entre deux défunts réputés hôtels, jadis : le Club Aldiana, fermé il y a près de 20 ans, et le Domaine de Nianing, qui a mis la clé sous la porte en 2015. Cette surface appartient aux Eaux et Forêts. Qui l’ont érigée en Centre de référence écologique avec, notamment, des bâtiments et une pépinière. D’après nos informations les soldats de l’environnement nourrissaient l’ambition d’en faire un centre aéré. Jusqu’à l’avènement de Maguette Sène à la tête de la mairie de Malicounda, en 2014.
Drame social
L’année suivante donc, le Domaine de Nianing ferme ses portes, une quinzaine d’années après que le Club Aldiana a baissé ses rideaux. Les populations venaient de perdre les deux poumons de l’économie locale. Des centaines d’emplois, directs et indirects, sont perdus. Des dizaines de familles sont dans le désarroi. Un véritable drame social pour beaucoup de ménages à Nianing.
Maguette Sène veut réagir. Pour Seneweb, il rembobine : « Face à cette situation, j’ai mûri l’idée de monter un projet de développement économique sur le terrain appartenant aux Eaux et Forêts. J’ai alors contacté un promoteur belge, qui développe d’autres affaires dans la zone, pour le convaincre d’investir sur le site. Il donne son accord. Il effectue des simulations et me présente un plan extraordinaire qui prévoyait des hôtels en bordure de mer et des résidences en bordure de route. »
Pour réaliser le projet, il faudra au préalable franchir un obstacle majeur : convaincre les Eaux et Forêts de céder la parcelle. L’édile prend contact avec le ministre de l’Environnement, Abdoulaye « Bibi » Baldé à l’époque. Ce dernier instruit le directeur des Eaux et Forêts qui, à son tour, confie le dossier au chef du service régional de Thiès.
Une visite est organisée sur le site. « Lorsque que le chef du service régional est venu en mission, raconte le maire de Malicounda, il s’est dit convaincu de la pertinence de notre projet. Cependant, il m’a expliqué que ses collègues voulaient créer sur le site un centre aéré et que cela leur tenait à cœur. C’est ainsi qu’il a demandé qu’on mette à leur disposition une autre assiette, suggérant qu’un terrain de 7 ha en bordure de route ferait l’affaire. »
Le principe est retenu, l’accord formel suivra. Les Eaux et Forêts signent une convention de rétrocession des 18 ha à la commune de Malicounda. Le document que Seneweb a consulté est approuvé par le ministre de l’Environnement. En contrepartie, la mairie promet de libérer 7 ha. Et ce n’était pas tout pour les Eaux et Forêts : la convention prévoyait, en plus, que le promoteur réfectionne les locaux de leur service à Mbour et reproduise les bâtiments du site cédé, au niveau de celui de Nianing.
Un paquet de bienfaits
Armé de cette convention, Maguette Sène décide de solliciter d’abord l’adhésion des populations de sa commune. Il convoque « une audience publique » à laquelle assistent chefs de village, délégués de quartier, présidents d’association, « au total pas moins 200 personnes », sourit-il avant de justifier : « J’ai choisi cette démarche inclusive, en convoquant cette assemblée avant d’aller directement devant le Conseil municipal, parce que je crois en la gestion participative. »
Le promoteur se présente devant les populations et exposée les termes du partenariat avec leur commune : il est attendu 400 à 500 emplois au moment de la construction des infrastructures du projet et 800 emplois directs lorsque les activités seront lancées. Un montant de 270 millions de francs Cfa sera prélevé de manière progressive sur l’activité (hôtellerie et vente des résidences), sur une période à déterminer, pour la construction d’un marché à Nianing.
Le promoteur devait aussi bâtir pour la commune des espaces de bureau où le directeur du COUD envisageait d’abriter le centre d’Etat civil. Ce projet sera finalement réalisé sur fonds propres par la mairie de Malicounda. Des unités de production devaient être montées au profit des femmes de la localité. Le site devait aussi disposer d’un village artisanal où tous les vendeurs d’objets d’art, orphelins de la fermeture du Domaine de Nianing et du Club Aldiana, pouvaient se redéployer.
Les acteurs culturels n’étaient pas laissés en rade. « J’ai indiqué au partenaire que l’activité touristique faisait vivre beaucoup de musiciens, qui habitent la zone et qui se produisaient dans les deux hôtels qui sont fermés. J’ai demandé et obtenu qu’il construise une grande salle de spectacle et un studio d’enregistrement pour ces artistes. Cette disposition figure bel et bien dans la convention. »
Enfin, il est stipulé que la mairie de Malicounda va détenir 10% de l’activité.
Mauvaise interprétation
Les populations de Nianing sont conquises, d’après Maguette Sène qui rejoue l’audience publique en soulignant cet accord a été soumis à la caution d’un notaire.
Après avoir convaincu les populations, le partenaire belge tente de faire de même avec le Conseil municipal de Malicounda. Powerpoint et 3 D. L’assemblée, à l’unanimité, donne son accord. Aucune contestation, selon l’édile. Au moment de délibérer, les élus décident cependant que l’assiette sera affectée à une société de droit sénégalais, qui sera spécialement créée pour la conduite du projet et de l’activité. Ainsi voit le jour Dienya SUARL, détenue à 90% par l’homme d’affaires belge, à travers sa société internationale B&S Developpement, et à 10% par la mairie de Malicounda.
Cette disposition a été mal interprétée par les membres de la plateforme « Jokk Jotna ». Ces derniers y voient la preuve que Maguette Sène a signé avec son partenaire pour l’exploitation de l’assiette foncière de 18 ha avant d’aller vendre le même terrain à la société Dienya SUARL. Il n’en est rien, selon l’accusé : Dienya SUARL appartient à B&S Developpement (90%), l’entreprise avec laquelle la convention a été signée, et à Malincounda (10%). Les terres seront affectées à cette société.
Le blocus des Eaux et Forêts
Malgré son potentiel économique et son caractère inclusif, le projet est aujourd’hui au point mort. A cause d’un rebondissement que ni le promoteur ni le maire de Malicounda n’avaient vu venir. Lorsque l’assiette a été officiellement cédée à Dienya SUARL, le partenaire belge a lancé des travaux sur le site. Il sera stoppé par les Eaux et Forêts, qui lui font remarquer que le terrain n’est pas encore effectivement cédé à la commune. Malgré la convention de rétrocession signée par le ministre.
La raison : les 7 ha qui devaient servir de contrepartie ne leur conviendraient pas. Le Belge remballe alors son matériel et ronge son frein.
Le maire émet des doutes au sujet du motif invoqué : « Au fond, à l’intérieur des Eaux et Forêts, certains n’ont pas apprécié la cession des 18 ha à notre partenaire. Ils ont une amicale de retraités dont les membres sont libres, puissants et virulents. D’ailleurs c’est quand ils ont rejeté les 7 ha qu’on leur avait attribués, que le collectif qui combat le projet a commencé à faire du tapage. C’est dommage pour les populations, mais tant que le service des Eaux et Forêts n’acceptera pas de nous céder les 18 ha, contre les 7 ha qu’on leur propose, on ne peut rien faire. Le projet ne verra pas le jour. »
Maguette Sène avait promis de mettre toutes ces informations à la disposition de Guy Marius Sagna, si ce dernier l’avait contacté avant de se rendre à Nianing.