Dans sa déclaration de pré-candidature, s’en prenant à la politique conduite par le Chef de l’Etat depuis 2012, l’Architecte entrepreneur Pierre Atépa GOUDIABY a eu des mots assez durs sur la mise en œuvre de l’action culturelle au Sénégal, en focalisant ses attaques sur trois symboles : la Place du Souvenir africain, le Musée des Civilisations noires et le Monument de la Renaissance africaine.
Entendons-nous bien : c’est le droit du pré-candidat de formuler ses critiques sur une politique qu’il n’apprécie guère, mais également un devoir impératif de se montrer respectueux à l’égard des Sénégalais à qui il s’adresse, car il leur doit la vérité complète, dès lors qu’il évoque un fait pour s’en servir comme arguments lui permettant d’étayer ses critiques.
Il s’agit, en l’occurrence, de la gestion de la Place du Souvenir africain.
Je me dois d’édifier nos compatriotes sur la teneur des entretiens que nous avons eus et à l’appui desquels, il a entendu jeter le discrédit sur le gouvernement.
Pierre Atépa GOUDIABY est effectivement venu me voir en mars 2018, pour parler avec moi de trois préoccupations, disait-il, et concernant essentiellement les sujets ci-haut évoqués. Il est arrivé dans mon bureau en compagnie d’un frère avec qui j’ai des liens étroits. A l’entame de notre entretien, c’est l’ami commun qui l’a introduit. Il est le témoin de la teneur de notre entrevue.
A sa suite, Pierre Atépa GOUDIABY a pris la parole sur son ton péremptoire habituel, pour souligner, disait-il, le scandale que constitue, à ses yeux, l’aménagement et la gestion de la Place du Souvenir africain. Il se disait déçu du sort réservé à « ce beau monument symbole d’un projet culturel mal compris par Macky SALL et son Gouvernement ».
Concernant le Monument de la Renaissance africaine, les critiques formulées se limitaient là également à dénoncer une gestion calamiteuse de la structure et l’incapacité des responsables du site à lui donner les perspectives, conformément à l’idée et à l’esprit qui ont servi à son édification.
Enfin, pour le Musée des Civilisations noires, Pierre Atépa GOUDIABY est venu me réclamer, ou plutôt exiger de l’Etat le paiement de droits qu’il détiendrait sur l’Etat, au titre de son statut d’Architecte-Conseil et concepteur du Musée. Il estime ces droits à un milliard de francs (1 000 000 000 F CFA).
Pour finir, Pierre Atépa GOUDIABY a cru devoir s’épancher devant moi sur les entretiens qu’il aurait eus avec le Chef de l’Etat au sujet de ces trois sujets qu’il venait d’évoquer.
Ma réponse fut nette. Elle a d’abord porté d’abord sur les entretiens qu’il aurait eus avec le Chef de l’Etat : « Pierre, écoutez-moi bien, vous vous adressez à un Ministre de la République. Je vous interdis, je pèse bien mes mots, d’évoquer devant moi le secret des entretiens que vous prétendez avoir eus avec le Président de la République. Si vous n’arrêtez pas je vous demanderai de m’excuser. Notre entretien s’arrête tout de suite si vous continuez ». Il comprit ma désapprobation, obtempéra sans dire mot.
Concernant la Place du Souvenir, ma réponse fut tout aussi catégorique : « Pierre vous avez laissé sur place un projet architectural non fini. Un projet mal exécuté, sans âme, encore moins de conceptualisation préalable de son contenu culturel. C’est de la pure prétention et de l’affabulation que de faire croire aux Sénégalais que la Place du Souvenir porte un projet culturel. Son projet architectural est mal fini. Les édifices laissés sur place n’ont pas été bâtis avec des plans connus et accessibles. Il en est de même pour les plans d’installation d’électricité et de plomberie. Les évacuations et canalisations ne sont pas exécutées, à la mesure des exigences techniques et sécuritaires imposées par le site. Les matériaux utilisés ne sont pas adaptés à l’érosion marine, à l’attaque des embruns marins. Il n’y a jamais eu de réception technique officielle de l’ouvrage ».
Face à cette réplique, l’architecte se dégonflera pour admettre la réalité qui lui est décrite, finit par expliquer laborieusement qu’il détenait par devers lui tous les plans.
Enfin, concernant la prétendue dette sur le Musée des Civilisations noires, la réponse fut tout aussi cinglante : « vous réclamez une dette due, si je comprends bien vos explications, au titre des faveurs et privilèges qui vous ont été accordés par l’ancien Chef de l’Etat » et j’ajoutais : « comprenons-nous bien : une faveur ou un privilège, quel que soit le statut de la personne qui vous l’accorde, souvent au détriment de l’intérêt général, ne saurait constituer un droit pour fonder un titre de créance. Une créance est établie par des documents élaborés à cette fin. Malheureusement, vous n’en disposez pas. L’Etat ne vous doit rien. Si vous revenez me voir avec de tels documents, je saisirai l’Agent judicaire de l’Etat, par le biais de mon collègue en charge des Finances, pour faire prendre votre dette en compte ».
Le projet muséal qui devait fonder le choix du projet architectural n’a été préalablement défini, encore moins conceptualisé du point du contenu global du Musée. Il a fallu s’y prendre avec deux conférences internationales de préfiguration et de figuration, ayant mobilisé en 2017 et 2108 des hautes sommités mondiales, pour trouver un contenu pertinent, charriant un fort contenu historique et culturel. Le projet architectural sur lequel vous fondez vos prétentions a été totalement repris dans sa conception pour l’adapter aux réalités sénégalaises et africaines. Ainsi, à la place des symboles de l’architecture chinoise que vous aviez soutenue et défendue devant l’ancien Chef de l’Etat, le gouvernement et les techniciens sénégalais ont substitué l’idée d’une case à impluvium connue en Casamance et dans le Grand Zimbabwe.
A ce jour, Pierre n’est jamais revenu à mon bureau. Il a fait sa déclaration en tronquant toute la vérité sur notre entretien. Heureusement Pierre Atépa GOUDIABY n’est qu’un pré-candidat.
Abdou Latif COULIBALY,
Ministre de la Culture