Dakarmidi – Les avocats de Khalifa Sall ont déposé jeudi une demande de libération d’office pour leur client. Pour appuyer leur requête, ils ont fait valoir l’immunité parlementaire du maire de Dakar, après son élection aux législatives du 30 juillet. Mais la partie adverse ne l’entend pas de cette oreille.
Depuis son incarcération provisoire le 7 mars dernier dans la prison de Rebeuss, à Dakar, les recours pour obtenir la libération de Khalifa Sall se sont enchaînés en pure perte. Mais l’élection de ce dernier aux législatives du 30 juillet pourrait changer la donne. Pour cause : le poste de député permet a priori de jouir de l’ immunité parlementaire. Ainsi, d’après l’article 61 de la Constitution, « aucun député ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ». Une immunité effective à compter de la proclamation officielle des résultats par le Conseil constitutionnel, ce qui est le cas depuis le 14 août dernier.
« Khalifa Sall doit sortir de prison », en conclut Me Ciré Clédor Ly. Avec les autres membres du pool d’avocats du maire de Dakar, il a déposé jeudi 17 août une requête de libération d’office pour son client auprès du juge d’instruction, qui dispose de cinq jours pour y répondre. Seul bémol : les faits reprochés sont antérieurs au 14 août, date théorique de l’immunité parlementaire de leur client. Qu’à cela ne tienne, « l’esprit de la loi devrait obliger le juge à libérer notre client, car celui-ci en est encore au stade des poursuites », estime ainsi Me Ciré Clédor Ly.
Un « raisonnement absurde et ridicule »
Un raisonnement juridique auquel ne souscrit pas la partie adverse. « C’est absurde, et même ridicule, affirme Me Baboucar Cissé, l’avocat représentant l’État sénégalais dans ce dossier. Khalifa Sall ne peut se prévaloir de l’immunité parlementaire, car l’Assemblée n’a toujours pas été officiellement installée. Encore une fois, il s’agit de faits antérieurs à l’élection, qui ne peuvent donc être couverts par l’immunité. »
Depuis un audit mené en 2015 par l’Inspection générale de l’État (IGE) dans les finances de la capitale sénégalaise, la justice soupçonne le maire de Dakar et ses présumés complices d’avoir détourné 2,7 millions d’euros provenant de la « caisse d’avance », une enveloppe budgétaire destinée à couvrir des dépenses diverses. « Cette caisse existe depuis la colonisation, affirme Me Ciré Clédor Ly. Pourtant, l’IGE a choisi d’enquêter à son sujet au moment même où s’affirmaient les ambitions nationales de Khalifa Sall en vue de la présidentielle de 2019. » Un contexte propice aux accusations de « complot politique », d’autant que l’IGE est placée sous l’autorité directe du président Macky Sall.
L’échec de tous les recours de la défense
Signe selon l’avocat de l’acharnement contre son client : l’échec de l’ensemble des recours déposés par la défense avant les élections législatives du 30 juillet. « Nous avons demandé auprès du Conseil national de l’audiovisuel que notre client soit traité comme n’importe quel candidat, ce qui nous a été refusé, détaille-t-il. Notre requête auprès du premier président de la Cour suprême, pour que Khalifa Sall puisse au moins voter le jour du scrutin, est également restée lettre morte. Puis nous nous sommes rabattus auprès de la Cour d’appel, compétente en matière électorale, qui a indiqué ne pas pouvoir statuer avant le 30 juillet. »
« La défense de Khalifa Sall fait tout pour donner une connotation politique à cette affaire, rétorque Me Baboucar Cissé. Mais il n’y a aucune volonté de mettre hors d’état de nuire un adversaire politique. Il s’agit seulement d’un cas de détournement de fonds publics, un acte en lui-même condamnable par la loi. »