Dakarmidi – Ce qui fait le charme du Sénégal c’est d’être arrivé à la construction d’une société ouverte qui permet aux membres de la communauté de constamment construire une unité sur la base de la reconnaissance de la différence et du pluralisme. C’est ce qui a permis à Senghor qui appartenait à une religion minoritaire, à une ethnie minoritaire, à une langue minoritaire d’arriver au pouvoir et d’y rester.
Et si l’on regarde l’histoire ouest africaine dans la longue durée on s’aperçoit que le pouvoir ne s’est jamais fondé sur les « identités » mais sur les « capacités ». Depuis Dinga fondateur du premier Etat negro africain le Wagadu jusqu’a Soumaoro Kanté vaincu au 12 eme siècle a la bataille de Krina, ce sont les forgerons qui ont constitués les premières dynasties. Ici c’est le savoir faire technologique permettant d’avoir des outils pour travailler la terre, d’avoir ustensiles pour la maison, des armes pour se protéger des fauves qui a été promu dans ce projet de société. A la bataille de Krina, ce groupe leader quitte la scène de l’histoire et cède la place au chasseur et au guerrier. Soundjata est à la tête d’une confédération de chasseurs qui couvrent toute l’Afrique de l’Ouest. Pourquoi leur prééminence sur les forgerons? On peut avancer l’hypothèse que ce sont de grands marcheurs qui, du Mali à la Cote d’Ivoire, traversaient tous les territoires, pratiquaient l’essentiel des langues du Soudan et ont été très vite des traits d’union capable de réunir les populations et de leur permettre de vivre de manière harmonieuse. Ce sont aussi des génies nourriciers qui apportent l’accès à la nourriture, à l’abondance et à la paix. Ils ont promu des valeurs et principes de gouvernance régis autour du travail (la milice Kombenwelo traquait les paresseux), la sacralité de la vie humaine et une organisation politique de type parlementaire….Dans cette phase lamanale de notre histoire, le pouvoir ne s’est jamais fondé sur l’identité (noblesse de sang, castes, ethnie, religion…) mais sur la capacité à apporter aux populations quelque chose qui leur permettait une avancée significative vers le mieux être, vers une meilleure maitrise de leur environnement ; à bâtir un Etat nourricier et protecteur.
C’est les régimes Tiedos, violents et prédateurs, qui ont perverti ce modele en activant les réseaux familiaux, en spoliant les biens de l’Etat pour les redistribuer aux grands électeurs pour coloniser l’appareil d’Etat et s’accaparer des ressources du pays.
C’est cet héritage Tiedo qui continue d’influencer notre Etat postcolonial. C’est de la relation de famille, de parenté, de la relation clientéliste qui fonde essentiellement le pouvoir postcolonial. Quand on suit quelqu’un on ne se demande même pas de savoir quel est son programme, que compte t-il réaliser pour le pays. On vote pour un « bandam ou mbok » (qui signifie pour nous un parent ou une personne appartenant à une même confrérie, région, caste, groupement d’intérêt politique), en fonction d’un mode de redistribution du pouvoir. Ce qui fait que lui parvenu au pouvoir il arrive à donner des prébendes à ceux qui ont participée à son élection. Maintenant si l’on vote en fonction de l’ethnie, de la confrérie, de la région voici ouverte la porte à la rupture de la paix civile. Ce qui justifie le titre de l’ouvrage de Amin Maalouf, Les Identités meurtrières. Militons pour des représentations de capacités et non des représentations d’identités…Alors Penda Bandam, ne votons pas pour Macky parce qu’il est Pulaar, ne votons pour Wade parce qu’ il est Mouride de même ne discriminons pas tel ou tel parce qu’ il est de la catégorie des « gnegno » ???.
A Jaraama !
Bocoume
Paykun Pullo