Dans la sphère politique, ses détracteurs ne se comptent plus. Pour ce qui est des challengers crédibles, en revanche, c’est une autre histoire. À neuf mois de la présidentielle, Macky Sall, qui achèvera alors son premier mandat au palais de la République, navigue dans cet entre-deux : tandis qu’une opposition protéiforme s’accorde à diaboliser son bilan, bien malin qui saurait désigner, parmi ses leaders, celui ou celle qui pourrait, en février 2019, mettre en difficulté le président sortant.
Si loin de l’échéance, les postulants se comptent par dizaines. On y trouve, pêle-mêle, un ancien Premier ministre de Macky Sall (le banquier Abdoul Mbaye) ; un ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade ayant brièvement rejoint la majorité avant d’entrer en dissidence (Idrissa Seck) ; un ex-« super ministre » exilé sine die au Qatar après une incarcération de trois ans (Karim Wade) ; le maire de la capitale, récemment condamné à cinq ans de prison (Khalifa Sall) ; un inspecteur des impôts jouant désormais les lanceurs d’alerte (Ousmane Sonko) ; l’ancien numéro deux d’un parti allié à Macky Sall (Malick Gakou) ; un ministre de l’Énergie d’Abdoulaye Wade (Samuel Sarr)…
Une liste qui risque encore de s’étoffer au cours des mois à venir. Au risque de diluer dangereusement la force de frappe de l’opposition ? À en croire Malick Gakou, président du Grand Parti, cette « recomposition » témoignerait avant tout de la « vitalité démocratique » du Sénégal. Les principaux acteurs de l’opposition n’envisagent pas le scénario du tako kélé (« un coup KO »). « Macky Sall ne dépassera pas 35 % des suffrages au premier tour. Et il sera battu au second », veut croire Abdoul Mbaye, qui fut son Premier ministre d’avril 2012 à septembre 2013.
Sacre présidentiel
Et pourtant… Au Sénégal, depuis vingt-cinq ans, les présidentielles suivent un rythme binaire, alternant bouleversement et ronronnement. En 1993, Abdou Diouf, président sortant, rempilait facilement, dès le premier tour, face à Abdoulaye Wade. En 2000, coup de théâtre : après quarante années de règne socialiste, le Raymond Poulidor de la vie politique sénégalaise abandonnait son éternelle deuxième place pour un sacre présidentiel. Sept ans plus tard, face à une opposition en déliquescence provisoire, il était réélu sans difficulté dès le premier tour. Mais en 2012, bénéficiant du soutien de l’ensemble des candidats malheureux du premier tour, Macky Sall l’écartait de la présidence. Le président sortant sera-t-il, à son tour, reconduit dans ses fonctions ?
Sans Karim Wade, les électeurs du PDS pourraient se retrouver orphelins
L’issue de ce scrutin tant attendu relève d’une équation à quatre inconnues. La première concerne Karim Wade, fils de l’ancien chef de l’État et candidat officiel du Parti démocratique sénégalais (PDS). Une seule certitude le concernant : « Le PDS n’a ni plan B ni plan C », comme le ressassent depuis des mois les membres du comité directeur. En d’autres termes, si l’exilé de Doha venait à faire défection ou si sa candidature était invalidée, les électeurs du PDS se retrouveraient orphelins. Or s’il est bien un mystère aussi opaque qu’un ciel d’harmattan, que même les liseuses de cauris et autres marabouts ne sauraient percer, c’est bien l’agenda de l’ancien « ministre du Ciel et de la Terre ».
À son sujet, le gouvernement, en revanche, ne cherche plus vraiment à masquer son jeu. Après avoir adopté, à la mi-avril, une nouvelle loi électorale dont l’une des dispositions pourrait empêcher toute candidature de Karim Wade, dans l’impossibilité de s’inscrire sur les listes électorales à la suite de sa condamnation en 2015, la garde rapprochée de Macky Sall ne fait pas mystère de ce qui attendrait l’intéressé s’il remettait les pieds au Sénégal avant le premier tour : faute de pouvoir payer l’amende pharaonique à laquelle il a été condamné, il repartirait illico à la prison de Rebeuss, au titre de la contrainte par corps.
Avec Jeuneafrique