Dakarmidi – J’ai désactivé tous mes comptes sur les réseaux sociaux depuis quelques mois sauf celui qui me permet de rester en contact avec mes enfants et quelques amis que je sélectionne . Je partage, avec ceux-là, mes réflexions et bénéficie en retour des leurs. Et pourtant j’avais une bonne « clientèle » constitué de 5000 « amis » ( le maximum autorisé sur Facebook) et plus de 7000 followers. Ce qui fait quand même une audience de plus de 10000 personnes sans compter l’effet multiplicateur des partages successifs. Depuis 2008 j’anime ma page et partage, avec tout ce beau monde, ma perception des choses de la vie avec humour ou gravité selon les circonstances. J’ai fait des rencontres merveilleuses et me suis fait de bonnes relations intellectuelles et humaines, prolongées, pour certaines, dans la vie…réelle. Mais j’ai surtout appris à être plus tolérant car, j’ai découvert combien étaient faux plusieurs de mes préjugés sur des personnes dont j’ai appris, au fil de nos échanges, à reconnaître les énormes qualités humaines, intellectuelles et morales. D’autres m’ont avoué avoir changé leur opinion sur ma personne au cours de nos discussions parfois vives mais sincères.
Si j’ai décidé de quitter tout cet univers, c’est en raison de la conviction que j’ai acquise quant à sa superficialité. Malgré les avantages évoqués plus haut. En plus de sa dangerosité lorsque la malveillance s’y invite. Et je suis heureux d’avoir pris à temps mes jambes à mon cou, si j’en juge les compte-rendus de la presse qui amplifie des voix qui auraient dû rester inaudibles.
Ainsi donc, un individu seul muni d’un téléphone dit intelligent peut faire trembler la République, mettre en branle les services de police et de gendarmerie, activer le procureur de la République et s’incruster au cœur du débat entre internautes…sénégalais. Ouf! L’Univers reste sauf. Car en fait lorsque l’on est déconnecté des réseaux sociaux, on se rend compte que le microcosme du web est un univers clos où des intelligences, avérées certes, tournent en rond. Se contemplant au miroir du nombre de « J’aime » que leur renvoie un auditoire souvent acquis, la plupart des « Facebookers » en oublient de mesurer le temps qu’ils passent à travailler pour Mark Zuckerberg ! Sans salaire autre que le sentiment de se croire nécessaire au Monde…
Par ailleurs, j’ai plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme sur les effets nuisibles de la » liberté d’expression » portée au rang de culte. Je suis de ceux qui croient que l’éducation est le filtre nécessaire à la prise de parole publique. Je ne parle pas ici d’instruction. On peut en effet avoir la tête bien pleine mais le cœur vide de sens. Le sens de ce qui peut et doit être dit. La manière de le dire, le temps et le lieu pour ce faire. Ces repères là , c’est l’Education qui les donne. Ils varient selon les aires culturelles et spirituelles. Mais il y a un fond commun universel qui sait nous faire distinguer ce qui est convenable de ce qui l’est moins.
Penda Ba répondant à Assane DIOUF et nous voilà tous déboussolés! Depuis quand sommes-nous devenus si fragiles? Reprenons nos esprits et rouvrons les asiles à ceux qui y méritent une place. Mais de Grâce ne nous laissons pas noyer dans un verre d’eau!
Les intellectuels sont si étranges . Leurs convictions sont faites de certitudes raisonnées. Ils prennent peur lorsque l’émotion s’en mêle. Il leur faut donc éviter de réagir à chaud sur des délires saisonniers. Il leur faut prendre le temps de réfléchir en profondeur, notamment sur des indices de montée de fièvre sociale. Les intellectuels doivent s’intéresser au corps malade plus qu’au thermomètre…
Les mots échangés entre Assane DIOUF et Penda BA relèvent d’une dispute de borne fontaine. Ne leur donnons pas une importance conceptuelle ou discursive telle que des esprits malveillants puisse se frayer un passage et s’insinuer dans nos esprits. Je ne dis pas de clore le débat mais choisissons le bon prétexte pour ce faire. Si nous devions suivre tous les délires du web…
Le Peuple sénégalais s’élabore depuis des siècles. Dans la Foi et la dignité. Nous avons un mode de vie en commun fait de connivences et de fraternité. Nous avons tissé des relations de plaisantes dérisions pour absorber les violences et les dérouter. Nous rions de nous-mêmes, entre nous. Cela c’est nous! Tout le reste n’est pas nous.
Face aux tentatives d’alterer ce fort sentiment d’appartenance, le Senegal dispose des ressources pour faire face. Et nous ferons face!
En attendant que chacun fasse, en lui-même, le travail nécessaire pour renforcer les digues de notre commune volonté de vie commune.
Amadou Tidiane WONE