Dakarmidi – Depuis le 6 avril dernier, date à laquelle il a fait l’amère expérience du débarquement humiliant d’un avion de la Southwest Airlines, Khairuldeen Makhzoomi, 26 ans, un étudiant irakien fraîchement diplômé de la prestigieuse université de Berkeley, attend toujours les excuses de la compagnie aérienne américaine, même si ses espoirs d’entendre les mots qui répareront l’offense subie se sont amenuisés au fil des mois. Devant le mutisme assourdissant de la direction de la Southwest Airlines, il a décidé de rompre son propre silence pour relater sur CNN le terrible affront qui lui a été infligé, au point d’en avoir perdu le sommeil plusieurs jours durant.
Ayant foulé le sol américain pour la première fois de sa vie en 2010, en tant que réfugié irakien, Khairuldeen Makhzoomi était loin d’imaginer que, six ans plus tard, il serait éjecté d’un avion comme un malpropre sur le tarmac de l’aéroport de Los Angeles. Il vient allonger la liste noire des passagers musulmans devenus soudainement indésirables au-dessus des nuages, pris pour des terroristes en puissance, soit en raison de leur apparence extérieure, soit pour avoir prononcé un mot en arabe qui, pour des oreilles soupçonneuses et sous influence, résonne forcément comme un cri de guerre…
En l’occurrence, il s’agissait d’Inch’Allah que l’infortuné Khairuldeen Makhzoomi avait formulé sur son téléphone portable, alors qu’il venait de prendre place à bord de l’appareil, pour clore sa brève conversation téléphonique avec son oncle, résidant à Bagdad. Ce petit coup de fil, qui lui a valu un grand outrage, n’avait été passé que pour exprimer à son proche parent sa joie immense d’avoir eu l’honneur de discuter avec le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, lors d’un dîner de gala organisé la veille de son vol mouvementé.
Une seule expression en arabe aura suffi à affoler une femme, assise près de lui, qui le regardait fixement depuis un certain temps déjà, l’étudiant irakien, interloqué, se retrouvant en un éclair encerclé par deux policiers promptement montés à bord, sans avoir eu le temps de comprendre les raisons de cette soudaine agitation autour de sa personne. Il fut tout aussi rapidement poussé dehors, sans autre forme de procès, se voyant reprocher par l’un des agents de police l’usage de la langue arabe dans le « climat politique ambiant », pendant que son collègue le mettait sur le grill des questions, insistant lourdement : « Dites-nous tout ce que vous savez sur les martyrs, soyez honnête avec nous ».
Indifférents à ses explications linguistiques, les policiers, en plein excès de zèle, n’ont prêté qu’une oreille distraite à la signification d’Inch’Allah, plus occupés à lâcher les chiens pour renifler ses bagages, à lui confisquer ses papiers et à lui imposer une fouille au corps particulièrement musclée. «Les États-Unis, c’est le pays de la liberté. Les gens respectent la primauté du droit. Comment peut-on être humilié comme ça? Ce fut un vrai choc pour moi, dont j’ai eu beaucoup de mal à me remettre », a confié Khairuldeen Makhzoomi, encore hanté par le souvenir traumatisant de son voyage contrarié.
Soutenu par le Conseil sur les relations américano-islamiques (CAIR), qui a déposé une énième plainte auprès du ministère américain des Transports contre la Southwest Airlines pour « profilage racial et religieux d’un passager musulman», le brillant diplômé de Berkeley peut compter sur la détermination de Saba Maher, une spécialiste des droits civiques mandatée par le CAIR, pour ne pas en rester là. « Nous ne voulons pas que ces refoulements se banalisent », a-t-elle déclaré, résolue à ce que Khairuldeen Makhzoomi obtienne réparation pour le grave préjudice moral subi.
Oumma