Dakarmidi – Député et homme d’affaires, Adama Bictogo est chargé de diriger la campagne de la majorité dans le cadre du référendum sur la nouvelle Constitution. Il livre à Jeune Afrique ses impressions à trois jours du scrutin du 30 octobre.
Jeune Afrique : À quelques jours du scrutin, la mobilisation pour le référendum semble difficile. Quelles en sont les raisons ?
Adama Bictogo : Les élections déchaînent des passions lorsque la compétition est portée par des hommes. Aujourd’hui, nous sommes dans une campagne thématique, qui n’affiche pas de visage, n’est pas portée par un individu. De plus, nos populations sont éloignées de ces questions, elles ont l’impression que le référendum est l’affaire des sommités politiques. Il faut aussi noter qu’en face, nous avons une opposition qui est médiocre, qui ne fait pas de contre-propositions dans le fond, qui met en avant des arguments fallacieux ne permettant pas de relever le débat.
Vous dites que la campagne n’a pas de visage, cependant le président Alassane Ouattara s’est fortement impliqué…
Son implication obéit au fait qu’il en est l’initiateur. Il porte la Constitution qui est l’un des axes forts de son programme de second mandat. Il l’a annoncé pendant sa campagne et lors de sa prestation de serment. Il est tout à fait normal qu’il soit sur le devant de la scène et qu’il donne un coup d’accélérateur à cette campagne pour que la confiance qui lui a été accordée lors de la présidentielle se traduise dans ce vote.
Votre principale inquiétude est-elle le taux de participation ?
Aujourd’hui, la victoire est acquise. Notre défi reste effectivement la participation et, comme je viens de vous le dire, il n’est pas aisé de mener une campagne thématique. Ceci étant, la majorité des Ivoiriens se retrouvent dans cette Constitution qui garantit la sérénité, offre une paix durable et a épousé le contexte socio-politique de notre pays. Je reste convaincu que nous allons nous rapprocher du taux de la présidentielle. Nous sommes sur le terrain. Depuis le lancement de la campagne par le président, on sent une bonne évolution, une bonne adhésion des populations. Je crois que les heures restantes devraient suffire pour changer complètement la donne et avoir un très bon taux de participation.
Non. C’est vrai que les députés ont exprimé des réserves parce que la Constitution est évolutive. Mais globalement, on s’est rendu compte lors de la campagne que les populations adhéraient beaucoup plus à la Constitution que les députés.
Une des préoccupations exprimées concerne la modification des conditions d’éligibilité…
Les conditions d’éligibilité ont été revues pour épouser le contexte ivoirien. Il y a des moments où l’histoire vient au secours du droit. Notre pays a connu dans les années 1960 plus de 28% d’immigration. On a des enfants de troisième, quatrième génération. Il faut en tenir compte. On ne peut pas être dans un pays et avoir une nationalité à deux vitesses. Notre Constitution ne pouvait pas garder cette disposition (l’article 35, ndlr). La Constitution de 2000 était celle de la catégorisation et de la division des Ivoiriens. Elle a occasionné une situation de guerre, la division du pays et elle avait sans cesse besoin d’être accompagnée par des accords.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que la nouvelle Constitution donne trop de pouvoir au président ?
Nous sommes dans un régime présidentiel. Nous avons fait le choix de renforcer le pouvoir de l’exécutif car le président est le seul élu au suffrage universel direct. Dans la Constitution actuelle, le président de l’Assemblée nationale – qui exerce la fonction présidentielle en cas de vacance du pouvoir – est issu d’une élection locale, pas nationale. Dès 2020, le vice-président bénéficiera de l’onction du peuple. La création de ce poste permettra également à l’État de continuer à fonctionner comme ce fut le cas au Ghana à la mort de John Atta Mills.
Pouvez-vous préciser l’esprit de la Constitution sur la question foncière ?
Elle constitutionnalise la loi de 1998 établissant la pleine propriété des terres pour les Ivoiriens. Elle dispose qu’un étranger ne peut pas être propriétaire d’un terrain en zone rurale. Par contre, ceux qui étaient déjà propriétaires avant la nouvelle Constitution le resteront.
Avec Jeune Afrique