Dakarmidi – Dans le camp présidentiel comme dans l’opposition, il y a le risque de donner le verdict de la présidentielle avant le scrutin. Les choses ne sont pas aussi évidentes que le pensent les uns et les autres. EnQuête a essayé d’interroger les résultats des différentes élections pour y voir plus clair.
‘’Confiance au Chef de l’Etat’’, ‘’adhésion à la politique du Président Macky Sall’’, ‘’fruits d’un travail mené depuis longtemps dans la discipline’’… depuis que les résultats ont indiqué que la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar est sortie largement vainqueur des Législatives du 30 juillet dernier, les tenants du pouvoir ne cessent de se frapper la poitrine. Plus que les chiffres sous leurs yeux, certains d’entre eux croient même que l’opposition ne fait pas le poids, parce qu’elle a perdu ses différentes bases électorales, notamment, Dakar, Thiès, Ziguinchor… ‘’En 2019, nous considérons que le camp de BBY sortira victorieux de l’élection présidentielle au premier tour’’, se veut optimiste Mbaye Ndiaye.
Du côté de l’opposition, on tente de se consoler par le fait que, si on réunit l’ensemble de ses voix, le pouvoir se retrouve minoritaire. Ce qui veut dire que dans cette dynamique, le Président Sall serait contraint à un second tour fatal en 2019. Mais au-delà du triomphalisme des uns et de l’espoir de revanche des autres, il s’avère nécessaire d’interroger le passé électoral de BBY pour mieux appréhender son avenir proche, particulièrement, la présidentielle prévue dans moins de deux ans. La coalition a certes raflé l’essentiel des sièges, mais, vu la nature du scrutin, il est intéressant de voir le nombre de voix engrangées. De la même manière, compte tenu de la différence des élections qui ont eu lieu entre 2012 et maintenant, la courbe des voix pourrait être plus intéressante que les pourcentages, les départements remportés, les sièges obtenus ou le nombre de conseillers.
Pour ce qui est des Législatives 2017, La coalition a eu 1 633 447 voix sur les 3 300 974 suffrages valablement exprimés, soit presque 50% des voix (49,48%). Nombreux sont ceux qui font la comparaison de ce pourcentage avec les 65% avec lesquels le Président Macky Sall a été élu. Selon l’expert électoral Ndiaga Sylla, il s’agit d’une erreur, car en 2012, il y avait le Benno Bokk Yaakaar originel, c’est-à-dire cette grande coalition où il y avait tous les partis d’opposition d’aujourd’hui, excepté le PDS. Le parti de Me Wade et ses quelques alliés étaient donc le seul pôle à ne pas suivre la dynamique unitaire. Ce qui fait que la comparaison n’est pas pertinente, aux yeux de M. Sylla.
Selon lui, ces élections législatives sont à comparer avec les Législatives de 2001. Il est vrai qu’à l’image de BBY, la coalition Sopi avait à l’époque 49,6%. Il y a cependant une différence notoire : le taux de participation estimé à 67% en 2001 est largement au dessus des 53% d’aujourd’hui. La dynamique de changement, pour ne pas dire l’Etat de grâce dont jouissait Wade fraichement élu, y était sans doute pour quelque chose. En plus, si le scrutin de ce dimanche 30 Juillet n’avait été pas un chaos électoral, peut-être que le taux aurait pu s’approcher de celui-là.
En tout état de cause, pour mieux envisager le BBY de 2019, il faut nécessairement porter le regard sur ses différents scores. Aux Législatives de 2012, sur 1 968 852 Votants, la coalition présidentielle a obtenu 1 040 899 suffrages, 53,06%. Ce qui fait dire à Ndiaga Sylla que le pouvoir est dans une dynamique positive. Car, à l’époque, c’était avec le Grand BBY. ‘’En 2012, il a fait 53% avec l’essentiel des forces de Taxawu Senegaal. Aujourd’hui, il fait 49%, c’est-à-dire presque 50%. De ce point de vue, on ne peut pas parler de recul’’, souligne-t-il. Il s’y ajoute, dit-il, que le pouvoir a été accusé d’avoir parrainé des listes. Or, ces dernières ont capté quelques suffrages, sans compter les listes dissidentes de la coalition. ‘’Il a donc la majorité, même si, c’est une majorité simple. Il faut donc accepter que Benno Bokk Yaakaar reste majoritaire’’, renchérit-il.
Mais puisque ces chiffres sont ceux de la grande coalition, il est sans doute intéressant de voir les statistiques, lors des élections suivantes. C’est-à-dire lorsque qu’une bonne partie des alliés a quitté, à partir de 2013. En ce sens, les élections locales peuvent être pertinentes à analyser. On sait que le pouvoir avait perdu une bonne partie des grandes villes, malgré les 42% environs des suffrages.
Et c’est sans doute l’une des raisons qui ont abouti à la consultation du Conseil constitutionnel sur le respect des 5 ans promis pendant la campagne de la présidentielle de 2012. Un passage devant les 5 sages qui a permis au président de la République de faire 7 ans au lieu de 5 et d’organiser un référendum. Justement, lors de cette consultation populaire, le pouvoir a obtenu 1 357 412 sur les 2 164 667 suffrages valablement exprimé contre 807 255 bulletins pour le NON.
En somme, ces différents chiffres indiquent que, à part le référendum, le référendum, le pouvoir rode autour de 50%. Parfois, c’est un peu plus, parfois un peu moins. Il est donc hasardeux d’être triomphalistes, comme le sont actuellement les partisans du chef de l’Etat. Certes, la dynamique est positive, mais de là à croire que la victoire est acquise, il y a un faux pas à éviter. De la même manière, l’opposition pourrait se tromper en croyant que le pouvoir est minoritaire à la sortie de ces Législatives, il suffira, donc, d’envoyer le Président au second tour pour ensuite le défaire. En fait, les choses sont plus que jamais indécis. Car, nombreux sont les électeurs qui n’ont pas pu retirer leur carte et qui pourront disposer de leur sésame, d’ici là. D’autres qui auront 18 ans pourront aussi s’inscrire. Bref, le fichier va s’enrichir de pas moins de 2 millions d’électeurs dont on ne sait pas dans quel camp ils vont pencher. Macky Sall peut donc passer au premier tour, comme il peut être contraint à un second tour.
Selon Ndiaga Sylla, tout dépend de la capacité du pouvoir à s’ouvrir et de l’aptitude de l’opposition à dépasser les égos et surtout à éviter le syndrome Benno Siggil Senegaal en 2012. Il est donc trop tôt pour pavoiser. Comme, il est aussi prématuré de vendre la peau de l’ours.
Avec Enquête
BABACAR WILLANE