Dakarmidi – Le match Fillon – Juppé a bien eu lieu, mais il a été moins musclé que ce que certains à droite redoutaient. Pendant ce débat télé inédit, Alain Juppé a appuyé sur ses divergences avec le grand favori du scrutin. Et a réussi à mettre en lumière quelques sujets de désaccords : le sort des fonctionnaires, le modèle social et le remboursement des soins ou encore la vision de la France.
« Je suis décidé à faire des réformes sérieuses, crédibles, sans brutalité », a insisté Alain Juppé en introduction. « C’est vrai que mon projet est plus radical, plus difficile », a répondu François Fillon.
A trois jours du second tour, qui du désormais favori Fillon ou du challenger Juppé a marqué des points ? « L’Obs » arbitre le débat.
Le plus combatif ? Juppé
« S’il y a deuxième tour c’est qu’il y a débat », a d’emblée prévenu Alain Juppé. Le maire de Bordeaux n’avait pas le choix : en position d’outsider, il devait attaquer et tenter de dévoiler le « vrai Fillon ».
Sur le temps de travail des fonctionnaires. « Ce qui ne va pas dans le système de François… » Le maire de Bordeaux a détaillé le projet de son rival, qui souhaite que les fonctionnaires passent aux 39 heures dès 2017, avec un salaire correspondant à 37 heures. « Ça ne se fera pas », a répondu Juppé. Fillon : « Pourquoi ? » « On ne peut pas dire à des gens de travailler plus pour gagner moins », a répondu Juppé, dans une formule qui restera comme l’une des plus marquantes de la soirée. « Je n’accepte pas que qu’on dise à l’avance que c’est impossible ! », a rétorqué l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Sur l’IVG. Comme prévu, Alain Juppé est aussi revenu sur le sujet de l’IVG, rappelant des déclarations passées de Fillon (« compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement »). « Je pense que c’est un droit fondamental », a dit le maire de Bordeaux. « Est-ce qu’une seule fois en 30 ans j’ai proposé de revenir sur l’IVG ? Je ne toucherai à rien dans ce domaine. C’est un droit essentiel », s’est défendu Fillon.
Sur la campagne contre « Ali Juppé ». Enfin Alain Juppé a reproché à son adversaire de n’avoir rien dit concernant « la campagne calomnieuse » dont il a fait l’objet notamment sur les réseaux sociaux. Rebaptisé « Ali Juppé » et accusé à grand coup d’intoxs d’être proche des Frères musulmans.
Fillon a refusé de condamner, préférant balayer : « Je n’ai rien à voir avec cette campagne. Chacun est grand et s’occupe de ses affaires. »
VERDICT. Tout en soignant son côté rassembleur, Alain Juppé, en difficulté pour le second tour, s’est montré plus offensif que François Fillon. Il n’avait guère le choix.
Le plus radical ? Fillon
Ordonnances chez Juppé, référendum chez Fillon. Au 15 août 2017, Juppé aura fêté son anniversaire, repoussé l’âge de la retraite (jusqu’à 65 ans à la fin de son quinquennat), facilité les licenciements et lancé un plan sur l’apprentissage. Pour sa part, Fillon aura supprimé la durée légale du travail, repoussé l’âge de la retraite (65 ans aussi) et créé une allocation sociale unique.
Fillon remet en cause l’idée que le « modèle social » actuel protégerait les Français. Juppé préfère lui le « consolider » et ne touchera pas au taux de remboursement des soins, à la différence de Fillon. L’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy souhaite que la Sécurité sociale se concentre sur « les affections graves et de longue durée » et développer les assurances complémentaires. Sur Twitter, la ministre de la Santé Marisol Touraine lui répond à distance : « J’ai fait chiffrer le programme santé de Fillon : chaque foyer paiera en moyenne 3.200 euros de plus par an pour se soigner ».
VERDICT. Alors qui casse le plus « la baraque » ? François Fillon y va au bulldozer et assume un programme « radical » quand Juppé lance : « La réforme c’est l’espérance, pas la pénitence ».
Le plus « cost killer » ? Fillon
Comme lors du dernier débat avant le premier tour de la primaire, les deux candidats se sont écharpés sur le nombre de postes de fonctionnaires à supprimer.
500.000 fonctionnaires de moins, a redit Fillon. Impossible dit Juppé qui rappelle qu’entre 2007 et 2012 la droite n’en avait supprimé « que » 150.000. Et détaille : il y aura 570.000 départs à la retraite dans la fonction publique dans les années qui viennent donc une telle mesure reviendrait à ne recruter aucune infirmière, aucun policier et à dire aux jeunes qui passent les concours que pendant cinq ans, il n’y aura pas d’embauche. Juppé reste sur 250.000 fonctionnaires de moins. Fillon, lui, campe sur ses positions : la solution passe par l’augmentation de la durée du travail.
VERDICT. Avec Fillon, ce sont deux fois plus d’emplois supprimés dans la fonction publique. Ça va saigner.
Le plus drôle ? Aucun
Qu’aurez-vous fait au 15 août 2017 ? « C’est mon anniversaire, François », a dit Juppé qui aura 72 ans. C’est la seule blague qu’aura osé le candidat. En face, RAS. Pour François Fillon, l’austérité s’applique aussi à l’humour.
Le plus sûr de lui ? Fillon
Après Nicolas Sarkozy qui l’avait senti monter, François Fillon fait lui aussi le coup de la vague. « J’ai gagné une bataille idéologique, se vante Fillon. Je sens une vague qui se lève ». Son seul regret au cours de cette campagne ? « Avoir mis autant de temps à convaincre ». La désormais favori de la primaire assure : « En deux ans, on peut redresser la situation ». Des regrets : » J’en ai beaucoup », lâche Juppé avant de se reprendre : « pas tant que ça ».
VERDICT. Fillon y croit dur comme fer. Le maire de Bordeaux, lui, « retire de tout ça un sentiment d’enthousiasme ». Pas sûr qu’il fasse le même constat dimanche.
Avec NouvelObs