Dakarmidi – « Sur notre continent, il ne nous a pas fallu longtemps pour découvrir que la lutte contre le colonialisme ne prend pas fin lorsqu’on a réalisé l’indépendance nationale.
Cette indépendance n’est que le prélude d’un combat nouveau et plus complexe pour la conquête du droit de diriger nous-mêmes nos questions économiques et sociales, en dehors des entraves écrasantes et humiliantes de la domination et de l’intervention néo-colonialiste. »
Extrait du Discours de Kwame NKRUMAH, Président du GHANA
A l’occasion du Sommet Fondateur de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA)
le 24 Mai 1963 à Addis Abeba (ETHIOPIE)
Face au constat généralisé d’une perte certaine de repères et de sens, pour nos élites politiques, il semble impératif de conduire une réflexion/action sur l’ensemble des défis de notre société, hors des contraintes de l’immédiateté. Car, c’est sous ce rapport que la classe politique qui anime la vie publique de nos pays depuis les « indépendances » éprouve de sérieuses difficultés. Le calendrier électoral, tout autant que les enjeux de conquête, de gestion et de transmission du pouvoir, vicient l’atmosphère et font perdre de vue le but premier de l’action politique : gérer, dans le sens de l’améliorer, la vie des hommes et des femmes de la Cité. Or, à l’expérience, depuis un demi-siècle aucun homme, ou groupe politique, n’est parvenu à rassembler la majeure partie des forces vives de notre nation autour d’un véritable projet de société. Les élections et les régimes se suivent et, hélas, se ressemblent.
De notre point de vue, la réflexion doit nécessairement précéder l’action, l’éclairer. A cet égard, la moisson des Assises Nationales, ainsi que les travaux de la CNRI, constituent un apport appréciable à toute volonté politique véritable de produire des ruptures devenues nécessaires, et même incontournables.
Au Sénégal, mieux que dans beaucoup d’autres pays africains, nous avons réussi, peu ou prou, à conjurer les démons de la violence et, tout au moins, à préserver l’essentiel : notre commun vouloir de vivre ensemble. Cependant, qui n’entend sourdre, des profondeurs colériques de larges franges de notre peuple, les prémisses d’une remise en cause des socles fondateurs de notre nation ?
A dire vrai, dans notre pays comme dans la plupart des états africains dessinés par la colonisation, toutes les combinaisons politiciennes ont été expérimentées. Dans tous les sens. Sans pour autant assouvir notre soif d’une véritable ambition collective.
Que faire ?
C’est la question centrale de l’heure. Y répondre, non sous le prisme d’un procès à charge, mais dans le cadre d’une introspection, sans complaisance, est urgent. Sans parti pris castrateur ni préjugés réducteurs, il convient de mener un travail en profondeur sur nous-mêmes, pour revisiter notre trajectoire depuis l’accession de notre pays à « l’indépendance. » Cet exercice est nécessaire pour asseoir des valeurs fortes et générer une Vision nouvelle pour notre pays et pour l’Afrique. Entre autres, la promotion d’un culte des Devoirs, en lieu et place d’une culture pure et simple des droits, est le préalable à toute émergence.
Au demeurant, un constat s’impose : d’une manière générale, les sénégalais ne croient plus à la politique telle qu’elle se mène dans notre pays. Pour de multiples raisons qu’il nous faudra analyser en profondeur. Le fort taux d’abstention aux différentes consultations électorales en atteste. A cela s’ajoute un climat de morosité économique et d’insécurité sociale qui nous impose de faire preuve d’initiatives hardies et d’innovations inspirées, pour faire adhérer le plus grand nombre de citoyens à un effort collectif de progrès économique et social.
Face à ce constat, l’offre politique alternative est restreinte pour ne pas dire inexistante. Or la demande, qui n’est pas seulement sociale, est énorme. L’exigence d’un retour à un corpus de valeurs éthiques et morales, au culte du travail et de la saine répartition des revenus de la Nation de façon équitable, est tout aussi pressante.
Il faut sortir du piège du temps politicien pour agir vigoureusement pendant qu’il en est encore temps. Il nous faut, en quelque sorte, savoir mettre en perspective l’Eternité de notre Nation par-delà les générations. Pour signer un pacte intergénérationnel de Progrès et de Développement, nous devons nous rassembler autour de l’impérieuse nécessité d’une Révolution culturelle et mentale. Celle-ci doit nous réconcilier avec nos identités, enfouies sous des strates de mimétismes dévalorisants qui ont fini par nous rendre méconnaissables et inefficients.
En vérité, notre pays le Sénégal et, plus largement l’Afrique notre continent, doivent forger leurs propres réponses pour atteindre les objectifs de mieux-être de nos populations.
Le défi est énorme, mais il est à notre portée. Si nous nous donnons les moyens de bien formuler les questions, les bonnes réponses s’imposeront.
Construisons un futur digne de nos enfants !
Amdou Tidiane WONE