Dakarmidi – La Commission nationale de réécriture de l’histoire générale du Sénégal a entamé lundi par Tambacounda (est) sa tournée à l’intérieur du pays, une première étape lors de laquelle plus d’une centaine de personnes ont été regroupées pour des consultations devant durer deux jours. Il s’agit d’universitaires, de communicateurs traditionnels, de chefs religieux et coutumiers, d’élus locaux et de membres de l’administration territoriale, entre autres.
Le choix de Tambacounda pour abriter la première rencontre du genre, organisée par la commission nationale que préside le professeur Iba der Thiam, vise à « réparer une injustice » dont souffrent les régions périphériques faisant l’objet d’un « oubli » depuis l’époque coloniale, a dit M. Thiam, qui s’est adressé au public par vidéoconférence. Le projet de réécriture de l’histoire générale du Sénégal s’inscrit dans une option de « rupture » par rapport à une histoire écrite « sur la base exclusive de la bibliothèque coloniale ». Il s’agit, a-t-il expliqué, d’ »écrire une histoire du pays dans laquelle, chaque ethnie, chaque culture, chaque terroir et chaque communauté sera pris en compte ».
Concernant la région de Tambacounda, a noté M. Thiam, il s’agira de compléter avec les traditions orales et contributions d’une équipe de 125 personnes, la base déjà fournie par 27 publications de divers auteurs sur les royaumes du Guidimakha, du Boundou, du Niani, du Wouli et du Gadiaga, sans compter les productions de l’administration territoriale de 1960 à nos jours. Lors de cette rencontre qui se tient au conseil départemental, il sera question de présenter l’histoire des différents terroirs de la zone et de recueillir d’autres données auprès des participants. Des comités locaux seront mis sur pied pour continuer à travailler sur le projet.
A l’échelle nationale, quelques 600 personnes et 9 commissions travaillent sur le projet visant à rédiger une « histoire inclusive du Sénégal »’, à faire en sorte qu’elle ne soit « pas le fait exclusif » de certaines familles, de certaines ethnies et certains terroirs, a indiqué Mamadou Fall, rapporteur général de la commission. De cette manière, a-t-il ajouté, chaque Sénégalais se sentira concerné, « de la côte à Koumpentoum jusqu’à la Falémé et du Nord au sud ».
« L’histoire de Sénégal a été écrite par des administrateurs coloniaux, des historiens français et américains, et nous avons suivi ce sillage », a relevé M. Fall, par ailleurs président la commission qui s’occupe de la période allant du 10-ème au 20-ème siècle. Il est envisagé d’introduire dans le programme scolaire les ouvrages qui seront issus de ces recherches.
En somme, la commission se fixe comme objectif de « produire 22 volumes qui couvrent tous les terroirs du Sénégal », en mobilisant pour ce faire, des sources orales, archéologiques, iconographiques, a dit M. Fall. Elle se propose également de compiler tous les écrits de Sénégalais sur l’histoire du pays, dans les différentes langues, ainsi que tous les documents audiovisuels.
« Sur 350.000 ans d’histoire, les Sénégalais en général n’en connaissent que les 50 ans, comme si l’Histoire du Sénégal commençait depuis l’indépendance », a regretté Mamadou Fall.
Saluant l’engagement du gouvernement, des historiens et l’enthousiasme des collectivités, il considère que c’est « une formidable opportunité » d’écrire l’histoire du pays sans recourir aux seuls documents coloniaux.
« C’est un travail colossal qui demande des moyens colossaux », a-t-il souligné, estimant qu’au moins « 3 milliards (de francs CFA) devraient pouvoir financer ce projet », auquel devraient participer tous les Sénégalais, y compris les bonnes volontés.
« Pour un peuple, écrire sa propre histoire est un acte de souveraineté », a indiqué dans son allocution le président du conseil départemental de Tambacounda Sina Cissokho, expliquant que cela a amené le président Macky Sall à faire de la réécriture de l’histoire du Sénégal « un projet d’intérêt national ».
Etablissant un lien entre histoire et développement, le gouverneur Bouya Amar qui présidait la rencontre, a pour sa part relevé qu’une bonne mise en œuvre de la territorialisation des politiques publiques suppose une bonne connaissance de l’histoire des terroirs.
« La méconnaissance de son histoire peut constituer un handicap en matière de développement », a-t-il dit, estimant que c’est cette même histoire qui détermine notre vision du développement.
« Un développement dans lequel les notions de solidarité, d’entraide et de famille élargie n’ont pas leur place, n’est pas conforme à notre culture et à notre histoire », a-t-il dit, à titre d’illustration.