Dakarmidi : Une semaine que le Maire de Dakar Khalifa Sall a été arrêté, inculpé et mis en prison. Selon le Président Macky Sall et les thuriféraires de sa coalition BBY, voici les ‘’faits’’ : «Le Sénégal, sous le Président Macky Sall, a fait le choix définitif de la lutte contre l’impunité et la délinquance financière… C’est donc pour l’utilisation frauduleuse de fonds publics destinés à la régie d’avance de la Mairie de Dakar, à hauteur du montant global d’1.830.000.000 CFA, que Khalifa Sall et ses collaborateurs sont inculpés par le Doyen des Juges, pour association de malfaiteurs, escroquerie portant sur des deniers publics, blanchiment de capitaux et détournement de deniers publics» (Communiqué du SEP de BBY). Mais tout dans le processus et le montage de cette affaire montre que, loin de toute préoccupation de ‘’gestion sobre et vertueuse’’ figée du reste dès le départ au stade de slogan creux, il s’agit bel et bien d’une honteuse opération de mise au placard d’un adversaire politique, à la veille d’échéances électorales jugées décisives.
Le Sénégal, Pays Pauvre Très Endetté, est malade du pillage multiforme de ses ressources par des élites dirigeantes parasitaires et peu soucieuses de l’intérêt général. Les fonds spéciaux ou ‘’fonds politiques’’ ou ‘’caisses noires’’, institués depuis l’époque coloniale, ont été maintenus et même élargis, pour favoriser l’entretien et la reproduction du système de prédation et d’exploitation en vigueur dans notre pays. Avec ces fonds, l’on est autorisé à dépenser ‘’légalement’’ l’argent des contribuables de façon discrétionnaire, sans contrôle ni reddition de comptes, selon seulement le bon vouloir du prince ou de l’autorité concernée : 08 milliards pour le Président de la République, 500 millions pour le Président de l’Assemblée nationale, sans oublier la Primature, le CESE, le HCCT…
Ce dispositif a existé et a prospéré à la Mairie de Dakar, depuis 1920 souligne Khalifa Sall ! Un tel système, opaque et injuste, doit être aboli et banni à jamais. La méprise de Khalifa Sall a été certainement de sous-estimer le cynisme, l’anti-républicanisme et la roublardise de ces gens là au pouvoir : tant qu’il était dans leurs bonnes grâces, il a pu user de ce dispositif sans conséquences fâcheuses pour lui et ses collaborateurs ; mais le jour où il a commencé à prendre ses distances et à afficher ses propres ambitions, le couperet lui est tombé net, au nom soit disant de la lutte contre l’impunité, de l’obligation de rendre compte et patati patata ! Un coup apparemment imparable, avec toutes les allures de ‘’légalité parfaite’’, un coup tordu cousu de fil blanc au plus haut sommet de l’Etat APR incluant les alliés complices et autres comparses. Quelle supercherie juridique, quelle escroquerie politicienne !
En vérité, dans son esprit comme dans son fonctionnement, malgré les apparences d’une régie d’avance qui, aujourd’hui seulement, servent d’alibi et d’armature juridique pour le mettre en prison, le fonds utilisé par Khalifa Sall « n’est pas une caisse d’avance », comme l’a déclaré d’ailleurs publiquement le ministre APR Abdoulaye Diouf Sarr, à l’occasion du lancement de sa campagne de ‘’conférences itinérantes’’ dans les communes de Dakar. Le Maire Moussa SY courageusement confirme, en témoignant clairement de l’utilisation de cette caisse comme fonds politique, validé et autorisé comme tel depuis 2009 dans son existence et son fonctionnement, au vu et au su de tous- APR, PS, AFP et tutti quanti, tous ces gens là qui aujourd’hui accusent hypocritement et sélectivement le Maire Khalifa Sall.
Du reste, faut- il le préciser, ce qu’ici l’IGE a explicitement demandé, c’est de mener une enquête sur la création et le fonctionnement de la régie d’avance de la Mairie de Dakar : une telle recommandation, mise délibérément de côté, aurait été certainement fort révélatrice de pratiques largement partagées et non imputables sélectivement au seul Khalifa Sall. Comment peut on brandir l’argument de la reddition des comptes alors que tous ceux qui sont inquiétés, poursuivis, arrêtés, emprisonnés ou radiés avec une célérité sélective sont, comme par hasard, des responsables politiques en opposition au pouvoir en place : Bamba Fall, Barthélémy Diaz, Abdoul Mbaye, Ousmane Sonko, Khalifa Sall, peut être demain Cheikh Bamba Dieye, Malick Gakou ou un autre? Comment peut-on brandir l’argument de la reddition des comptes pendant que plusieurs Rapports de l’IGE, de l’OFNAC, de l’ARMP, de la Cour des Comptes, de la CENTIF dorment impunément dans les tiroirs ?
Comment peut- on brandir l’argument de la reddition des comptes quand l’IGE Nafy Ngom Keïta se voit limogée pour avoir épinglé le DG du COUD, lequel n’a trouvé rien de mieux que d’injurier publiquement et effrontément ce haut fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, sans aucune suite à ce jour de la part de nos Républicains en chef ? Que dire des rapports sur PETROTIM, Frank Timis et le frère du Président ?
Sur le titre Bertin de Bambilor incriminant entre autres MM. Amadou Bâ, Mamadou Mamour Diallo, anciens responsables aux Impôts et Domaines puis bombardés responsables politiques APR ? Faut-il, au nom de la promotion de la transhumance, passer en pertes et profits les scandales révélés dans les Rapports sur les malversations commises à l’occasion du FESMAN ou sur le pillage des fonds de la LONASE et du Ministère de la Famille, pour ne citer que ceux là ? Eloquentes illustrations de la part du Président Sall, Messieurs de BBY, de votre « choix définitif de la lutte contre l’impunité et la délinquance financière » !
Il faut se rendre à l’évidence : l’escroquerie politicienne et le traquenard judiciaire sont déployés toutes voiles dehors pour espérer abuser les citoyens honnêtes. Mais assurément la justice ne saurait exister là où ne règne ni indépendance des juridictions ni égalité des citoyens devant la loi, en totale contradiction avec les dispositions du Préambule de la Constitution du Sénégal, laquelle préconise l’instauration «d’un Etat de droit dans lequel l’Etat et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d’une justice indépendante et impartiale ».
La refondation de la République et de ses instituions est donc plus que jamais une exigence démocratique et de progrès pour notre pays, surtout après le référendum maquillé et tronqué du 20 mars, la réforme de la magistrature dénoncée publiquement par l’Union des Magistrats du Sénégal, la mise en cause de l’indépendance de la justice exprimée publiquement par des magistrats lucides et courageux tel le juge Ibrahima Hamidou Dem. Comment s’étonner alors des procès à la carte et à la tête du client, sur instruction ou inspiration de l’Exécutif ? A la traque des biens mal acquis, elle aussi maquillée, s’est substituée la traque des opposants et des lanceurs d’alerte qui éclairent et dénoncent la mal gouvernance, la corruption, le népotisme et le clientélisme.
La Coalition Sàmm Li Nu Bokk/Alternative Solidaire fustige fermement toute justice à deux vitesses qui fait planer l’insécurité juridique sur la tête des opposants, des démocrates et patriotes sincères, qui décrédibilise l’institution judiciaire en érodant la confiance du peuple à son endroit. Elle exige la déclassification de tous les Rapports des organes de contrôle, la suppression des Fonds spéciaux dits Fonds politiques ou à tout le moins, l’institution d’un dispositif clair et transparent encadrant leur mise en place, leur fonctionnement et utilisation, sur la base d’une réglementation assurant leur contrôle et la reddition de comptes par tous sans exception, sans oublier la limitation stricte et l’encadrement rigoureux des caisses d’avance, afin que nul n’en ignore et que tous le voleurs rendent gorge : notre patrimoine national ne s’en portera que mieux !
La Coalition Sàmm Li Nu Bokk/Alternative Solidaire exprime sa solidarité entière à l’égard de Khalifa Sall et de ses collaborateurs victimes d’une procédure de règlement de comptes politiciens à des fins électoralistes et d’accaparement du pouvoir, de tous les pouvoirs. Elle exhorte l’ensemble des forces vives et le peuple sénégalais tout entier à se mobiliser et à se dresser vigoureusement contre l’arbitraire et le maa tey du pouvoir de dictature émergente de l’Etat-Parti APR. La Coalition Sàmm Li Nu Bokk/Alternative Solidaire met solennellement en garde le Président de la République, son Gouvernement, son Assemblée, sa Justice et ses autres Institutions contre le piétinement flagrant de la Constitution, contre les graves menaces qu’ils font peser sur l’unité nationale, la stabilité et la paix civile dans notre pays, au nom d’une folle ambition de forcing du destin en vue d’un hypothétique second mandat, quel qu’en soit le prix !
Dakar le 14 Mars 2017
La Conférence des Leaders
Contact : Madieye MBODJ, Coordonnateur en exercice