Dakarmidi – La fille du Président a choisi de consacrer toute sa vie à ce grand fauve politique. Claude Chirac est aujourd’hui plus que jamais décidée à entretenir la flamme chiraquienne et à protéger les siens.
Elle lui rendait il y a quelques semaines ce touchant hommage : « C’était un père aimant et sévère, et assez maternel, finalement ! Si nous allions le voir avec ma sœur pour lui exposer un souci, il trouvait toujours le temps pour nous conseiller », confiait-elle à Gala.
Même regard ébène, même franc-parler et, singulièrement, même pudeur. Au-delà des ressemblances, on retient le choix impérieux de Claude Chirac d’inscrire sa trajectoire dans le sillage de cet homme. Avec la volonté inébranlable de former un duo à toute épreuve. « Les Chirac », comme les nommait parfois une première dame, Bernadette, souvent agacée par les similitudes et la potache complicité de Jacques et Claude.« Elle est la fille dont rêverait tout père », a l’habitude de raconter Frédéric de Saint-Sernin. L’ancien ministre chiraquien a observé de près ce drôle d’attelage avant, puis après l’accession du patron du RPR à l’Élysée. Il a ensuite vu cette grande professionnelle de la communication devenir conseillère de François Pinault chez PPR, avant, finalement, de mettre sa carrière entre parenthèses. Elle souhaitait consacrer davantage de temps à l’ancien chef de l’Etat à la santé chancelante. Puis reprendre le flambeau de la fondation Chirac, si chère au cœur de son père. Ce si solide lien s’est noué pendant l’adolescence de Claude. La jeune fille insouciante et volontiers turbulente a été percutée de plein fouet par la maladie de sa sœur aînée, Laurence. Elle a vu ses parents désemparés tenter de lutter contre ce mal, cette anorexie sévère, cette irréversible dépression. La famille a formé depuis cette époque un clan uni pour protéger ce secret. Jacques Chirac et Bernadette se sont investis sans compter dans l’action politique et caritative.
Volontiers rebelle, Claude Chirac tente de son côté de trouver quelque réconfort dans d’éphémères nuits parisiennes. Elle se remet mal de son histoire d’amour avortée avec le futur comédien Vincent Lindon. La jeune fille cherche sa voie, tâtonne. Tentée par une carrière de vétérinaire, elle s’engage finalement sans grande conviction dans un cursus économique puis fait Sciences po, qu’elle abandonnera en cours de route. Dans le magazine Confidences, au début des années quatre-vingt, elle jurait : « Je ne serai pas capable de me sacrifier comme maman pour un homme. » Elle va pourtant caler ses pas dans ceux d’un animal politique, Chirac. C’est son père, qui, le premier, va avoir l’idée de la faire graviter dans sa sphère professionnelle. Il la souhaite près de lui. S’il n’a pas réussi à extirper son aînée des affres de la dépression, il va s’attacher à couver Claude ou du moins à lui offrir un cadre structurant, à ses côtés. « Sa présence n’est pas négociable. J’ai déjà perdu une fille, je veux sauver la deuxième » oppose-t-il à ceux, parmi ses plus intimes lieutenants, qui osent contester les velléités de sa cadette venue œuvrer dans son ombre.
Car la jeune femme, pleine d’allant s’est mis en tête de moderniser l’image de son père. Elle souffre de voir le maire de Paris caricaturé en « facho Chirac ». Elle l’encourage à abandonner son costume trois-pièces, à changer de lunettes. Elle applaudit lorsqu’il se risque dans l’émission de Patrick Sébastien, et l’incite à poser Walkman sur la tête pour le magazine adolescent Podium. Elle lui peaufine un programme de remise en forme dans les jardins de l’hôtel de Ville de Paris. Et s’enthousiasme lorsque son père reçoit la reine Madonna en son fief. La défaite de 1988 à l’élection présidentielle ne va faire que resserrer les liens entre père et fille. Cette dernière ne se contentera plus de conseils à la marge. Beaucoup à droite s’écartent du chef déchu. Claude, elle, est plus indispensable que jamais. Sa place devient officielle dans l’organigramme. Sa présence tranquillise son père, un temps sonné par son revers électoral. Le rythme effréné de la vie politique permet du reste à la jeune femme de ne pas sombrer dans la tristesse lorsque disparaît son mari, Philippe Habert sept mois seulement après leur mariage. Peu après leur union, des turbulences avaient déjà obscurci leur ciel. Claude avait mal vécu certaines analyses du politologue concernant la stratégie de son père.
Après ce deuil brutal, la jeune femme se plonge plus que jamais dans l’action. Son seul objectif, faire accéder son géniteur à la plus haute marche du pouvoir. Pour cela, Claude Chirac va s’envoler pour les Etats-Unis afin d’en ramener les méthodes de communication les plus novatrices. Elle impose à son père des séances de mediatraining et veille à rajeunir son entourage. Lorsqu’il est élu en mai 1995, c’est un couple… et leur fille cadette, qui investit l’Elysée. Claude Chirac, aux manettes, va, avec méthode, rendre la parole de son père plus rare et donc plus forte. Maman par ailleurs d’un petit Martin, elle s’attache à lui transmettre les valeurs que son père lui a léguées, « la capacité de révolte, surtout », rappelle-t-elle souvent.
La fille du Président veille à tout. Son histoire d’amour avec le père de Martin, le judoka Thierry Rey s’étiole. Pas sa flamme pour la chose publique. Elle tente d’installer le chef de l’Etat dans un rôle de sage au-dessus de la mêlée. Après son accident vasculaire cérébral en 2005, la communicante va veiller à ce que rien ne filtre sur l’état de santé du premier des Français. Elle le protège bec et ongles jusqu’à la fin de son quinquennat et bien au-delà. A chaque nouvelle alerte, elle demande à celui qu’elle a épousé en 2007, l’ancien secrétaire général de l’Elysée, Frédéric Salat-Baroux, de délivrer des informations millimétrées aux journalistes. Jusqu’à cette hospitalisation du 18 septembre. La politique pour Claude reste une affaire de famille. Citoyenne engagée, elle porte un œil aiguisé sur le combat présidentiel à venir. Elle qui dit être « plus un soldat qu’un chef » n’entre pas dans n’importe quel rang. Au nom du père.
Candice Nedelec