Les violences entre les rebelles musulmans et l’armée birmane auraient fait au moins 400 morts depuis une semaine dans le nord-ouest du pays, où la situation humanitaire est jugée préoccupante par l’ONU.
250 000 personnes sur place sont privées d’aide alimentaire.
Le 1er septembre, la police birmane a pris position dans un des camps de Sittwe, la capitale de l’État d’Arakan, au nord-ouest de la Birmanie, où vivent plus de 120 000 Rohingyas. Les violences entre des rebelles musulmans et l’armée birmane ont fait environ 400 morts depuis une semaine dans la région. / STR/AFP
La semaine qui s’achève marque une recrudescence de la violence dans l’État d’Arakan, frontalier du Bangladesh, dans le nord-ouest de la Birmanie.
Dans cette région bouclée par l’armée birmane depuis octobre 2016, dans laquelle aucun journaliste ne peut se rendre de façon indépendante, les témoignages recueillis font état d’affrontements extrêmement violents entre les rebelles musulmans rohingyas et l’armée birmane.
Ils y auraient fait au moins 400 morts ces derniers jours, et ce nouvel embrasement a poussé plusieurs dizaines de milliers de personnes – 58 600 selon l’ONU – à fuir le pays pour se rendre au Bangladesh, l’État voisin, de l’autre côté de la rivière Naf, afin d’y trouver refuge.
20 000 personnes sans ressource bloquées à la frontière
Plus de 400 000 réfugiés rohingyas se trouvent déjà au Bangladesh, qui a fermé sa frontière, ne pouvant pas en accueillir davantage. Et actuellement, ils seraient quelque 20 000 bloqués sans aucune ressource à la frontière, qu’ils sont nombreux à tenter de traverser par leurs propres moyens, à la nage ou sur des rafiots de pêche.
Une traversée qui se fait souvent au péril de leur vie en cette période de mousson où les flots sont très agités. Dix-huit corps ont été retrouvés vendredi 1er septembre sur la rive bangladaise. Sous le couvert de l’anonymat, un officiel de la région de Cox’s Bazar, au Bangladesh, évoque, lui, 41 personnes échouées en une semaine.
Dans le même temps, des centaines de villageois bouddhistes de l’ethnie Rakhine fuient eux aussi leurs habitations et les zones agitées par ces troubles pour rejoindre d’autres villes birmanes.
La situation humanitaire est jugée très préoccupante par l’ONU, avec au moins 250 000 personnes dans la région actuellement privées d’aide alimentaire, du fait de l’interruption des distributions du Programme alimentaire mondial (PAM).
Le gouvernement birman, dirigé par Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, a mis en cause le travail des organisations humanitaires, affirmant que des rations avaient été retrouvées dans des camps de rebelles.
Parallèlement, l’envoyé spécial de l’ONU dans le pays Yanghee Lee a réclamé que le cycle de la violence soit « rompu de manière urgente ».
Telle n’est pas la tendance actuelle. Toujours vendredi 1er septembre, l’armée birmane a annoncé, par l’intermédiaire de sa page Facebook, que « les corps de 370 terroristes avaient été retrouvés », et que 15 soldats et 14 civils ont été tués dans ces opérations. Le précédent bilan deux jours plus tôt faisait état de 110 morts.
L’ONU veut « éviter une catastrophe humanitaire »
Dans ce contexte de nouvelle flambée de violence, depuis le 25 août, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a appelé vendredi 1er septembre les forces de sécurité birmanes à la « retenue » contre la minorité musulmane, « et au calme pour éviter une catastrophe humanitaire », a indiqué un porte-parole.
Cette aggravation notable de la situation s’explique par une attaque, le 25 août dernier, d’une trentaine de postes de police de l’État d’Arakan par la rébellion naissante, l’Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA).
Après cette attaque, l’armée birmane, comme lors de précédentes explosions de violences, a répondu par une vaste opération dans la région, particulièrement pauvre et reculée, commettant de nombreuses exactions, selon des témoignages recueillis par l’Agence France-Presse auprès de Rohingyas, réfugiés au Bangladesh. ceux-là évoquent des tueries à l’encontre d’hommes, de femmes et d’enfants, qui ont poussé plusieurs dizaines de milliers d’entre eux à prendre la route alors que leurs villages étaient détruits.
Une ONG locale, Fortify Rights, a aussi reçu des récits de survivants décrivant notamment le chaos et l’horreur semés par l’armée, cinq heures durant, dans le village de Chut Pyin. « Mon frère est mort brûlé,témoigne ainsi Abdul Rahman, un villageois de 41 ans. Nous avons trouvé les autres membres de ma famille dans les champs. Ils avaient des marques d’impact de balles et certains des blessures par arme blanche ».
Les derniers chiffres communiqués par l’ONU, le 1er septembre, font état de 38 000 personnes arrivées au Bangladesh en provenance de Birmanie en une semaine. Quasiment tous sont des Rohingyas.
Une commission internationale dirigée par l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan appelait la semaine dernière la Birmanie à donner plus de droits à cette minorité musulmane d’environ un million de personnes, qui risquait de « se radicaliser ».
Alors que la paix sera au cœur du prochain déplacement du pape François en Birmanie et au Bangladesh, du 27 novembre au 2 décembre, le pouvoir birman, actuellement sur une ligne dure dans le sillage de l’armée, ne semble pas entendre jusqu’ici entre la recommandation de la commission.