Ben Arfa avait une raison de plus que ses partenaires de mettre fin à la disette rennaise : une revanche à prendre face au PSG. Et ce soir, après avoir soulevé la Coupe de France au nez et à la barbe de son ancien club, il peut enfin définitivement tourner la page parisienne pour se concentrer sur celles à venir.
Hatem Ben Arfa courait derrière quelque chose de plus grand que lui, ce samedi soir au Stade de France. Quelque chose d’étrange entremêlant son cas personnel, mais aussi celui d’une ville qui a cru en lui. Quelque chose de fort et tenace comme la volonté à 32 ans de repousser ses limites et de prolonger le plaisir. Ce trophée représentait bien plus qu’une ligne sur son palmarès, puisqu’il l’avait déjà soulevé à deux reprises, en 2008 avec l’OL et en 2017 avec le PSG. Cette fois-ci, cette Coupe de France a été décrochée au terme d’une finale à couteaux tirés, avec club qui n’y avait plus touché depuis 48 ans, et face à un autre à qui il en devait une.
Ainsi, les larmes coulant sur ses joues au moment de grimper la tribune présidentielle étaient celles du sentiment du devoir accompli, envers lui-même et envers le peuple breton ; ses mots à chaud étaient un dernier clin d’oeil envers le PSG. Soit sous forme de blague en zone mixte : « C’est mon plus beau titre. On a fait une remontada. Mais ils ont l’habitude… » Soit sous forme de balle. « Bien sûr, c’est particulier, surtout par rapport au président Nasser, lâchait-il au micro de France 2. Dans la vie, il ne faut jamais sous-estimer son adversaire. Un jour ou l’autre, il revient plus fort… »
Un soliste bien accordé
« Fort » , Hatem l’a été. Non pas particulièrement sous la lunette purement footballistique. D’ailleurs, ses premières minutes ont été témoin d’une difficile mise en jambe, avec trop de touches de balle et trop de pertes également. Le mauvais visage caractéristique du garçon que l’on connaît depuis si longtemps. Mais petit à petit, le natif de Clamart a fluidifié son jeu pour servir de base de lancement pour les flèches Ismaïla Sarr et M’Baye Niang. Progressivement, sa qualité technique a apporté de l’air à ses coéquipiers quand ils étaient asphyxiés. En fin de match, il aurait même pu forcer la décision, mais son enroulé du gauche a finalement fui la lucarne. Tant pis, cette soirée ne devait pas être que la sienne. Elle devait montrer qu’il savait mettre son talent au service d’une équipe. Comme si cette injonction qu’il a tant de fois entendu dans le passé était devenu un sacerdoce.
Julien Stéphan n’y est peut-être pas pour rien. Amené à analyser la performance de son joueur en conférence d’après-match, le coach rennais a salué ce « garçon particulier, différent » , qui a « extériorisé beaucoup de choses » , qui avait à coeur de prouver avec avoir « fait un choix fort en venant au Stade rennais » , avant de rapidement embrayer sur la dimension collective de cette victoire. Au début du mois d’avril, avant même de faire tomber son club formateur de l’Olympique lyonnais en demi-finale (3-2), Hatem était persuadé d’une chose : il ne pourrait pas vaincre seul. « Et on est capables (de gagner en finale), si on reste vraiment unis, collectifs » . Les promesses ont été tenues et son penalty inscrit en second tireur n’a été qu’une brique dans le mur du succès breton.
Coeur d’artiste chaud
Le Paris Saint-Germain est certainement passé à côté d’un mec qui valait mieux que d’être mis au placard. Mais il faut aussi croire que cette expérience a changé Hatem Ben Arfa. L’échec parisien a été un coup pour son ego, mais lui a aussi permis de rebondir aujourd’hui en Bretagne. Et quand son dirigeant Olivier Létang tenait face aux médias un discours négatif, tout en appelant à l’union en interne, il n’a pas manqué de lui reprocher son double discours, d’après les informations de L’Équipe. Un épisode qui marque son sens des responsabilités, pour un club qui lui apporte ce qu’il attend et à qui il apporte ce que le club attend.
« À Rennes, je me sens bien, je croise des gens très gentils, courtois, respectueux, j’aime bien cette ville, expliquait-il dans un entretien à L’Équipe. Rennes, c’était un club, tu venais, tu savais que tu terminais entre la septième et la dixième place. Et les supporters, aujourd’hui, ils ont la joie et l’espoir. Avant, ils étaient dans la frustration, ils se disaient : notre club, c’est un sparring-partner. La saison est déjà saison réussie par rapport à ça, et je suis content d’y avoir participé. Ça restera, et le club doit donner encore plus à cette ville. Mais aujourd’hui, tu parles de Rennes, c’est plus excitant. » Et tant pis s’il compte à titre personnel autant de Coupes de France que le Stade Rennais : les bons comptes font les bons amis, et certainement quelques ennemis à la capitale.