« Cette première accusation est presque anecdotique comparée à la seconde consistant à me faire passer pour un « wahabite » ou même un dangereux extrémiste. J’ai été ainsi informé, par des militants et sympathisants mourides, tidianes, ou catholiques, que des responsables du parti au pouvoir et non des moindres, sillonnent les principaux foyers religieux du pays, distillant cette calomnie et, malheureusement, parvenant à jouer avec les peurs idéologiques des uns, l’antagonisme spirituel artificiellement forge des autres et les craintes du syndrome minoritaire enfin pour certains. Le plus cocasse c’est que les commanditaires de telles propagandes sont pour la majorité connus pour leur accointances avec les milieux maçonniques et autres groupuscules occultes.
Les plus désespérés n’hésitent même pas à faire allusion a mes origines casamançaises, tentant par-là d’établir une quelconque connexion entre moi et les revendications irrédentistes armées d’une partie des ressortissants de cette zone.
Je puis affirmer n’être nullement ébranlé par cette campagne nauséabonde qui, somme toute, m’offre plutôt une bonne opportunité de procéder à quelques clarifications importantes pour saisir le sens de mon combat et de mon action politique. Je suis né un jour de Juillet 1974 d’une mère sérère de Khombole, dont les lointaines origines sont du Sine qu’un arrière-grand-père avait quitté pour aller s’installer dans le Gandiole, au nord du Sénégal. Du côté maternel elle est la fille d’un Toucouleur, originaire du Fouta, précisément du village de Ndiayene Pendaw.
Mon défunt père lui est de l’ethnie diola, majoritaire en basse Casamance. Il est originaire du village de Bessire (ou Bassire) dans le département de Bignona, célèbre par la renommée d’un de mes grand-pères, Arfang Bessire Sonko, illustre par ses hauts faits de développement en tant que chef de Canton des Djougouttes-Nord.
En réalité, je traverse le Sénégal du nord au sud et revendique sans concession et avec fierté l’ensemble de ces identités qui m’enrichissent et font de moi ce que je suis : un Sénégalais jusqu’au bout des ongles. C’est la autant d’atouts qui me font sentir chez moi partout ou je me trouve sur le territoire. Je suis par essence un « condensé » national, ce qui me met au-delà des contingences partisanes de nature ethnique, ou géographiques. Hélas certains, par leur gouvernance népotiste dictée par leur obsession pour le pouvoir, ont joué ces dernières années avec les démons du clanisme qui, jusque-là, étaient inconnus du Sénégal.
Né à Thiès donc, de parents tous deux fonctionnaires, j’eus enfant, au grès des affectations, à voguer dans le pays, de Ndioum a Vélingara avant que mon père décidât d’acquérir une maison a Sebikotane et d’y établir la famille. Nous y passâmes quelques années desquelles je retiens beaucoup de souvenirs et mes premiers pas d’écoliers, avant qu’il ne demande et obtienne une affectation à Ziguinchor, j’avais alors sept ans.
C’est en Casamance, dans la ville la plus cosmopolite du Sénégal, a « Zig » comme nous nous plaisons a l’appeler, que pendant treize années ininterrompues, je fis réellement mes humanités. A Ziguinchor, se côtoient, dans une parfaite harmonie, toutes les ethnies su Sénégal et les données de l’ANSD ne s’y trompent pas : « En effet, il en est ressorti que les principales ethnies sont : l’ethnie Diolas (57,8%) qui est majoritaire, les Mandingues (11,10%), le groupe Pulaars (10,5%), les Ouolofs (3,9%), les Manjacks (3,5%), les Ballantes (2,9%), les Sérères (2,70%) et les Mancagnes (2,4%).
Ici, le fort brassage entre les communautés chrétienne, musulmane et même animiste a nul autre pareil dans le pays induit une cohabitation basée sur la tolérance mutuelle, l’acceptation de l’autre et presque une sorte de syncrétisme unique en son genre. La moitie de mes amis de l’école ou du quartier, qui le sont restes à ce jour, étaient chrétiens.
Je me rappelle alors de nos virées lors des fêtes de Tabaski, Noel, Korite ou Pâques, passant indistinctement en revue les maison de notre quartier des HLM Néma, dans un exercice de comparaison des plats concoctes par les uns et les autres, la palme revenant au « Ngalakh » de Pâques d’ailleurs.
Quand on a grandi dans cet environnement, on est immunisé contre certaines maladies des esprits obtus tels que l’intolérance religieuse, l’ethnicisme, le régionalisme et autres formes d’exclusions.
J’ai grandi dans cet environnement en musulman convaincu, pratiquant et spirituellement décomplexé. Je ne suis pas né et n’ai pas grandi tidiane, mouride, layenne, niassene, ibadou…, mais simplement musulman. Ceux qui ont vécu dans le sud du pays savent de quoi je parle car les considérations confrériques n’y avaient jamais été une réalité aussi forte que dans le reste du pays et la dominante tidiane, à laquelle se rattache ma mère qui est apparentée à Aladji Rawane Ngom Moukhaddam d’El Haj Malick SY, s’y exprimait dans une relative discrétion.
Donc mon appartenance religieuse ne s’est pas déterminée par un choix, mais par la naissance et mon éducation ; et ma voie a l’intérieur de cette religion ne s’est pas définie par opposition ou antagonisme a une quelconque autre voie, mais par un contexte et, plus tard, une option lucide. Je ne compte rien y changer, absolument rien.
D’abord parce que je n’ai vu que du bon dans la voie qui m’a amené la ou j’en suis, par l’enseignement du bien et la proscription du mal. Cette voie a fait de moi ce que je suis, socialement, intellectuellement, spirituellement. Celle-là qui m’a appris l’honnêteté, le respect de la chose publique, le respect et l’amour des parents et du prochain au point de chercher toujours à le servir avec désintérêt, l’amour de la patrie, le refus de la compromission, de toutes les compromissions. Cette voie d’où je puise les valeurs cardinales qui alimentent ma détermination dans le combat d’aujourd’hui, les combats passes et à venir, pour le triomphe du bien collectif et de la vérité. Celle qui m’a fait connaitre apprécier, respecter et aimer par des millions de Sénégalais et même de non Sénégalais. Celle qui m’a donné la force de résister à la corruption, la concussion et l’argent facile durant les 15 longues années passées dans une administration ou les tentations n’ont pas manquées. D’ailleurs comme le dit si bien le Cheikh, Serigne Mountakha Mbacke, Khalif General des Mourides : « avant d’être de telle ou telle autre obédience de l’Islam, tachons d’abord d’être de bons musulmans ». Ceci suffit à clore ce débat.
Ce qui est sûr, c’est que je ne suis d’aucune secte ou obédience occulte. Et croyez-moi, dans le landerneau sénégalais, peu d’hommes politiques et de la haute hiérarchie de la fonction publique y échappent, d’où leur propension à servir des intérêts obscurs au détriment de ceux du peuple.
Ensuite, parce que je ne verserai jamais dans cette hypocrisie ambiante, rien que pour assouvir une obsession presque morbide pour le pouvoir, de changer jusqu’aux convictions essentielles, notamment religieuses. Si le pouvoir n’était qu’a ce prix, je préfère y renoncer et rester moi-même, garder mon essence spirituelle. Et d’ailleurs, qu’est ce que le pouvoir si ce n’est simplement un sacerdoce, le serment de s’oublier et se sacrifier pour sa patrie. Conçu comme tel, y accéder ne peut et ne doit pas justifier tout et n’importe quoi, bien au contraire.
Certaines forces politiques travaillent aujourd’hui à placer le curseur des enjeux de la présidentielle de 2019 non pas sur les débats d’idées et la confrontation programmatique, mais plutôt sur des manœuvres malsaines visant à exacerber d’artificielles divisions confrériques. Honte a eux et gare a la pyromanie politique, le pays a déjà connu ces manipulations avec l’épisode Mamadou DIA en 1962 ; on se mord encore les doigts des mauvais choix faits a l’époque, sous le fallacieux et mensonger argument que DIA aurait été contre la classe maraboutique.
Si certains Sénégalais se laissent encore prendre à ce jeu, qu’ils assument la légèreté des critères qui fondent leur choix et acceptent d’être des objets de la démagogie politicienne sur le fond de marchandage « spirituel », au détriment de la compétence, de l’intégrité, du patriotisme et de la vision.
Au-delà de ces aspects, il faut réellement s’inquiéter de la résurgence de discours communautaires alarmants qui, ailleurs, ont brûlé des pays et causé des dégâts aussi irréparables que des guerres civiles, des génocides et même des guerres entre États. Dans ce Sénégal du 21eme siècle, il n’est pas rare d’entendre des gens, foulant au pied des millénaires de traditions sociétales de tolérance, de confiance et d’estime entre communautés culturelles, religieuses, géographiques … clamer haut et fort que ce pays ne sera jamais plus dirigé que par un président issu de telle communauté ou telle confrérie. Nous devons tous être vigilants face à ces discours fanatiques et j’en appelle à la sagesse de tous nos régulateurs sociaux, pour les prévenir et les anéantir. Dans le Sénégal du cousinage à plaisanterie entre ethnies et entre noms de famille, le Sénégal de la cohabitation religieuse enviée par le monde entier, le Sénégal de Senghor et Serigne Fallou, il n’y a pas de place pour ces avis obscurantistes et sectaires.
En visite récemment chez Serigne Maodo Sy Malick, L’homme de Dieu me confiait que dans des moments difficiles, comme lors des sécheresses de la fin des années 70, son défunt père dont les prêches manquent encore cruellement aux Sénégalais, le regretté Serigne Abdoul Aziz SY « Dabakh », l’envoyait auprès de tous les guides religieux, y compris le Cardinal Thiandoum de l’Église catholique et le Révérend Dansakho de l’Église protestante, transmettre le meme message : prier pour le pays. Quelle formidable ouverture spirituelle.
J’ai quasiment fait le tour de nos autorites religieuses, j’ai été depuis trois ans recu presque partout, et je puis affirmer que ces derniers sont foncièrement bons, attentionnés, prévenants, pieux, saints, humains.
Je me souviens d’une audience l’année dernière avec l’archevêque de Dakar, Mgr Benjamin Ndiaye, dans ses résidences a Fann. Je m’évertuais alors, pendant une trentaine de minutes, a exposer les raisons de notre engagement en politique et la situation du pays, l’homme d’église me regardait attentivement hochant la tête et semblant très affecté. J’en ai été très surpris et me demandai la raison de ce regard presque compatissant. Je n’eus ma réponse qu’a la fin de nos échanges, Mgr me demanda alors s’il pouvait me poser une question personnelle, ce a quoi je répondis favorablement : de quoi vivez-vous avec votre famille maintenant qu’ils vous ont exclu de votre travail ? Est-ce que vous parvenez à vous en sortir ? me lança-t-il avec une émotion si perceptible que j’en fus troublé. Il ne posait pas la question a un musulman, ou a un catholique, mais simplement a un être humain, Sénégalais de surcroît.
Je témoigne très sincèrement toute ma gratitude a ces autorités de toute les confessions, de toutes les obédiences pour leurs conseils avisés et leurs prières.
C’est le lieu de réitérer également mes remerciements appuyés aux initiateurs du projet politique PASTEF qui, dans leurs diversités ethnique, religieuse et régionale, avaient unanimement porté leur choix sur ma modeste personne lors de l’ AG constitutive pour être le président du parti, alors que je n’étais pas demandeur. Chaque jour, heure et minute, je m’évertue à rester digne de cette confiance originaire.
C’est enfin l’endroit pour me réjouir de cette adhésion massive de militants et sympathisants, de ces milliers de Sénégalais qui, chaque jour, rejoignent les idéaux et/ou le combat de PASTEF. Au nom de toute l’équipe dirigeante, je vous assure que vous faites le bon choix et vous exhorte à un engagement entier pour le Sénégal, pour nos fils et petits-fils ; à un don de soi pour la patrie.
J’ai toujours éprouvé du respect et de la considération pour tout être humain dans ses croyances et convictions religieuses. Mais j’avoue que mon entrée en politique m’a beaucoup rapproché de chacune de celles-ci. En quatre ans, J’ai pu approcher de plus près la ville sainte de Touba et ses illustres autorités de même que Darou Mouhty, les communautés tidianes de Tivaouane, Kaolack, Louga, la communauté layenne de Yoff, le clergé et la communauté Catholique, les imams de la Casamance et du Fouta …. Au respect et à la considération, se sont ajoutées une fascination et une énorme admiration pour chacun. Assurément, le Sénégal est un immense pays par son modèle socio-religieux et a beaucoup à offrir en exemple au reste du monde. Ces acquis sont notre plus grande richesse, avant le pétrole et le gaz, le zircon et le phosphate, le poisson et l’arachide, l’or et le fer ; donc à préserver précieusement. »