Dakarmidi – Le 30 décembre 2006, Saddam Hussein était exécuté après trois ans de captivité et huit mois de chasse à l’homme. Le règne sanglant du raïs irakien, renversé en 2003 par l’armée américaine, s’achevait au bout du couloir de la mort d’une prison de Bagdad.
Il y a dix ans, jour pour jour, Saddam Hussein s’éteignait sous les acclamations bruyantes et les tourments silencieux du peuple irakien. Une vidéo de son exécution circule et imprime, à dessein, les esprits d’une dernière image morbide du dictateur. On le voit, la corde au cou, dans une caserne des renseignements militaires à Bagdad, entouré d’hommes en furie. Il demande d’une voix chevrotante qu’on lui enlève la cagoule avant de réciter une dernière profession de foi musulmane. À 6H10, la trappe s’ouvre, mettant un point final à sa prière, après vingt-quatre ans de dictature, huit mois de traque à travers tout le pays et trois années de captivité.
Des bombes et un jeu de cartes
Engagée en mars 2003 par Georges Bush pour renverser le régime de Saddam Hussein, l’invasion de l’Irak s’est accompagnée dès le départ d’un ultimatum lancé au président irakien. Le leader du parti Baas a quarante-huit heures pour quitter le pays avec ses deux fils, Oudaï et Qusay. Mais Saddam ne se rend pas. Commence alors et une longue chasse à l’homme, digne d’une fiction hollywoodienne,. Washington ordonne le bombardement ciblé d’un bunker à Bagdad et affirme ignorer si Saddam Hussein est toujours en vie, il l’est.
Alors que l’Irak est sur le point de tomber, des avions américains larguent quatre bombes de précision sur un bâtiment où se trouvait le restaurant, as-Sa’ah, à Bagdad dont Saddam Hussein était un habitué et où il était censé retrouver ses fils. L’immeuble est détruit emportant 14 civils avec lui mais le fugitif est toujours indétectable. Tout au long de la campagne militaire qui durera trois semaines, les États-Unis tenteront d’abréger les combats en éliminant le Raïs. En vain. Le secret de ses déplacements est bien gardé et il échappe de justesse à chaque attaque ciblée, appelée par les stratèges «frappe de décapitation».
Le 9 avril, la guerre est terminée mais la traque continue. Le département américain de la Défense publie quelques jours plus tard la liste de 52 dirigeants irakiens les plus recherchés sous forme d’un jeu de cartes, qui est distribué à Bagdad. Saddam est l’as de pique. Les Américains lancent alors l’opération Scorpion du désert, contre la guérilla pro-Saddam qui fera 113 Irakiens tués. Au bout de deux mois, la mission rebaptisée «Péninsule» permet à l’armée d’arrêter 400 de ses partisans. Ils sont soumis à des interrogatoires musclés mais sans résultat. Convaincue que Saddam Hussein se trouve dans la région de Tikrit, le berceau familial où il est né en 1937, l’armée concentre ses recherches sur ce territoire. Le«Roi de pique», Ali Hassan al-Majid, son secrétaire et plus proche collaborateur est arrêté, mais l’«As de pique» reste introuvable. Les têtes de Saddam Hussein, Oudaï et Qusay sont mises à prix à hauteur de 25 millions de dollars pour le père et 15 millions pour chacun de ses deux fils. Trois semaines plus tard, ces deux derniers meurent dans un bunker sous le feu d’un commando américain, à Mossoul, dans le nord de l’Irak.
Capturé dans un «un trou à rats»
La traque se concentre alors sur Saddam qui lui, reste introuvable. D’une part le Pentagone commence à récolter de plus en plus d’informations à son sujet, de l’autre des rumeurs de toutes sortes commencent à s’ébruiter sur son échappée. On dit par exemple qu’il se serait enfui au côté de l’ambassadeur Russe à Bagdad. Mais pour éviter toute confusion et progresser efficacement, Washington procède à une «opération analytique visant à identifier, parmi ses partisans, ceux qui pouvaient être à même de l’aider à se cacher», selon les termes d’un responsable américain.
Petit à petit, l’étau se resserre autour des proches du dictateur, permettant de «se rapprocher de plus en plus du cercle des intimes». Un homme intéresse particulièrement les Américains. Il est capturé le 13 décembre 2003, après trois tentatives manquées. Ce dernier, à l’identité gardée secrète, indique que le raïs se trouve probablement à Ad-Dour, sur les lieux mêmes où sa légende est née. Là, sur les bords du Tigre, qu’il avait franchi à la nage le fleuve en 1959 après un attentat contre le président l’époque, il est arrêté dans un «trou à rats».
Le colonel James Hickey, en charge de l’opération «Aube rouge», a envoyé 600 hommes à sa recherche. Deux heures plus tard, les soldats de la quatrième division d’infanterie donnent l’assaut dans une ferme appartenant à Qays al-Nameq, l’un des anciens gardes du corps de Saddam. Ils y découvrent par hasard l’entrée d’un bunker souterrain, recouverte de briques et d’ordures. Selon le récit des Américains, un homme sort alors les mains du souterrain. La barbe broussailleuse et le visage anémié, il se rend à ses assaillants. Le lendemain l’administrateur civil américain, Paul Bremer peut annoncer: «Mesdames et Messieurs, nous l’avons eu! Le tyran est prisonnier».
Avec Le Figaro