Wakit Tama signifie « l’heure est arrivée » en arabe tchadien. Ses membres — organisations de défense des droits de l’homme, syndicats et partis politiques d’opposition — ne reconnaissent pas les nouvelles autorités de transition et appellent sans relâche à la mobilisation.
Mais pour le ministre de la Communication Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement de transition, pas de quoi remettre en question le processus de Transition : « Il y a deux ou trois quartiers dans toute la ville de N’Djamena qui sont sortis [manifester ndlr], affirme le ministre, il n’y a pas un climat général de manifestation ». Mais la répression policière n’est-elle pas dissuasive ? Pour le porte-parole du gouvernement : « d’autres pays connaissent la répression policière, ce n’est pas simplement au Tchad. Mais quand c’est une volonté qui vient du plus profond du peuple, personne ne peut s’y opposer. »
Certains partis d’opposition ont cependant choisi de jouer le jeu de la transition et de l’union. Celui de l’opposant historique Saleh Kebzabo, qui compte deux représentants dans la nouvelle équipe, et celui de Mahamat Ahmat Alhabo, qui est personnellement entré au gouvernement, comme ministre de la Justice, notamment. Mahamat Ahmat Alhabo a d’ailleurs déjà prouvé — sur les ondes de RFI ou lors de son discours de prise de fonction comme nouveau garde des Sceaux — qu’il comptait y conserver une certaine liberté de parole.
Mais au-delà des paroles, beaucoup s’interrogent sur la future marge de manœuvre de ces opposants de l’intérieur. Le nouveau garde des Sceaux plaide, par exemple, pour un gouvernement de transition qui ne durerait que quelques mois, le temps d’organiser le dialogue national promis. Ce n’est pas le point de vue des caciques de l’ancien régime.
D’autres opposants ont quant à eux fait le choix de ne pas rallier la nouvelle équipe. C’est notamment le cas de Succès Masra, du parti les Transformateurs. De tous les opposants politiques, il est sans conteste le plus virulent. Cet ancien de la Banque africaine de développement dispose d’une base de militants importante, notamment chez les jeunes, sur laquelle il sait pouvoir compter. Aussi promet-il de continuer le combat.
Surtout, c’est l’ensemble de la coordination citoyenne Wakit Tama qui a appelé mardi à une nouvelle journée de mobilisation, le 19 mai. Maître Max Loalngar, président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH) et leader de Wakit Tama, assure que le mouvement ne s’essouffle pas.
Enfin, en toile de fond, il y a le rôle de la France. La fin de ce qui est perçu comme une ingérence française est au cœur des revendications de la société civile tchadienne.
Paris a soutenu pendant plus de trente ans le régime d’Idriss Déby et contribué, militairement, à son maintien. Après sa mort, la France a immédiatement adoubé le Conseil militaire de transition qui a pris le pouvoir, au nom de la « stabilité » du pays.
Embarrassé après la répression sanglante des manifestations du 27 avril, le président Emmanuel Macron a rectifié le tir, en prônant « une transition pacifique, démocratique et inclusive » et en s’opposant à tout « plan de succession ». C’était il y a deux semaines, depuis, silence radio.
Outre ce soutien militaire, le Dr Remadji Hoinathy pointe le soutien diplomatique de la France : « Un pays comme le Tchad, sur le plan budgétaire et financier, dépend beaucoup de la communauté internationale. Si la France est engagée aux côtés du CMT pour que la transition se fasse, la France va aussi s’engager sur le plan diplomatique et obtenir les soutiens qu’il faut pour ce CMT au niveau international. »
À présent, les Tchadiens attendent la composition du futur Conseil national de transition, qui fera office de Parlement, et qui sera composé de 93 membres. Et la décision de l’Union africaine, sur d’éventuelles sanctions contre le régime tchadien, reportée — pour la troisième fois — au vendredi 14 mai.