Dakarmidi – C’est Umaru Sissoco Embaló qui le premier a riposté en délivrant les premières salves contre Alassane Ouattara et Alpha Condé. Il a estimé qu’un coup d’État est forcément condamnable. Mais, a-t-il poursuivi, si on doit condamner un coup d’État, il faut condamner tous les coups d’État, sans exception. À cet effet, les projets de troisième mandat anticonstitutionnel sont aussi des coups d’État et on ne peut pas les laisser prospérer impunément. Donc, si on doit condamner la junte malienne du CNSP pour avoir fait un putsch, il faut également condamner Alpha Condé et Alassane Ouattara.
Alassane Ouattara, mal à l’aise, voulant reprendre la main, s’est permis un paternalisme mal placé en appelant le Président Embaló « fiston ». Ce dernier répliqua sèchement : « il n’y a pas de fiston ici, il n’y a pas de petit pays ici. Il y a des chefs d’État, qui sont tous égaux et j’entends assumer pleinement la souveraineté de mon pays ». Cela a cloué le bec à Alassane Ouattara, qui n’en revenait pas devant tant d’audace.
Le Président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a été particulièrement remarquable dans l’analyse qu’il a faite de la situation au Mali. Il a dit, pour désavouer Alassane Ouattara et Alpha Condé, qu’il est illusoire, voire utopique de penser qu’il est possible de rétablir IBK au pouvoir. Diplomatiquement, c’est infaisable. Militairement, c’est aventureux et politiquement, ce serait une agression contre la souveraineté du peuple malien. Il a déclaré que lui, Roch Kaboré, ne s’inscrirait jamais dans cette dynamique. Plutôt que de faire pleuvoir les sanctions sur le Mali, il a proposé qu’on aide le peuple malien à s’inscrire dans un schéma de sortie de crise pour le rétablissement rapide des institutions, dans l’intérêt de ce pays et de la sous-région.
Tous les autres chefs d’État ont commencé à s’aligner sur la position réaliste exprimée par le président du Burkina Faso, à commencer le président du Nigeria. Il a été rejoint par les présidents togolais et sénégalais. Macky Sall a même demandé qu’on allège les sanctions déjà décidées. Le jeune Président Sissoco Embaló a été mordant. Il a proposé au Président Mahamadou Issoufou de continuer à présider la CEDEAO jusqu’à la fin de l’année parce que lui au moins n’a pas de problème de troisième mandat dans son pays.
La réunion a donc fini par tourner au désavantage des deux larrons qui, la veille, se gargarisaient d’un prétendu soutien de leurs homologues et s’imaginaient triomphants.
La déculottée a été particulièrement sévère pour Alassane Ouattara, qui s’imaginant peut-être le leader de la CEDEAO, pensait qu’il pouvait mener ses autres collègues à la baguette. L’envoi d’une mission au Mali a été décidée pour rencontrer les nouvelles autorités et discuter du sort d’IBK et des ministres. Tous les chefs d’État ont estimé que pour des raisons stratégiques, il ne fallait pas associer Alassane Ouattara et Alpha Condé à cette mission de médiation.
Cependant, après la réunion le Président Issoufou a reçu un coup de fil inattendu d’Alassane Ouattara. Il a insisté, il veut être de la délégation qui se rendra à Bamako. Il considère que ne pas y aller serait faiblir. Or, il veut que la ligne et la posture que lui et Alpha Condé ont incarné ne soient pas lésées. Il entend aller sermonner les bidasses et l’opposition malienne. Il assure qu’il faut être ferme avec les militaires comme il le fait avec les soldats ivoiriens. Bien que préoccupé, le Président Issoufou n’a eu d’autre choix que de marquer son accord. De sorte que demain la délégation qui ira à Bamako, sauf changement de dernière minute sera composée comme suit : Les Présidents Mahamadou Issoufou, Alassane Ouattara, Nana Akufo-Addo et Macky Sall.
La cause du peuple malien a été épousée par les présidents Embaló et Kaboré, au grand déshonneur des tripatouilleurs de constitutions que sont Alassane Ouattara et Alpha Condé.
Mediapart