Il était en pleine campagne électorale, près de Niafunké, dans la région de Tombouctou, son fief. À quatre jours des législatives, Soumaïla Cissé et sa délégation, une dizaine de personnes, quittent Saraféré pour Koumaïra mais ils n’y arriveront jamais. Des hommes armés attaquent la délégation, tirent… le garde-du-corps de Soumaïla Cissé est tué.
Soumaïla Cissé et le reste de sa délégation sont séparés. Libérés, eux, graduellement – peut-être parce qu’ils avaient moins de valeur ou qu’ils étaient trop nombreux – les compagnons de Soumaïla Cissé témoignent : d’autres otages civils maliens sont détenus dans le même camp, mais aucun contact n’est permis. Pas de maltraitance, de l’eau, de la nourriture, et un quotidien rythmé par les prières. L’attaque n’a pas été revendiquée mais des personnes libérées expliquent que leurs geôliers se réclamaient d’al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Un autre témoin affirme quant à lui que Soumaïla Cissé serait régulièrement attaché à un arbre et qu’il éprouverait des difficultés pour marcher.
Les mois passent. La libération du chef de l’opposition malienne était une cause nationale, elle devient un enjeu politique. Des rassemblements ont lieu pour exiger sa libération. Les appels sont dirigés vers ses ravisseurs, ou même contre le président aujourd’hui déchu Ibrahim Boubacar Keïta : des rumeurs mettant en cause la responsabilité de l’État malien se mettent même à circuler.
Pourtant, dès les premiers jours, le gouvernement a mis en place une cellule de crise, dirigée par l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maiga. Il y a aussi celle de l’URD, le parti de Soumaïla Cissé, et de multiples initiatives individuelles, comme celle de l’imam Mahmoud Dicko : des discussions avec les ravisseurs ou avec des intermédiaires, sont entamées.
Mi-juin, le président IBK assure que Soumaïla Cissé est en vie, que ses ravisseurs sont identifiés, et que « s’il plaît à Dieu, il reviendra bientôt ». Fin août, le CICR (Comité international de la Croix rouge), transmet à sa famille des lettres de Soumaïla Cissé, écrites un mois plus tôt.
Depuis la prise du pouvoir par la junte militaire du CNSP, le 18 août, rien n’a filtré de l’avancée des négociations avec les ravisseurs. Rien, jusqu’au dénouement.
Demba Traoré est le chef de communication de la cellule de crise de l’URD, il est également l’avocat et un proche de Soumaïla Cissé. Il se réjouit de sa libération et avoue qu’il y a eu des moments de découragement et de sentiment d’abandon : « Bien sûr que nous avons vécu ces moment-là. D’abord, son enlèvement a été très étonnant pour nous puisqu’on nous avait assurés que toutes les conditions sécuritaires étaient réunies pour que notre pays aille aux élections législatives. Et bien, qu’on enlève le chef de file de l’opposition dans sa circonscription, ça nous a paru vraiment très bizarre. Surtout qu’on avait l’impression à un moment donné que les négociations ne se faisaient pas du tout. »
« Donc, poursuit Demba Traoré, il y a eu surtout une déclaration du président de la République à l’époque, monsieur Ibrahim Boubacar Keïta, qui a annoncé le 16 juin que Soumaïla allait bien et qu’il allait être libéré très bientôt. Nous étions en train de regarder le calendrier, les jours passaient, les heures passaient et rien de plus, rien n’arrivait. On était de plus en plus inquiets, surtout que nos réseaux sociaux étaient inondés de fake news. Il y a eu des moments où on a même appris qu’on a retrouvé son corps sans vie à 45 kilomètres de Niafunké. On était vraiment inquiets ».