Des images et vidéos publiées le 13 mai, sur Facebook montrent des fidèles musulmans de la ville industrielle de Kamsar dans la région de Boké forcer la réouverture de mosquées pour y prier en cette période du ramadan. Or, les mesures mises en place depuis fin mars par le gouvernement guinéen pour endiguer la propagation du coronavirus imposent la fermeture stricte des lieux de culte. Un témoin de ces scènes raconte l’atmosphère sur place.
La Guinée compte au 15 mai 2473 cas de contamination au Covid-19 dont 15 décès. Pour enrayer la propagation du virus, le gouvernement guinéen a isolé la capitale Conakry du reste du pays et instauré un état d’urgence sanitaire depuis fin mars qui interdit les rassemblements de plus de vingt personnes et l’ouverture des lieux de culte.
Mais le 13 mai, à Kanyinguissa, un quartier de Kamsar, une ville minière dans le nord ouest de la Guinée qui abrite les usines de la Compagnie de bauxite de Guinée (CBG), des fidèles musulmans exaspérés par ces mesures jugées trop strictes en plein mois de ramadan, ont rouvert de force des mosquées.
Ces événements interviennent au lendemain de manifestations violentes contre les coupures d’électricité répétées, qui ont causé la mort de sept personnes dont une dans la ville de Kamsar.
“Les gens ne comprennent pas pourquoi les mosquées sont fermées”
Aboubacar Kéita, photographe et président de la communauté Wikipédia en Guinée, de passage à Kamsar, sa ville natale, a été témoin et a pris des photos de la scène. Il raconte :
Il sonnait 12h quand les populations ont commencé par se diriger vers la grande mosquée. Au départ, on manifestait contre le délestage électrique qui a commencé depuis une semaine. La protestation contre les coupures d’électricité avait démarré le 11 mai.
Finalement, mercredi, les autorités sont venues mettre en service de nouveaux transformateurs. Mais parmi les manifestants, il y a eu un mouvement spontané. Quelques personnes ont émis l’idée de rouvrir les mosquées. Ils étaient motivés par le fait d’avoir réussi à faire plier les autorités sur la question du délestage.
Ils se sont donc dirigés vers la mosquée qui se trouve près du marché de Kanyinguissa. Le mouvement a grandi quand les femmes du marché l’ont rejoint. Il y a eu des chants et des louanges. Le muezzin de la mosquée était sur place. Devant la foule, il a dû ouvrir la mosquée pour que les manifestants ne brisent pas les portes.
Plusieurs mosquées ont été ouvertes comme cela [le quartier de Kanyinguissa compte en tout cinq mosquées, la rédaction des Observateurs de France 24 n’a pas pu confirmer combien de mosquées avaient été rouvertes, NDLR]. Certaines même ont abrité la prière de 14h. Des mouvements similaires ont été enregistrés dans d’autres villes du pays comme Dubreka, tout près de Conakry et Coyah.
« Certains vivent mal la fermeture des mosquées, d’autres pensent que c’est normal »
Depuis le début de l’état d’urgence, les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale ont été jusque-là respectés. Mais il y a un relâchement. Les gens sont un peu mitigés. Beaucoup de personnes ne comprennent pas pourquoi les mosquées sont fermées alors que les marchés fonctionnent. Ils ont du mal à vivre cela alors que la période ramadan tire vers sa fin. D’autres par contre pensent qu’il est normal que les mosquées restent fermées parce que les grands lieux de culte comme La Mecque sont fermés.
Mais il y a une partie des manifestants qui ont arraché et brûlé les masques protecteurs parce qu’ils ne croient pas vraiment au coronavirus.
Il faut que l’État allège les restrictions et permette la réouverture des grandes mosquées en obligeant les fidèles à respecter les mesures de distanciation sociale lors des prières comme au Sénégal [le Sénégal qui compte 2310 cas de contamination au Covid-19 dont 25 décès, a décidé lundi 11 mars d’assouplir certaines mesures de restriction en donnant la possibilité aux leaders religieux d’ouvrir les lieux de culte, NDLR].
L’état d’urgence sanitaire prolongé jusqu’au 15 juin
En Guinée, face à la vague de réouverture de mosquées, Aly Jamal Bangoura, le Secrétaire d’État aux Affaires religieuses, a rappelé jeudi 14 mai dans une déclaration publique selon le site Guineelive, que la fermeture des lieux de culte « fait partie des mesures prises pour limiter la propagation de cette maladie qui secoue toute la planète terre ».
Il a par ailleurs indiqué que « la question de l’ouverture des lieux de culte a été soumise au comité de pilotage de riposte contre le coronavirus, au comité scientifique sur la pandémie, à l’Agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS) pour un examen minutieux des dispositions adéquates à prendre en la matière ».
Mais dans l’attente d’un assouplissement des mesures de lutte contre le Covid-19, les députés ont voté vendredi à l’unanimité, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au 15 juin.