“Je jure sur mon honneur de défendre la Constitution, de la respecter et de la faire respecter”, a déclaré M. Embalo, la main droite levée, devant un parterre de plusieurs centaines de personnes.
Puis le président sortant José Mario Vaz lui a passé au cou l‘écharpe de nouveau président, geste symbolique qui ne semble pas devoir mettre fin, dans l’immédiat, au bras de fer engagé depuis le second tour de la présidentielle le 29 décembre.
M. Embalo se fait introniser alors que son adversaire Domingos Simoes Pereira continue à contester les résultats et que la Cour suprême ne s’est toujours pas prononcée sur le recours qu’il a introduit.
Le Premier ministre en exercice, Aristides Gomes, reconnu par la communauté internationale, a dénoncé une tentative de “coup d’Etat” de la part de M. Embalo, dans ce pays d’Afrique de l’Ouest qui en est coutumier.
M. Embalo, ancien général, ex-Premier ministre et candidat de l’opposition au parti historique PAIGC, a été donné vainqueur par la commission nationale électorale avec 53,55% des voix.
La commission crédite de 46,45% des voix son adversaire Domingos Simoes Pereira, président du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC), la formation qui domine la politique de cette ancienne colonie portugaise depuis son indépendance en 1974.
M. Pereira et le PAIGC dénoncent des fraudes, réclament qu’on recompte les bulletins et s’en remettent à la Cour suprême d’une décision finale.
M. Embalo, 47 ans, dit que la décision n’appartient pas à la Cour suprême et fait valoir que la commission électorale, sommée par la Cour suprême de vérifier les résultats, les a confirmés à plusieurs reprises. Il a choisi de passer outre à l’arrêt attendu de la Cour suprême, mais aussi à l’approbation du président en exercice du Parlement, absent à la cérémonie de jeudi.
L’inconnue internationale
M. Embalo, l’outsider qui a déjoué les pronostics, a fait campagne sur le thème de la rupture avec le passé et rallié à lui ses adversaires du premier tour contre le candidat du PAIGC.
Il a fustigé jeudi “le manque de vision, le népotisme, la gabegie pendant 45 ans (qui) ont conduit notre pays à l‘échec”. “Aujourd’hui commence une nouvelle ère, un nouvel espoir pour notre pays”, a-t-il promis, en même temps qu’une nouvelle alliance au Parlement, où le PAIGC conserve une majorité relative.
Le déploiement d’un dispositif militaire important dans et autour de l’hôtel indique que l’armée, acteur de bien des crises bissau-guinéennes, a choisi de laisser faire.
On ignore la réaction de la communauté internationale. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédeao), partenaire et médiatrice historique, a félicité M. Embalo en janvier.
Sollicitée à plusieurs reprises pour savoir si M. Embalo serait à présent considéré officiellement comme le président, elle n’a pas répondu.
Egalement interrogé par l’AFP, le département d’Etat américain a renvoyé mercredi aux félicitations adressées en janvier à M. Embalo par les Etats-Unis. Le Portugal, quant à lui, avait dit fin janvier attendre des résultats définitifs validés par la Cour suprême avant de reconnaître l‘élection de M. Embalo.
Cet imbroglio est le dernier épisode en date d’une histoire contemporaine chaotique. Depuis l’indépendance, la Guinée-Bissau a connu quatre coups d’Etat et seize tentatives plus ou moins avancées, plus qu’aucun pays dans le monde en dehors de la Somalie, selon un centre de recherche.
Le dernier putsch remonte à 2012. Depuis la présidentielle de 2014, le pays s’est engagé sur la voie d’un retour à l’ordre constitutionnel, ce qui ne l’a pas préservé de turbulences à répétition, mais sans violence, entre le camp du président sortant José Mario Vaz et le PAIGC.
La stabilité est pourtant un enjeu majeur pour ce pays d’1,8 million d’habitants, l’un des plus pauvres du monde et qui a bien besoin de réformes. L’instabilité et la pauvreté y ont favorisé l’implantation de narcotrafiquants, qui utilisent le territoire pour faire transiter la cocaïne d’Amérique latine vers l’Europe, avec la complicité suspectée de cadres de l’armée.
La Guinée-Bissau était classée 172e sur 180 pays en 2018 par Transparency International, ONG spécialisée dans la lutte contre la corruption.
Source : Africanews