Le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) a perdu sa majorité parlementaire au profit de l’alliance du président élu Umaro Sissoco Embaló, qui remporte ainsi une nouvelle bataille.
Les débats auront duré un peu plus de six heures au sein du « Palácio Colinas de Boé » qui abrite l’Assemblée nationale populaire. Ce mardi 30 juin autour de 4 heures du matin, les parlementaires bissau-guinéens ont offert une victoire quasi sans-appel au camp du nouveau président Umaro Sissoco Embaló, vainqueur du second tour de l’élection présidentielle de décembre 2019 sous la bannière du Madem G-15 face à Domingos Simões Pereira.
À l’issue d’une séance boycottée par le PAIGC, majoritaire à l’Assemblée depuis les législatives de mars 2019 (54 sièges sur 102), le candidat du Madem et ses alliés ont ravi la majorité parlementaire au parti de Domingos Simões Pereira, dit DSP. Cette redistribution a abouti à la validation du programme de Nuno Gomes Nabiam (APU), nommé Premier ministre en février, par 55 voix contre une.
« Instauration de la terreur »
Le vote, porté par la coalition du chef de l’État (Madem G-15, APU et PRS) a été appuyé par cinq parlementaires du PAIGC. Si certains d’entre eux revendiquent un vote visant à faire sauter les blocages politiques, le PAIGC dénonce de son côté les manœuvres du président Embaló. En conférence de presse quelques jours avant, le parti de Domingos Simões Pereira fustigeait « l’instauration de la terreur et de la barbarie contre le gouvernement démocratiquement élu » lors des législatives de 2019. « Un terrorisme d’État » ayant selon lui mené « à une série d’arrestations arbitraires » de militants et de cadres politiques et à de nombreuses pressions.
« SOUS FORTE PRESSION, CERTAINS DÉPUTÉS PAIGC ONT FINI PAR BASCULER »
« Embaló a utilisé l’ambiguïté des textes constitutionnels, l’appui des forces de sécurité et la menace judiciaire pour disperser le gouvernement à majorité PAIGC, imposant son pouvoir de facto » décrypte le chercheur au CNRS Vincent Foucher. Plusieurs responsables PAIGC sont partis à l’étranger ou réfugiés dans des ambassades internationales. Sous forte pression, certains députés PAIGC ont fini par basculer et donner ainsi une majorité à la coalition pro-Sissoco Embaló », ajoute ce spécialiste de la Guinée-Bissau.
Même obtenu sous la pression, cette étape était essentielle pour le camp Embaló, en raison du régime semi-présidentiel bissau-guinéen qui fait du Premier ministre l’homme fort du gouvernement. Lors de sa reconnaissance par la Cedeao, Umaro Sissoco Embaló avait d’ailleurs été sommé par l’instance régionale de nommer un gouvernement issu de la majorité parlementaire, comme le prévoit la Constitution.
Alliances précaires
De son côté, le PAIGC dénonce « un passage en force », mais ne s’avoue pas vaincu pour autant. Alors qu’il continue de contester les résultats de la présidentielle de décembre 2019, le PAIGC continue de travailler « pour sortir Bissau du chaos et du terrorisme d’État ».
Appuyé par les forces armées et désormais à la tête de l’exécutif et du législatif, le camp d’Umaro Sissoco Embaló et de Nuno Gomes Nabiam a désormais les coudées franches pour gouverner. Mais encore faut-il que leur alliance tienne.
La stabilité reste précaire dans ce pays rompus aux crises politiques et aux blocages institutionnels, où les coalitions ne durent jamais bien longtemps, à l’instar de celle qui unissait l’APU de Nabiam et le PAIGC après les dernières législatives. « On sait qu’en Guinée-Bissau, toutes les coalitions gouvernantes qui émergent sont susceptibles de se fragmenter tôt ou tard quand le partage des responsabilités et des ressources se précise et que certains alliés s’estiment mal récompensés », met en garde Vincent Foucher.